La célébration de l’anniversaire des Assises nationales, le 9 juin 2018, a réuni nombre d’acteurs de ce mouvement national inédit dans l’histoire de notre pays et dont les résultats inestimables ont une portée pertinente et durable pour le développement de notre pays, avec la présence du Bureau exécutif et sous la présidence de Amadou Makhtar Mbow.
Des comportements irrespectueux en violation du code de conduite des Assises
Malheureusement, pour certains c’était l’occasion à ne pas rater pour tirer sur les autres, notamment sur le pouvoir de Benno bokk yaakaar (Bby) sous la direction du Président Macky Sall et sur tous ceux qui le soutiennent, sans pour autant porter un regard critique sur leur propre pratique d’application des conclusions des Assises.
Des comportements singuliers défiant toute bienséance et tout sens du respect ont vu le jour : obstruction à la parole, chahuts d’intervention, provocations, en sus des expressions de “dégoût” (des «Cim» et des «Cam») proférées par des membres des Assises à l’encontre d’autres membres, et contre le régime actuel dont les forces principales sont toutes des acteurs historiques des Assises.
Certains parmi les porteurs de ces comportements ont ainsi, de manière sentencieuse, décrété la trahison de ceux-là, avant de demander que les Assises aient leur candidat à la prochaine élection présidentielle. Mais, fidèle à l’esprit de neutralité des Assises, le Bureau exécutif, par la voix de M. Cama, a tranché net la question : «Les Assises n’ont pas et n’auront pas de candidat !»
En vérité, de telles pratiques constituent une violation de l’éthique des Assises nationales et une transgression de son esprit transpartisan. Il est important, à ce sujet, de rappeler trois des cinq valeurs fondamentales, piliers des Assises, consignées dans le code de conduite de celles-ci :
«La neutralité : Toute personne assumant une charge au sein du Bureau exécutif et des Commissions doit faire preuve d’impartialité et respecter l’obligation de réserve. (Souligné par nous).
Le respect : Les parties prenantes des Assises se doivent mutuellement respect, leurs relations étant basées sur une confiance réciproque (SN).
La responsabilité : Toute prise de position publique d’une partie prenante, concernant les Assises, doit nécessairement refléter celle du mouvement des Assises nationales (SN) dans son ensemble.
Chaque partie prenante doit avoir en vue que ses propos et ses actes l’engagent individuellement ainsi que les autres membres des Assises. Elle devra en répondre.» (Annexe 3, Code de conduite, p.357 Rapport Général).
En outre, les principes édictés dans ce code stipulent : «Les relations entre les différentes parties prenantes doivent être empreintes de cordialité et de franchise (SN) pour une collaboration efficiente et l’atteinte des objectifs.» (Op.cit.p.358).
Disons-le tout net : ceux qui, parlant au nom des Assises, mettent en avant leur propre point de vue, contreviennent aux dispositions du code de conduite. Il en est de même pour ceux qui tentent de les instrumentaliser à des fins partisanes.
Du devoir de bilan collectif et individuel
Les Assises ont failli rater l’occasion de poser un regard approfondi sur elles-mêmes, en tant qu’entité collective, sur la base des tâches définies pour elles-mêmes, avant d’appeler chaque partie prenante individuellement à en faire de même pour elle-même, comme l’exige la probité intellectuelle.
N’eussent été les interventions du Bureau exécutif, à travers le Président A. M. Mbow, M. L. Loum et M. Cama, cette dimension du bilan du collectif aurait été occultée. Or, en la matière, les Assises avaient le devoir de regarder leur parcours, de mettre le doigt sur leurs performances et d’identifier leurs faiblesses.
Certes, il était important de magnifier les efforts incommensurables déployés par tous les acteurs, durant toute une année, sous la conduite d’un Bureau Exécutif responsable présidé par l’inégalable Amadou Makhtar Mbow et en dépit des menaces, intimidations et autres ostracismes exercés sur certains acteurs par le régime de Abdoulaye Wade et son parti, le Pds. Une manière de rappeler à tous d’où nous venons !
