Activité noble au service du Peuple, telle est, par essence la définition de la chose politique. Mais, il est navrant de voir comment la politique est fort déconsidérée de nos jours. Et, s’il en est ainsi, c’est parce que l’élaboration de la construction de l’intérêt général pose un réel problème aujourd’hui.
A l’heure où il est de bon ton de parler de gouvernance, une réflexion sérieuse s’impose sur la formation du lien social. En effet, le besoin de repenser une nouvelle architecture démocratique est plus que jamais nécessaire, pour nous permettre de mieux orienter le lien social, socle de la démocratie par excellence, car c’est ce lien qui décrit les modes de la légitimité. Telle raison représente le nœud gordien que le dialogue national est appelé à trancher.
Difficile, en effet, de parvenir à une stabilisation du climat politico-social depuis quelque temps au Sénégal. Et le dialogue national comme recours pour favoriser l’entente entre le Peuple et les hommes politiques souffre déjà de quelques failles, si l’on prête attention aux réactions de quelques leaders de l’opposition, qui ont marqué d’emblée leur désaccord à l’endroit de cette initiative du chef de l’Etat. Ce qui, à notre avis, interpelle un regard critique sur les hommes politiques, ou du moins, sur certains hommes politiques faisant partie du sérail de l’opposition. En effet, la plupart des acteurs politiques de notre société semblent davantage se pencher sur leurs intérêts exclusifs, plutôt que d’observer une hauteur en regardant l’intérêt du Peuple, en se situant sur une dimension nationale.
Ainsi, c’est avec une forte déception que l’on constate aujourd’hui comme la politique est devenue une affaire personnelle pour certains leaders politiques qui, de par leur position maladroitement défendue souvent, invoquent des raisons qui tiennent beaucoup plus de l’ego que de l’intérêt populaire.
La réaction du leader du «Pastef», Ousmane Sonko, à l’appel du dialogue, conjuguée à celle du Pds consistant à refuser la main tendue du Prince, témoignent de ce constat. Le premier dont le coup de colère affublé d’un «Non» à l’endroit du dialogue, décrit plutôt la personnalité d’un égocentrique qui considère le Peuple comme sa propriété, et le Sénégal comme une aire dont il constitue la circonférence.
Quant au deuxième, qui porte l’image du Pds, il est manifeste que depuis que le fils de l’ancien Prince est emprisonné, ce parti tire à boulets rouges sur les agissements du Prince, en créant au passage des dégâts collatéraux (l’exclusion de l’ancien porte-parole du Secrétaire général de ce Parti en est un, ainsi que le cas récent de Oumar Sarr, deux fidèles parmi les plus fidèles de l’ancien Prince). Cette triste réalité que nous vivons dans le monde politique de notre pays suffit à nous inspirer une idée de la manière dont la politique est perçue au Sénégal, tout comme dans la plupart des pays africains. Comme l’évoquait si bien le regretté professeur d’université, Ibrahima Sow, faire de la politique apparaît au Sénégal comme une activité où «le sens de la grandeur et de la noblesse de la mission, qui avait guidé la vocation des pionniers et inspiré leur pratique et leur combat, fait place dans la vie politique aujourd’hui à un navrant et désolant activisme où seuls le profit et les honneurs semblent primer sur toute autre considération, sur l’honneur et l’intérêt public».
En vérité, comment s’expliquer rationnellement l’argument d’un «non« au dialogue, pour la simple raison qu’un des leaders a été emprisonné par le Prince ? A croire donc que l’intérêt particulier que récusait la théorie rousseauiste de la volonté générale comme volonté de corps n’est plus au fondement de la légitimité du pouvoir. Ce qui montre de manière certaine que les répliques apportées ici au dialogue ne tiennent qu’à des raisons liées à des cas particuliers et non à l’intérêt du Peuple. Et, ce qui est plus désolant encore, c’est le fait que ces leaders de la contestation semblent traiter le Peuple comme leur otage, en se présentant ainsi en «maîtres-chanteurs».
Il est, en réalité, navrant de constater comme le dialogue national constitue encore une sorte de stratégie dont la formule du «donnant-donnant» exprime le mieux l’inavouable conditionnalité.
Dans cette situation, où placer encore le Peuple ?
Les gens ne semblent pas faire attention au fait que se joue encore la scène du politique, comme une sorte de prolongation des élections présidentielles. En atteste la réaction de Ousmane Sonko jugée très inélégante à l’endroit des autres opposants qu’il n’a pas hésité à ranger dans la catégorie du parti du Prince, comme si dans sa logique (puisqu’il se retire du groupe) la politique ne pourrait s’agir que d’un jeu de positionnement et de «racolage», où soit on est dans le camp d’un puissant, le Prince ; soit dans le camp de celui qui ne fait que s’opposer personnellement au Prince (on constate tristement), en répliquant l’idée de «Solutions». Et si la «Solution» était de s’asseoir sur la même table en taisant momentanément les passions pour entendre la voix de la raison ? Parce que les solutions naissent généralement des échanges.
Malheureusement, c’est notre Peuple qui semble être pris en otage par certains politiques qui, à travers les médias et leur représentation personnelle du pouvoir, «accaparent notre environnement mental», pour reprendre le propos du Professeur Sow.
Refuser de prendre part au dialogue en arguant du fait que son leader est toujours en prison, décrit une irresponsabilité face à ce qui seul demeure un enjeu digne d’être réalisé : l’intérêt populaire. Car, c’est justement au nom de cet intérêt que des gens acceptent de braver la solitude et la tristesse des geôles pour se construire une trajectoire qui fonde l’éthos du vrai leader. Pour dire qu’un homme politique, c’est aussi et surtout celui-là qui, au prix de sa vie, de sa liberté, doit se hisser dans les hauteurs de l’intérêt général, le seul intérêt qui vaille qu’on se sacrifie parfois, au nom d’un refus de l’injustice et de l’exploitation des droits fondamentaux du Peuple.
Mais malheureusement, dans notre pays, il est regrettable de voir comme la politique est adossée aux intérêts de quelques particuliers. Ce qui est plus que paradoxal. Plus contradictoire est le cas de ceux qui s’affichent derrière le mouvement dit des «non-alignés», comme si les précautions (sûrement calculées) de distance qu’ils prennent avec l’Etat, peuvent le mieux fonder leur crédibilité, perdant ainsi de vue que le succès de leur mouvement pourrait plus tenir de l’engouement que suscitent leurs propositions de programme ainsi que de l’intérêt que pourrait leur manifester la population au nom de qui ils acceptent de prendre part au dialogue.
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