Au professeur Maouloud Diakhaté

L’hommage qui suit nous invite à entrer en reconnaissance à l’égard d’un homme exceptionnel. A entrer en gratitude, comme on entre en religion. A adopter cette posture existentielle en guise d’une philosophie de vie, pétrie de générosité et d’envie de partager le monde dans sa complexité avec autrui.
Et cela, le Professeur Maouloud Diakhaté nous y conviait lui-même, tant par sa trajectoire d’existence que par son œuvre. Au fond, peut-on même séparer l’existence de l’œuvre de cet homme au rire franc et à la générosité légendaire, si on sait que toute sa vie a été ponctuée par la densité de son œuvre intellectuelle ? Comme s’il avait le sentiment de la brièveté de son existence. Une œuvre immense produite en peu de temps.
En travaillant parfois avec lui, dans le cadre des animations à caractère politique, j’avais le sentiment par moments que ce sont les gens qui le faisaient agir, réfléchir, tant il était habité par ce que Kant aurait nommé «la pensée élargie», cette ouverture d’esprit d’un individu qui devient lui-même, peu à peu, de plus en plus irremplaçable, de plus en plus individuel, sculpté qu’il est, sans cesse davantage, dans un mixte de particularité et d’universalisme. En effet, cet élargissement de la pensée qui résumait l’être de Maouloud était comme une priorité ; pas seulement le signe d’une expérience plus grande ou d’une intelligence supérieure, mais surtout la condition d’un plus grand amour, sinon du monde, du moins des êtres qui le peuplent. Et c’est bien sûr de cet amour que naît, en dernière instance, le sens de toute chose, y compris de la politique, notre passion commune, et qu’il savait analyser avec une rigueur intellectuelle et dialectique.
Avec lui, prenait sens cette formule de Daniel Cohn-Bendit à l’endroit de André Glucksmann : «On ne se disputait pas avec lui, on discutait avec lui.» Oui, il était fondamentalement bon et bienveillant.
Il y avait au-delà de la véhémence de nos débats, une sorte de douceur absolument infinie chez Maouloud. Et ce sont ces aspects de sa personne qui sûrement ont marqué tous ceux ayant eu l’occasion de le connaître de son vivant. Quant à moi, ce qui m’avait le plus marquée chez lui, c’était cet avantage qu’il avait de mener une vie plurielle avec aisance, en établissant un pont entre sa vie intellectuelle et sa vie politique, et qui lui permettait de rétablir sa position personnelle par l’éclat de ses travaux.
Ainsi, la transition entre la politique et l’écriture intellectuelle (académique) passe par plusieurs ouvrages : L’aménagement du territoire au Sénégal ; Penser, fabriquer, gouverner les Territoires ; Sciences participatives, gouvernance des patrimoines et patrimoines des Deltas, etc.
Avec Maouloud, s’éteint une espèce intellectuelle dont il a été l’un des rares spécimens : aussi intensément engagé dans son œuvre que dans la politique, n’ayant jamais fait de l’une la domestique de l’autre et ayant conservé tout au long de sa courte vie, une grande cohérence -chose rarissime- entre sa théorie et sa pratique. Politique, Maouloud ne trahit pas ses convictions d’universitaire ; universitaire, il a pu mettre en perspective son action politique à travers la gouvernance des territoires ; universitaire et politique, il évite pour longtemps les contradictions du quotidien en analysant les enjeux des territoires et surtout l’influence des acteurs sur l’espace.
Quel chemin pour parvenir à la reconnaissance de l’homme dans sa vérité unique, un homme qui a été capable d’accomplir pleinement ses talents ! Un esprit harcelé par les événements de son temps.
Repose en paix cher ami et que le Souverain des deux mondes veille sur ton sommeil !
Dr Sagar SECK