Tout en larmes, Sophie Diack, observe piteusement Khalifa Sall arpenter les escaliers des grilles du Bureau du Doyen des juges d’instruction. Inconsolable, elle trouve refuge sur la poitrine d’un militant de la Médina. «T’inquiète pas, Khalifa va s’en sortir», lui souffle-t-on. Sans effet. Il est 15h 28. Le soleil est assez clément. Un vent sec caresse les visages à la cave du Tribunal de Dakar. Khalifa Sall, arrivé vers 15h 25, aura toutes les difficultés du monde pour entrer dans le bureau du Doyen des juges d’instruction. Par centaines, ses militants ont immobilisé le véhicule devant le portail de la cave. Déchainés, les sympathisants scandent : «Dirigez, Khalifa, dirigez Sénégal». Le portail est fermé. Un auxiliaire de police tente de raisonner la foule. Khalifa Sall, impassible, va rester dans le véhicule plus d’une vingtaine de minutes. A peine sorti dans la cour, il balance les deux poings serrés vers le ciel en signe de victoire. La foule est en liesse. Chants et sifflets dominent l’ambiance.
La même ambiance sera observée moins d’une heure plus tard lorsqu’il sort, accompagné de ses avocats Mes Ciré Clédor Ly et Khoureychi Bâ. Proche d’un mandat de dépôt, d’après ses propos, le maire de Dakar ne doit son salut qu’à la perspicacité de ses avocats. «Nous avons, conformément aux dispositions légales, demandé et obtenu que le dossier de l’inculpation soit reporté à demain, à 16 h. C’est un premier échec pour l’Etat qui voulait l’amener en prison aujourd’hui», déclare Me Ciré Cledor Ly. En ce moment, quelques mines affichent l’inquiétude. En guise de catharsis à la foule, proche d’un millier, la robe noire se paie le procureur de la République. «Nous sommes dans un pays où la Justice n’est pas indépendante. Le procureur répond à des ordres. C’est le bras armé du pouvoir exécutif. Il a parlé au nom de l’Etat durant le week-end. Si le lundi, un juge d’instruction convoque, cela veut dire qu’il s’agit d’une conspiration qui était déjà ficelée. Mais le plan ne s’est pas déroulé comme prévu», assène-t-il.
Khalifa Sall : «Sortez dans la rue. Na gnou xeex ba mou saf sap»
D’après Me Ly, «Khalifa Sall doit s’attendre au pire dans ce dossier». Exit le Tribunal. Place à l’hôtel de Ville de Dakar. Sur les lieux, un impressionnant dispositif sécuritaire est en place. Massés dans des pick-up, les éléments de la police étaient un peu partout éparpillés dans les grandes artères du centre-ville. Objectif : dissuader tout rassemblement tendant à «troubler l’ordre public». Pendant ce temps, l’esplanade de la mairie de Dakar est noire de monde. Vêtu d’un boubou blanc, le bonnet haut perché au-dessus de la tête, Khalifa Sall appelle à la résistance. «Nous avons en face de nous des adversaires qui font de la politique ; donc nous n’avons pas d’autres alternatives que de leur servir une réponse politique. Que les gens sortent, occupent la rue, les médias, pour se battre farouchement. (Na gnou xeex ba mou saf sap). Malgré toutes nos explications de clarification pour démonter ce mensonge, le pouvoir a concocté son plan. Si on ne se bat pas, cette cabale va connaître un succès», prévient-il.
Un regard franc à l’endroit du public, il explique la «coïncidence troublante» entre la conférence de presse de Serigne Bassirou Guèye et sa convocation. Il conclut : «Le procureur tient une conférence de presse vendredi et la convocation du juge d’instruction arrive samedi pour me placer sous mandat de dépôt. La politique a pris la place de la Justice. L’heure est venue de se battre par des actions et non par des paroles. C’est moi qui appelais les gens à la paix, je libère tout le monde. Sortez pour vous battre !»
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