Au chef du Centre des Impôts et domaines de Rufisque

Objet : Rappel des règles de courtoisie traditionnelle nationale et du principe de continuité du service public
J’ai le regret, par la présente, de vous exprimer toute mon amertume et ma déception devant le traitement que vous avez fait au citoyen que je suis, personne du troisième âge et ayant rang de dignitaire dans l’Ordre national du Lion pour service rendu à la République.
En effet, ce 2 décembre 2024 à 12h 30, je me suis présenté au poste de sécurité de votre service où j’ai eu la joie et la fierté de retrouver mes anciens élèves et non moins collègues de la prestigieuse Arme qu’est la Gendarmerie. Je rentrais justement de la célébration du cinquantenaire de l’arrivée de ma promotion d’élèves-gendarmes à l’Ecole de formation et d’application de la Gendarmerie, placée sous le thème : «La formation à la citoyenneté, rôle des anciens des Forces de défense et de sécurité (Fds)», que j’ai eu le privilège et la lourde charge de développer devant mes camarades, les frères d’armes des autres Fds, ainsi que les autorités administratives, religieuses et coutumières de Mbour.
Mon accueil à l’entrée de votre service par mes anciens collègues de la Gendarmerie a été dans la pure tradition militaire de respect et de courtoisie, conformément aux directives du commandement de la Gendarmerie suite à l’audit commandité il y a quelques années, par l’Inspection de la Gendarmerie nationale, sur la performance de ses services dont j’ai conduit le volet «Accueil dans les brigades de Gendarmerie». C’est pour dire que les Fds en général et la Gendarmerie nationale en particulier ont compris que, dans la mise en œuvre du concept Armée-Nation, l’accueil du citoyen au service duquel son personnel est placé, constitue son miroir et que, pour paraphraser un éminent Enarque (ancien élève de l’Ecole nationale de l’administration française), la qualité de performance d’un service public n’est pas seulement dans la satisfaction technique (matérielle) du citoyen, mais surtout dans l’attitude et le comportement des agents pour en faire un client. Jean-Jacques Gressier, président de l’Académie du service de France, disait à ce propos : «Le meilleur sens du client, c’est de savoir se mettre à sa place.»
C’est dans cet esprit que le chef de poste, en plus de l’accueil qu’il m’a réservé, a eu la délicatesse de me faire accompagner par un gradé à votre secrétariat et me présenter «es-qualité» à votre secrétaire. C’est là que tout a changé : votre collaboratrice m’apprend que vous ne recevez que sur rendez-vous ; ce que j’ai trouvé normal, mais sans manquer de lui dire qu’une exception devrait pouvoir être accordée à un Colonel de Gendarmerie à la retraite venu de loin. Sur ces mots, elle entra dans votre bureau, avant d’en ressortir pour me demander l’objet de ma visite. Explications faites, documents à l’appui, elle retourne auprès de vous avec mes papiers, pour me dire à sa sortie que jusqu’ici, c’était vous qui traitiez les dossiers dont il s’agit pour moi, mais que vous avez cessé de le faire depuis la décision de création d’un service des domaines à Diamniadio et dont la mise en place effective est prévue au début du mois prochain (janvier 2025).
Sur ce, j’ai pris congé dans la plus profonde amertume et frustré du fait que vous n’ayez même pas eu la courtoisie de me recevoir bien qu’ayant été introduit par un gradé de votre poste de sécurité. Frustré et étonné (ayant servi pendant plus de quarante ans, là où le service fonctionne 24/24 heures, 7/7 jours) d’entendre que le service public est suspendu et que les citoyens dans ma situation devraient «patienter» (selon la secrétaire) jusqu’à une reprise ultérieure, avec le risque d’entendre le nouveau chef de service renvoyer tout le monde en attendant de s’imprégner des dossiers.
