La logique commerciale ou économique ne doit pas anéantir l’obligation de préservation et de protection de l’enfance au niveau des médias. Telle est la conviction du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra) qui a tenu hier, à la Maison de la presse, une réunion avec les acteurs de l’audiovisuel. L’occasion de les sensibiliser et de les exhorter à appliquer le principe de la signalétique qui vise à protéger les enfants contre les images violentes et/ou à caractère obscène.
Dans leurs cahiers de charge, il est clairement défini que les organes de télévision et de radiodiffusion ont obligation de protéger les enfants et les adolescents. Et pourtant au Sénégal, rares sont les chaînes de télévision et les stations de radio qui respectent le principe de la signalétique au niveau de leurs programmes. Membre du Cnra, Mme Jeanne Lopy Sylla a, lors d’une réunion que cette structure a tenue hier, fustigé ce non-respect : «Nous avons organisé bien souvent des ateliers. Aujourd’hui, nous expliquons aux gens ce qui leur incombe. Si vous regardez les films sous d’autres cieux, on indique que des enfants de moins de 12 ans ne doivent pas suivre ce film, ou il y a des phrases lentes qui disent que ce programme va présenter des images choquantes. C’est pour justement éviter les dégâts qui se produisent quand on laisse les enfants regarder des programmes qui ne sont pas de leur âge. Soit les enfants sont trop petits et que l’écran leur fait mal soit ils voient des images de violence qui ne sont également pas bonnes pour eux. Sur le plan culturel, il y a aussi de l’importance à vérifier ce que l’enfant regarde à la télévision», explique-t-elle.
Les journalistes Mansour Sow et Pathé Fall Dièye exposent les maux des médias
Anciens directeurs de radio et de télévision, Mansour Sow (radio Sénégal) et Pathé Fall Dièye (radio) ont partagé leur expérience au cours de cette rencontre, jetant surtout un regard inquiet sur ce qui se passe actuellement dans les médias audiovisuels. «Il suffit de zapper à la télévision pour constater que l’enfant est devenu un enjeu commercial de premier plan. Des jouets aux vêtements, en passant par la nourriture, on tente par tous les moyens de le séduire», dit Mansour Sow. Pour conforter son analyse, ce journaliste donne l’exemple de toutes ces chaînes de télévision spécialement consacrées aux jeunes : Planète jeune, Disney chanel, Manga, Tiji… «On peut se demander à quel point les milliards dépensés pour la production de programmes destinés à la jeunesse le sont à bon escient. Surtout au vu des conséquences parfois désastreuses», remarque-t-il, recommandant aux médias une censure de certains programmes. «S’il n’y a pas de censure, pas de discussion autour des programmes proposés aux jeunes. S’il y a trop de permissivité et même une certaine indifférence dans les choix, il est naturel que les jeunes laissent libres cour à leur imagination.»
Aux yeux de Pathé Fall Dièye, cela est on ne peut plus juste. C’est justement le sens dans lequel il va abonder. Prolongeant la réflexion de M. Sow, M. Dièye note que le problème n’est pas celui du journalisme, ni de médias. «C’est un problème de professionnalisme, de formateur d’animateurs de programme parce qu’un animateur de programme n’est pas un journaliste… Ici, nous avons des programmes pour tout public. Depuis longtemps, je ne vois pas sur les radios et les télévisions des programmes dédiés aux enfants. C’est surtout des animateurs extérieurs, des collaborateurs qui interviennent.» Pour M. Dièye, il faut rompre avec cette manière de faire et concevoir des programmes en fonction du public. Et pour cela, «il faut d’abord connaître le public, les tranches d’âge : enfants, adolescents, adultes…» Mais pour ce qui est des animateurs actuels, M. Sow n’a aucune forme de mansuétude. Il les assimile à «des animateurs de baptêmes ou de chants religieux, ou de xawaré» et dit ne sentir chez eux aucune «culture fondamentale qui permette de penser que ces gens réfléchissent en fonction de critères fondamentaux sur l’éducation ou même l’amusement, la distraction». C’est dire donc que le mal est profond quand il s’agit des médias. «Il faut songer à la formation des animateurs de programme», préconisera-t-il pour finir.
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