«Une posture de prudence s’impose à l’Etat, dépositaire du pouvoir régalien de la gestion des ressources, dans l’attribution des licences de pêche.» Ce plaidoyer est du Forum civil qui constate qu’au-delà du contentieux entre le Gaipes et le ministère de la Pêche et de l’économie maritime, «le secteur est confronté à des enjeux de souveraineté halieutique qui a des conséquences substantiellement financière, économique, industrielle, sociale et sociétale».

Le contentieux entre le Groupe des armateurs et industriels de la pêche du Sénégal (Gaipes) et le ministère de la Pêche et de l’économie maritime, qui a fait les choux gras de la presse, n’a pas échappé au Forum civil. La section sénégalaise de Trans­parency international dit avoir «suivi avec une grande attention» cette affaire relative «à la tenue d’une session à distance de la Commission consultative d’attribution de licences de pêche (Ccalp)». Mais au-delà de cette question de la tenue d’une session à distance de la Ccalp, Birahime Seck, coordonnateur du Forum civil, et ses collaborateurs constatent que «le secteur est confronté à des enjeux de souveraineté halieutique qui a des conséquences substantiellement financière, économique, industrielle, sociale et sociétale».
Le premier enjeu, explique-t-ils, «est relatif à la gouvernance du secteur caractérisée par la fraude, la corruption, un corporatisme exacerbé et des situations de monopole de fait organisées ou entretenues par l’Etat.
L’autre enjeu est la question de la préservation et de la disponibilité des ressources halieutiques surexploitées dans les principales pêcheries, comme l’atteste l’avis du Centre de recherches océanographiques de Dakar Thiaroye (Crodt) du 27 mai 2020, sur la situation des principales ressources halieutiques exploitées au Sénégal». Et d’après le Forum civil, «cette situation est connue par le Gaipes et le ministère de la Pêche et de l’économie maritime. C’est pourquoi une posture de prudence s’impose à l’Etat, dépositaire du pouvoir régalien de la gestion des ressources, dans l’attribution des licences de pêche».

Faire auditer le pavillon sénégalais
Ainsi, le Forum civil a-t-il formulé une série de recommandations à l’intention des deux parties.
Au ministère de la Pêche et de l’économie maritime, Birahime Seck et Cie préconisent «un audit sur le pavillon sénégalais par un cabinet indépendant, choisi par appel à concurrence sur la base d’un cahier des charges neutre». Ils demandent également au ministre Alioune Ndoye «de publier la liste des licences attribuées (entre 2018-2019 et en 2020, renouvelées ou régularisées) afin de connaître les bénéficiaires effectifs et les catégories de pêcheries concernées, de finaliser l’enquête sur les autorisations de pêche attribuées sous la gestion de Omar Guèye et initiée par Aminata Mbengue Ndiaye, de prendre des mesures urgentes contre la fraude exercée par des bateaux d’autres pavillons qui débarquent au Sénégal avec des cartons neutres pour ‘’sénégaliser’’ le poisson». Pour le Forum civil, les modalités de paiement des certificats sanitaires et de capture méritent d’être dématérialisées et revues, car elles épousent «les contours d’une source de corruption organisée et para-légale»…
Au Gaipes, cette organisation de la société civile suggère «d’engager avec le ministère de la Pêche et de l’économie maritime, organe de l’Etat chargé d’appliquer la politique sectorielle en la matière, toutes discussions utiles à l’amélioration de la gouvernance du secteur au bénéfice des acteurs concernés», mais aussi «de participer, à côté d’autres acteurs intéressés, au financement de la recherche suivant des modalités strictement encadrées par la loi, de travailler avec le ministère et les autres acteurs à la revue et à l’amélioration du cadre légal de l’économie maritime».
Le Forum civil renouvelle aux différents acteurs sa disponibilité à les accompagner dans toute recherche de solutions profitables à l’intérêt général.