Monsieur le procureur de la République, lors de sa conférence de presse du vendredi, a clôturé ses propos par des mots à l’accent plutôt corporatiste, aux allures de menace, semblant vouloir apporter plus d’emphase à l’agressivité dont fait montre le bureau de l’Ums contre les attaques injustifiées de certains politiques à l’endroit de Dame justice. Ce même bureau qui l’avait voué aux gémonies à la suite de sa note interne sur l’affaire dite «Aïda Ndiongue», savamment distillée par les services de presse de la chancellerie, et qui avait tourné en sa défaveur.
Cette sortie, avec la mise en exergue par ses détracteurs des supposées violations de secret de l’enquête et des «menaces» -je préfère mises en garde puisqu’il est dans son rôle de maître de poursuites- pose la question de sa véritable fonction d’avocat de la société, sous un triple rapport : vis-à-vis de l’exécutif, avec les médias et avec les juges titulaires des fonctions judiciaires proprement dites, à savoir les juridictions de jugement et d’instruction. Sous chacun de ces angles de réflexion, une thèse doctorale ou un sujet de recherche sérieux, soit en science politique ou en Droit, peut germer.
Pourtant, on a entendu les réactions les plus épidermiques, allant jusqu’à faire des appels à l’insurrection, à sortir hors du cadre normal qui leur est assigné pour garantir correctement les fonctions spéciales confiées à elles par le Peuple de par la loi, impersonnelle et générale. Dans la foulée, un autre, empruntant des airs paléolithiques, a réclamé son «droit naturel» de monter au-dessus des institutions pour nommer les hommes tel qu’il les découvre dans la jungle médiatique, en se plaçant «dans son monde des amis».
Le juge a la prérogative de juger, mais il n’a pas le privilège du commun des citoyens à commenter le contenu et le fond de la conférence de presse du parquetier en chef parce que ce sont des dossiers qui peuvent à tout moment atterrir entre ses mains. Son serment le lui défend.
Le maître des poursuites ne saurait laisser à certains le droit de lui ôter cette faculté recherchée par la loi, la liberté de juger sereinement, en son âme et conscience. La force de la justice trouve sa sève dans la confiance des citoyens en elle, ce qui est resté constamment le secret de la résistance de notre Peuple aux vents déstabilisateurs, celui de la réussite de son ancrage dans la catégorie des pays démocratiques.
Qu’ils arrêtent, ces encagoulés manipulateurs, qui sont même à l’intérieur de la justice, le parasitant ou même noyant leurs actes de forfaiture ou plans machiavéliques dans la clameur sociale, alors que les regards se devaient de tourner vers eux.
Que la seule qui mérite une attention est madame le député Aïda Mbodji, qui invitait le ministre «à mettre de l’ordre dans la communication du Procureur», sauf que le rapport entre le ministre de la Justice et le Parquet est une chaîne fonctionnelle et hiérarchique. Madame le député, le ton n’est pas approprié.
Que le procureur qui est un maillon de réception situé en bas dans la chaîne de transmission des conclusions de l’Ige, de la Cour des comptes, n’a pas une large manœuvre dans l’opportunité des poursuites.
Qu’à l’état de crise de confiance en notre justice où se trouverait le Sénégal, il appartient au Peuple sénégalais de définir par la voie du consensus, une justice transitionnelle qui vaille. Qui dit consensus, dit tassement des émotions, dialogue, réconciliation, vérité et objectivité.
A mon humble avis, puisse-je me mettre de dire que ce n’est pas des ébauches élaborées unilatéralement par les tenants du pouvoir, vidées de leur sens ou inspirées par des états d’âme, que le Sénégal passera l’étape d’une impérieuse nécessité d’une justice transitionnelle à une justice permanente et crédible .
Diriger toutes vos critiques contre le procureur de la République et les juges, n’y changera rien sauf à créer de vaines rivalités dans une même famille, dont les membres doivent tous concourir à la réalisation d’une même finalité !
Un magistrat
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