Il y a quelques jours, L’Observateur avait donné des extraits du rapport provisoire sur l’audit du fichier électoral. Le Rapport final qui est disponible revient en détail sur des points ayant fait l’objet de polémique. La mission d’audit recommande la révision de la loi sur le parrainage avec une dose d’élus et de l’article 31 sur la déchéance des droits civiques. Le Frn se prononce aujourd’hui.Par Hamath KANE – «Aucun électeur avec des informations démographiques identiques dans le fichier» 

Dans le «Rapport final sur l’audit du fichier électoral au Sénégal» à notre disposition, il n’y a pas encore de note sur la fiabilité, comme l’avaient fait les experts de l’audit de 2018 qui avaient parlé de plus de 98%. Dans l’analyse technique du fichier électoral, la Mission d’audit du fichier électoral Sénégal 2021 (Mafe-2021) retient tout de même ceci : «L’examen de l’exhaustivité des informations relatives aux électeurs inscrits a établi le rattachement systématique de chaque électeur à un bureau de vote. La mission d’audit a constaté que dans l’immense majorité, des champs des données sollicitées sont bien renseignés dans le fichier électoral, et rattachés à chaque électeur. Tous les champs requis par la loi présentent une complétude totale. L’examen de la qualité des données relatives aux données des électeurs inscrits à établi que les champs alphanumériques ne contiennent pas de caractères spéciaux à l’exception de 540 cas qui contiennent des caractères numériques. Le champ date de naissance ne contient aucun mineur. Le champ du numéro d’identification national (Nin) présente une complétude de 100%. Ce numéro est l’identifiant unique de l’électeur et il est composé de 13 ou 14 chiffres.» La mission relève que «la majorité des anomalies identifiées dans les différents champs du fichier électoral est due à des erreurs de saisie qui se sont accumulées au cours des différentes opérations d’enrôlement». Par conséquent, conclut-elle, «leur proportion n’affecte en rien la qualité de l’électeur». La mission d’audit a étudié des cas où les électeurs ont les mêmes informations démographiques, en procédant à une requête alphanumérique sur 8 critères (nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, et filiation) sur les données du fichier des électeurs valides. «Aucun électeur avec des informations démographiques iden­ti­ques ne subsiste dans le fichier électoral», a-t-elle con­clu.

«Délivrance du certificat de résidence par les autorités administratives ou à la police»
La question des certificats de résidence avait soulevé une vive polémique. L’opposition avait accusé le pouvoir de profiter de ce document pour inscrire même des non Sénégalais. La mission d’audit s’est aussi penchée sur ce point en soulignant que l’Acte 3 de la décentralisation ayant transféré certaines compétences de l’Etat aux collectivités territoriales, «il serait nécessaire d’attribuer la compétence de la délivrance de ce document aux citoyens par les autorités administratives ou à la police». Ce, afin de «circonscrire cette pratique supposée être de nature à délivrer illégalement des certificats de résidence pour les besoins purement électoralistes». Au cas contraire, elle recommande de «le soumettre à un éventuel visa des autorités administratives, toute chose qui compliquerait l’obtention de ce précieux sésame dans le dispositif électoral au Sénégal».