Permettez-moi de vous rappeler que le principe de continuité du service public se distingue parmi ses autres principes, par son importance juridique. Exprimé dans la «Charte africaine sur les valeurs et principes du service public et de l’administration», il est repris dans notre droit positif et après avoir été conforté par une jurisprudence constante. En effet, dans un commentaire du fameux arrêt Dehaene (CE. 7 juillet 1950), le Pr Marcel Waline écrivait : «La continuité du fonctionnement des services publics essentiels à la vie nationale doit être assurée à tout prix.» La gestion administrative de la terre entre dans cette catégorie au Sénégal et en Afrique : «sans terre, qui es-tu ?» s’était interrogé le géographe Camille Olivier dans une thèse sur «L’attachement à la terre en pays diola». Ceci m’amène à dire que rendre à un Sénégalais sa terre, c’est lui rendre sa vie ; la lui arracher, c’est le tuer.
Sous ce rapport et à l’heure du Jub-Jubal-Jubanti, il est inconcevable que des citoyens soient privés du service public dans un domaine aussi sensible que celui de l’administration domaniale. Les nouvelles autorités du pays, le président de la République et le Premier ministre, sont du «sérail». Ils sont certainement conscients que le problème domanial au Sénégal constitue leurs «écuries d’Augias» qu’ils doivent nettoyer au plus vite et au mieux. Le balai qui symbolise leur engagement politique dans ce sens doit, comme dit le proverbe wolof «door ci sa wee tank» qui veut dire commencer par balayer devant sa porte ; celle-là même où a commencé le destin commun qui les a menés à la tête du pays. Dès lors, Monsieur, vous ne pouvez pas interrompre, «pour convenance personnelle», le service de leur vie professionnelle. Vous maîtrisez mieux que quiconque les dossiers domaniaux de Diamniadio en général et ceux relatifs au lotissement de la zone de Mbalibor en particulier, où vos services sont une part du litige foncier qui y persiste encore, laissant dans l’inquiétude des veuves et orphelins d’anciens des Forces de défense et de sécurité.
Pour rappel, cette zone a fait l’objet d’un lotissement par la mairie de Diamniadio et les parcelles numérotées et affectées à des citoyens. Acte matérialisé par l’émission par cette municipalité, d’ordres de recette individuels pour le paiement des frais de bornage par chacun des attributaires. Ce qui fut fait entre 2008 et 2013. Près d’une décennie après, alors que les attributaires couraient après l’acte administratif qui devait confirmer «la délibération» municipale, c’est un individu qui se présente avec un bail sur ce domaine. La seule explication fournie aux malheureux attributaires est que le lotissement n’aurait pas été autorisé (par l’administration dont vous êtes partie prenante). La question ici, est de savoir comment, votre service et la mairie de Diamniadio, pouvez-vous vous prévaloir du disfonctionnement de cette dernière pour dénier aux citoyens attributaires leurs droits ? Je rappelle à tous les deux que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. L’émission d’ordres de recette sur des parcelles identifiés cartographiquement, au nom d’une personne bien déterminée, ne laisse aucun doute sur sa légalité pour le bénéficiaire. L’acte serait même illégal, la doctrine et la jurisprudence sont formelles sur la reconnaissance du droit acquis par le citoyen bénéficiaire.
Je garde espoir que mon cri du cœur lancé ici fera écho dans votre conscience d’agent de l’Etat et de croyant musulman, car le Prophète (Psl) nous a enseigné que nous sommes, chacun, gardien dépositaire de devoirs sur terre et que Dieu (Allah, SWT) jugera chacun sur leur implémentation. Qu’Allah vous y assiste.
Sankoun FATY
Colonel de Gendarmerie à la retraite
Grand Officier de l’Ordre National du Lion
Juriste, acteur de la Société civile
sdfaty@gmail.com
1 Comments
J ai le même cas avec l ancien receveur Sidy lo qui a fait une prenotation pour me réclamer des parcelles mon colonel je vous connais depuis que vs étiez élève gendarme a la caserne samba diery Diallo vous êtes un officier exemplaire c est important de rappeler à la jeune génération d avoir un respect envers les anciens c est important