Depuis quelques semaines, Cheikh Bara Ndiaye, tradipraticien et député de Pastef, s’impose comme l’un des protagonistes les plus incisifs de la crise au sein de la majorité. Véritable stratège verbal du pouvoir, il mêle son autorité «spirituelle» à un militantisme politique sans concession, devenant un atout-clé pour Ousmane Sonko… mais aussi un éveilleur de tensions. 

Par Bocar SAKHO – Sur «Takushow» de Walf Tv, il a passé tout le monde sur son billard : Diomaye Faye, Abdourahmane Diouf, Maïmouna Ndour Faye qui a porté plainte contre lui hier, Moustapha Diop, la Coalition Diomaye Président… Au lendemain de l’audience entre le Président Faye et le Bureau politique national, Cheikh Bara Ndiaye avait aussi déballé en gros caractères les secrets de cette rencontre de réconciliation entre Diomaye et Sonko. Cet enchaînement de sorties assumées révèle les tensions latentes qui pourraient bien faire éclater le «Projet» de Pastef de l’intérieur.
Aujourd’hui, il faut l’admettre, Cheikh Bara Ndiaye, c’est plus qu’un simple député : il est le talisman d’une formation politique en pleine mutation politico-institutionnelle. En cette période de crise, il renforce ses liens avec Sonko à travers des prises de parole fortes, teintées de métaphores spirituelles et d’analyses frontales. Mais dans ce rôle de vigie-chamane du pouvoir, il a enchaîné les révélations en dénonçant un «plan secret» de Diomaye visant à diviser Pastef, en court-circuitant le Premier ministre par des nominations et des négociations en coulisse. Il mêle accusations graves et verbe tranchant dans ses déclarations : il affirme que le Président veut affaiblir Sonko en récupérant des ministres, des directeurs généraux, voire des députés, dans une tentative de fracture interne. Il évoque même des négociations «sauvages» avec des personnalités visées par des rapports de contrôle, qu’il accuse d’avoir été traitées plus favorablement, réduisant des affaires de «dizaines ou centaines de milliards» à des montants dérisoires.
Pour lui, l’enjeu est clair : «L’Assemblée nationale, je peux vous assurer qu’il ne l’aura pas.» Il utilise aussi l’ironie et une rhétorique aiguë contre d’autres figures : il a ainsi surnommé Diomaye Faye «prince héritier de Ndiaganiao». Cheikh Bara Ndiaye se borne à s’ériger en poil à gratter en balançant des accusations véhémentes en pleine rumeur de réconciliation entre Diomaye et Sonko.
Le député décrédibilise cette perspective, suscitant une question : mais pourquoi Bara Ndiaye est-il si central dans cette configuration ?

Un lien fusionnel et stratégique avec Sonko
Assumant sans ambages qu’«il y a un seul génie politique au Sénégal, et il se nomme Ousmane Sonko», Cheikh Bara Ndiaye incarne la figure d’un allié spirituel (et politique) très proche du Premier ministre. Sa parole résonne comme un amplificateur du discours du président de Pastef, mais elle ne se limite pas à la flatterie : elle est une arme stratégique. Dans ce contexte, il joue le rôle de «facteur X» dans une bataille politique intérieure, utilisant sa légitimité «religieuse» pour dénoncer les «manœuvres» du Président Bassirou Diomaye Faye. Il offre à Sonko une double légitimité : spirituelle et politique. Son ancrage religieux renforce la posture populiste et anti-système du Premier ministre, tandis que sa parole tranchante contribue à tenir tête à Diomaye, même au sein de l’Exécutif.
Son verbe, volontiers imagé, ses accusations de complot, sa dénonciation d’un «plan secret» : tout concourt à faire de lui une figure de proue dans un moment critique pour le pouvoir Pastef. Mais cette posture n’est pas sans risques : en exposant les fractures internes, il ne fait pas que dénoncer. Cette posture du député est en train de cristalliser la défiance, qui pourrait déclencher une implosion au sein du pouvoir où les lignes commencent à se dessiner.
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