«Revoir l’article L.31 pour ne pas rendre permanente la déchéance des droits civiques» 
Il est vrai que l’enjeu était finalement l’exigence de l’opposition au sortir de la Prési­dentielle de février 2019 qui a vu la réélection de Macky Sall dès le premier tour. Il s’agissait, dans le cadre du dialogue politique, de procéder à cet audit du fichier, mais aussi à l’évaluation du processus électoral qui est en cours. La majorité jubile déjà et l’opposition va se prononcer aujourd’hui. La mission d’audit a évoqué plusieurs points dont ceux qui font le plus de polémique. Il s’agit d’abord de ce fameux article L.31 du Code électoral qui a privé Karim Wade et Khalifa Sall de leur participation à l’élection présidentielle du 24 février 2019 pour avoir été condamnés à des peines fermes. Dans la synthèse du rapport, la mission rappelle que «la permanence de l’exclusion sur les listes électorales pour des délits et crimes commis (article L.31 du Code électoral) viole l’esprit de l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme». Sur ces restrictions liées à l’inscription sur les listes électorales, la mission relève qu’il est «difficile pour les commissions d’établissement des listes électorales de savoir exactement si un électeur X est condamné tant que le casier judiciaire n’est pas bien organisé et informatisé afin de pouvoir apurer les listes électorales pendant les révisions». C’est pourquoi sur ce point, les experts recommandent l’instauration d’une «procédure de partage d’information entre le ministère de la Justice et celui de l’Intérieur». Ils constatent aussi que «dans la réalité, les commissions administratives ne disposent pas d’informations leur permettant de ne pas inscrire les électeurs qui seraient frappés des cas d’incapacité». Pour eux, «le droit de vote est garanti par la Constitution (article 3), et par conséquent, le droit de s’inscrire est son corolaire». Donc, les auditeurs proposent de «revoir les articles L.31 et L.32 dans la forme et dans le fond», mais aussi de «prévoir une disposition permettant à l’électeur ayant purgé sa peine de pouvoir s’inscrire sur les listes électorales afin de ne pas rendre permanente la déchéance des droits civiques». Mieux, ils considèrent qu’il faut «étendre cette disposition aux personnes ayant bénéficié d’une grâce présidentielle afin de leur permettre de recouvrer la plénitude de leurs droits civiques».

«Revoir le parrainage avec la possibilité de choix»
La décision de la Cour de justice de la Cedeao ordonnant la suppression de parrainage citoyen au Sénégal dans un délai de 6 mois justifie l’intérêt des conclusions de la mission d’audit du fichier sur ce système. Les experts constatent un certain nombre de problèmes. «La collecte des parrainages effectuée par les candidats est déposée au greffe du Conseil constitutionnel qui contrôle leur validité sur la base du premier déposant. La loi dispose que les collectes sont effectuées sur la base d’un formulaire, mais la vérification se fait sur la base de données saisies et non du formulaire. Donc, il y a une possibilité élevée d’erreurs dans la saisie des données», relève-t-on. Ensuite, «la vérification est faite sur la base du fichier électoral consolidé, transmis au Conseil constitutionnel par la Daf ; données dont les candidats ne disposent pas au moment de la collecte des parrainages». Mais il y a aussi ce débat sur la non-participation de la Cena au processus de parrainage alors que la société civile et les partis politiques étaient invités par le Conseil constitutionnel à participer à la vérification des signatures. La mission d’audit a d’ailleurs remarqué que l’institution dirigée par Doudou Ndir «ne dispose pas de moyens de faire appliquer les dispositions de l’article L.13 du Code électoral» et suggère donc de «l’améliorer ou de préciser les conditions de sa mise en œuvre». La mission n’a pas recommandé l’abrogation de la loi sur le parrainage au Sénégal, contrairement à la Cour de justice de la Cedeao qui l’a ordonnée. Mais elle formule une recommandation à l’Etat du Sénégal : «Revoir les dispositions des articles 29 de la Constitution, les articles L.57, L.115, L.116, L.118, L.121, L122 du Code électoral en intégrant la possibilité de parrainage au choix : ‘’Soit X députés, soit X conseillers municipaux repartis dans au moins 2/3 des régions et dans au moins 2 départements par région ou encore par les électeurs : 0,8% et, au maximum, 1% du fichier général’’.» Les experts souhaitent que le dépôt et le contrôle des parrainages soient assurés par une autre structure. Ils donnent l’exemple de la direction de l’Auto­matisation des fichiers. «La Daf qui remet au candidat une attestation de dépôt qui sera versée dans les dossiers de candidature, tout comme le cautionnement qui est versé à la Caisse des dépôts et consignations (article L.117 du Code électoral), et dont la quittance fait partie des documents de dossiers de candidature», lit-on. Ensuite, ajoute le rapport, «prendre un décret qui organise la collecte, le dépôt et le contrôle auprès de la Daf ou de la structure qui sera chargée de ce contrôle» et «modifier l’article 11 du Code électoral en attribuant à la Cena le pouvoir de contrôle des parrainages à toutes les étapes».
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