L’œuvre a été exceptionnellement belle, dans le fond et la forme. Elle a été historique, pour avoir mis ensemble des forces aux parcours différents, et qui ont su sublimer leurs appartenances respectives, leurs convictions propres, taire leurs divergences pour construire, dans la sérénité et la patience, ce bel enfant de la Patrie, aujourd’hui, convoité de toutes parts, surtout de ceux qui ont des desseins partisans.
Cependant, il était tout aussi judicieux de revisiter ce qui n’avait pas abouti afin de dessiner les perspectives les meilleures. Car, les Assises avaient prévu la mise en place d’un comité de suivi (cf. la Charte démocratique) et conçu un dispositif pour compléter son travail et «préparer la prise en charge des conclusions par les parties prenantes». Et certaines tâches du dispositif indiquaient :
«donner un contenu plus précis au concept de Cour constitutionnelle ;
élaborer la Charte des libertés ;
améliorer le dispositif d’évaluation des politiques publiques ;
proposer un projet de constitution donnant forme aux propositions des Assises ;
finaliser et publier le rapport sur la Casamance ;
mobiliser autour des Assises ;
recruter, faire signer la Charte par de nouvelles organisations, former, informer, mettre tout le corps social sous tension, susciter des sympathisants et des militants de la citoyenneté, fédérer les initiatives et les actions en vue d’exploiter le potentiel de synergie.
Les activités de suivi pourraient s’étendre à la fourniture d’un appui aux parties prenantes pour l’appropriation et la diffusion des conclusions». (cf. Rapport p.326).
Une interrogation s’imposait donc à tous collectivement : Qu’avons-nous fait de ces tâches ?
L’examen de toutes ces questions dans la sérénité, aurait certainement permis de bien situer les faiblesses en vue d’élaborer des solutions les mieux adaptées pour leur correction aux fins d’atteindre nos objectifs. Du reste, un tel exercice aurait été décisif pour fonder encore davantage et trancher la nécessité de l’Institut à créer.
Sans procéder ici à un tel bilan, il est tout de même utile d’indiquer que certaines de ces tâches dévolues aux Assises ont été réalisées par la Cnri mise en place par le chef de l’Etat. Il s’agit notamment du projet de constitution qu’il faut rapatrier et capitaliser dans les acquis des Assises.
S’agissant du Comité de suivi qui figure en bonne place dans la Charte, une tentative a été amorcée avec le pouvoir qui n’a pas connu de lendemain. En lieu et place, il a été installé, en mars 2012, un groupe de travail et de suivi (Gts) qui a développé un travail soutenu. Il faut en féliciter tous ceux qui y ont participé de manière bénévole !
A ce sujet, l’examen à titre d’exemple du travail du Gts sur lequel M. L. Loum a insisté montre à quel point la force et la prégnance des conclusions des Assises dans l’opinion sont tributaires de l’engagement rigoureux et conséquent de ses membres. En effet, il s’est révélé que sur les 50 membres du Gts cooptés et dont certains se sont proposés volontairement, seuls 5 ou 6 sont restés à leur poste de travail jusqu’au bout. Ensuite, sur les 06 années de travail, seuls 02 rapports ont été produits et remis au chef de l’Etat et au président de l’Assemblée nationale, parties prenantes des Assises au titre de leurs partis respectifs. Enfin, aucun de ces rapports n’a fait l’objet d’une publication pour le grand public. Quelles leçons cela peut-il inspirer pour l’avenir ?
C’est dire que dans chaque domaine, il est possible, en nous regardant nous-mêmes dans la glace, de tirer des enseignements de ce parcours fort élogieux et à nul autre pareil que constitue le mouvement des Assises. Dans tous les cas, une telle posture appelle à plus d’humilité, plus d’objectivité, plus de circonspection, plus de tolérance dans l’appréciation et le jugement que nous devons avoir de cette œuvre grandiose et de ses acteurs, loin des invectives et accusations gratuites.
Néanmoins, nous devons tous nous accorder sur la nécessité d’un bilan impersonnel, effectué dans la sérénité et l’objectivité et dont l’objectif est de poser un diagnostic clair, précis et sans complaisance aucune sur l’état d’application des conclusions des Assises en vue de parfaire, redresser, corriger, réorienter au besoin, dans le sens de relever les défis pour la construction d’un Sénégal nouveau. Et un tel bilan, pour être constructif, doit interroger la théorie et la pratique de chaque partie prenante dans la période déterminée, après avoir passé en revue les forces et faiblesses du travail collectif.
Du danger de scission du mouvement des Assises nationales
Une telle perception nous éloigne de la critique destructive qui risque de briser l’unité que nous avons forgée de longue haleine, dans le combat contre l’adversité dont la nocivité est encore prégnante. Certaines attitudes d’intolérance et d’exclusion pour ne pas dire d’excommunication que rien ne justifie participent au renforcement des adversaires des Assises nationales. Aujourd’hui, bizarrement, il s’en trouve des membres des Assises qui s’allient à ces derniers pour tirer sur leurs compagnons de lutte des Assises, discréditer et subvertir le pouvoir de Bby dirigé par des parties prenantes des Assises. Pourtant, ce pouvoir de Bby, ce sont eux qui ont contribué à le promouvoir auprès des populations et à l’installer à la tête de l’Etat. Une manière d’oubli de qui nous sommes !
Or, l’attitude la plus conséquente aurait été non pas de rejet, devant les difficultés, manquements ou faiblesses, mais plutôt d’unité et de lutte pied à pied avec ses alliés dans les Assises pour pousser toutes les parties prenantes à l’application comme préconisé dans le rapport : «Les Assises doivent continuer cette véritable tâche de sauvetage du Sénégal et s’attacher à pousser à l’application fidèle des remèdes (SN) qu’avec l’apport de tous. Pour y parvenir, elles doivent veiller à diffuser les conclusions auxquelles elles ont abouti, s’organiser, programmer l’action et trouver les moyens matériels et humains d’y parvenir.» (cf. Rapport, p.330-331).
N’est-il pas évident pour tous que si un candidat membre des Assises n’avait pas été élu, on n’aurait jamais pu s’attendre à la moindre application des conclusions des Assises, ni espérer avoir l’opportunité d’un bilan du côté du pouvoir. On serait encore dans une dynamique autrement orientée, autrement plus complexe, sans aucune possibilité ou opportunité de «pousser» dans le sens de l’application de ces conclusions.
Rappelons dans ce cadre que la dernière réunion du Comité national de pilotage (Cnp) tenue le 2 juin 2018 a instruit la question de l’instrument et des modalités nous permettant de rendre opérationnel un tel exercice d’évaluation, suite au rapport du Comité Ad hoc (Gts+) et de pérenniser celui-ci afin que les idéaux des Assises puissent survivre, au-delà de nos personnes et de nos organisations respectives.
Rappelons également, afin que nul n’en ignore, qu’un bilan des Assises quel qu’il puisse être ne saurait être dirigé contre telle ou telle partie prenante (parti politique, organisation professionnelle, religieuse, syndicale, patronale, de la société civile, personnalité indépendante, etc.), tel ou tel pouvoir. Il ne saurait être réalisé dans le but de positionner politiquement telle ou telle partie prenante. C’est dans ce sens que l’on peut sauvegarder le caractère neutre des Assises et perpétuer son esprit par le biais de l’Institut à venir.
Dès lors, il nous semble important de comprendre une bonne fois pour toutes que les Assises ne sont pas un tribunal et les parties prenantes ne sont pas en procès. Il nous faut donc prévenir toute fracture de notre mouvement des Assises et lui éviter le sort du M23, avec ses fractions. Dans tous les cas, nous ne devons oublier «qui nous sommes, d’où nous venons et ce que nous devons préserver : le Capital précieux que constituent les conclusions des Assises nationales». Ce patrimoine, aujourd’hui, commun à tous les Sénégalais, s’est construit dans la douleur, et la lutte contre l’adversité, porté par un esprit patriotique sans faille et un engagement solide.
Restaurer l’esprit des Assises pour chasser l’esprit partisan
Rappelons à tous ce que disait le Président A. Makhtar Mbow, lors de son discours inaugural, à la cérémonie de lancement des Assises, le 1er juin 2008, au Méridien Président et qui peut être résumé dans un certain nombre de principes et valeurs constitutifs de l’esprit des Assises décliné dans le code de conduite et le règlement intérieur. Il disait : «Ces Assises, je voudrais le rappeler, ne sont fermées à personne comme elles ne sont dirigées contre personne. En tant que président de ces Assises, je voudrais dire haut et fort que je reconnais sans restriction la légitimité du président de la République et des pouvoirs établis. Et rien dans ces Assises ne sera fait pour empêcher cette légitimité de s’exercer selon la Constitution et les lois de la République.» (cf. Rapport p.333-334) : Leçon de «républicanisme» et d’ouverture, proclamée à la face du monde, lors même qu’une bonne frange des parties prenantes des Assises, notamment parmi ses initiateurs politiques, ne partageait pas cette position.
Il ajoutera que «… ces Assises qui relèvent de plusieurs initiatives, dont les travaux portent sur les attentes venant de divers secteurs de l’opinion, peuvent, sur la base d’analyses lucides menées avec toute la rigueur voulue dans l’ensemble du pays, constituer un espace de neutralité politique absolue, d’apaisement et d’entente». (cf. Rapport p.338)  Principe de neutralité politique absolue, d’apaisement et d’entente, exprimé devant des organisations politiques et non politiques aussi diverses que différentes voire opposées parfois. Et le Président Mbow d’avertir : «Ces Assises ne seront ni source de conflit, de réprobation ou de rejet. Elles ne se seront pas, de ce fait l’occasion de critiques stériles, d’invectives, de mises en cause de qui que ce soit. Ce sont les problèmes, les situations et leurs solutions dans le cadre d’un vaste consensus qui sont les objectifs de tous ceux qui se sont engagés dans cette action. Ce seront des propositions mûrement réfléchies qui en sortiront.» (cf. Rapport p.339)
En vérité, seule cette grandeur d’âme, seul ce patriotisme lucide, cette ouverture d’esprit et cette générosité peuvent prémunir des tares de l’esprit sectaire et partisan qui empêche de s’élever à cette dimension de républicanisme, de tolérance, de générosité, de don de soi, pour l’intérêt supérieur de la Nation, du Peuple sénégalais. Ce qui appartient à tous doit être ouvert à tous «Réew dañ koy péncoo, ken du ko pàccoo !». Les Assises, patrimoine de tous les Sénégalais, ne peuvent et ne doivent connaître l’exclusion, ni l’excommunication. «Assises yi dañ koy péncoo, ken du ko pàccoo !» Car, comme disait A. M. Mbow : «Ces Assises constituent le meilleur rendez-vous de la Téranga, de l’hospitalité où tous les convives sont appelés à partager le savoir et l’espoir.» (Rapport, p.338)
Et, c’est justement dans un tel esprit que «quand les partis politiques s’élèvent au-dessus des querelles intestines, quand les hommes de réflexion font preuve de hardiesse, quand les hommes de décision font preuve de mansuétude et de longanimité et conjuguent harmonieusement leurs vues avec celles de la société « pour une union sacrée », soudée par l’étincelle de génie, par la parcelle de talent, le plein de compétence et de générosité que chacun porte en soi, alors un prodige peut s’accomplir. Ces Assises devront en être un pour le Sénégal et cela ne dépend que de nous». (Rapport, p.341)
Il est important de retenir que nul ne peut, en tant que partie prenante, s’exonérer du devoir de rendre compte de sa part d’application des conclusions auxquelles elle a souscrit, pour lesquelles elle a signé la charte de gouvernance démocratique, qu’elle soit du pouvoir central actuel ou de l’opposition, des institutions (Assemblée nationale, Hcct, Cese), des pouvoirs locaux, de la Société civile, du monde religieux, coutumier, des organisations professionnelles, patronales, syndicales, personnalité indépendante, citoyens simples, etc.
Faisons-le alors dans un esprit apaisé, serein et constructif pour l’intérêt exclusif du Peuple Sénégalais, en privilégiant le dialogue sans préjugés, comme préconisé dans le code de conduite. Car «le seul préjugé qui vaille dans le débat et le dialogue instaurés par les Assises est l’engagement de chaque partie prenante pour leur réussite effective» (Rapport, p.358).
El Hadji Momar SAMBE
SG du Rta-S/Péncoo Réew
Partie prenante des Assises
Membre du Gts