Autorisation de sortie de prison – LE COVID LIBERE HABRE : L’ancien Président tchadien confiné chez lui pour 60 jours

La requête de Me Ibrahima Diawara, avocat de l’ex-dictateur tchadien, liée aux risques de voir son client être contaminé du Covid-19, a profité à ce dernier. Ainsi, Hissein Habré bénéficie d’«une permission de sortir d’une durée de soixante jours» dans sa résidence à Ouakam.
L’ancien Président tchadien est retourné chez lui. L’ordonnance, dont il bénéficie et qui est tombée hier, est en fait «une permission de sortir d’une durée de soixante (60) jours», accordée par le Juge de l’application des peines, Boubacar Ndiaye Fall, en charge de la Maison d’arrêt et de correction du Cap Manuel et siégeant au Tribunal de Grande instance Hors classe de Dakar. Cette décision fait suite à une requête introduite le 26 mars dernier par Me Ibrahima Diawara, avocat du détenu Hissein Habré, demandant pour ce dernier «une permission de sortir» du fait des risques de contamination encourus en détention par son client du nouveau coronavirus.
Le document dont Le Quotidien a obtenu copie, délivré par le Juge de l’application des peines, poursuit en indiquant que «le détenu Hissein Habré devra jouir de sa permission de sortir dans sa résidence de Ouakam à Dakar». Le Juge de l’application des peines de préciser qu’«à l’expiration de la permission de sortir, le détenu Hissein Habré réintégrera l’établissement pénitentiaire du Cap Manuel, immédiatement».
Chargée de l’exécution «de cette décision dont notification sera faite au détenu Hissein Habré», l’Administration pénitentiaire fait d’emblée une précision : «Il ne s’agit pas d’une libération mais d’une sortie sous escorte pénitentiaire.»
Le coronavirus comme motivation
Pour justifier sa décision d’accueillir «favorablement la demande de permission formulée par Habré», l’Administration pénitentiaire souligne que c’est «en raison des mesures de protection visant à réduire la vulnérabilité du milieu carcéral face au coronavirus». Avant d’embrayer : «Habré, âgé de 78 ans, est exposé à un risque plus important de contamination au Covid-19 par le flux important de nouveaux arrivants en détention. Avec la multiplication des foyers contamination au Covid-19, la Mac du Cap Manuel, complètement libérée de tous ses détenus transférés dans d’autres lieux de détention depuis le 22 mars, va désormais recevoir en isolement dans les délais de la quarantaine tous les placés sous mandat de dépôt de sexe masculin». Tous ces éléments se retrouvent aussi dans les motivations du Juge de l’application des peines.
L’avocat de Habré, Me Diawara, avait soutenu dans son recours «qu’en raison de la pandémie du Covid-19, la prison est un milieu qui présente de réels risques de contamination par le virus et que son client, d’un âge avancé, est particulièrement vulnérable».
«Habré se retrouve dans une situation d’isolement total dans le quartier spécial qu’il occupe tout seul après la mesure de confinement des établissements pénitentiaires de la NDS n.34/MJ/DAP/CABsp du 23 mars 2020 (consigne du personnel pénitentiaire, suspension des visites et des plats extérieurs)», fait savoir encore le document de l’Administration pénitentiaire. Qui conclut que «la libération du quartier spécial comprenant six (6) locaux va accroître les capacités d’accueil de l’établissement pénitentiaire permettant une rotation des détenus en transit dans deux quartiers».
Les victimes tchadiennes opposées à une libération de Habré
Plusieurs voix se sont levées ces derniers jours pour demander la libération de l’ancien Président tchadien, détenu à la prison du Cap Manuel à Dakar. Mais ces derniers jours, les victimes tchadiennes de l’ancien dictateur Habré, sous la houlette de Clément Abaïfouta, président de l’Association des victimes des crimes du régime de Hissein Habré (Avcrhh), prenaient le contre-pied des requérants en affirmant dans un communiqué daté du 1er avril dernier que «Hissein Habré est détenu seul dans une cellule, avec, comme il se doit, de bonnes conditions d’hygiène, et a accès au système de santé. Il n’est pas en contact avec d’autres détenus et ne risque donc pas d’être contaminé à cause de la promiscuité qui existe dans beaucoup de prisons. Il semble donc suffisamment protégé du virus».
Les victimes tchadiennes soutenaient encore, dans leur argumentaire, que «l’article 26.3 du statut des Chambres africaines extraordinaires prévoit expressément que l’État de l’exécution des peines, ici le Sénégal, est ‘’lié par la durée de la peine’’ prononcée par les Chambres – c’est-à-dire la réclusion à vie».
«Le Comité des Nations unies contre la torture a rappelé au Sénégal au mois de décembre 2019, au sujet de Hissein Habré, que «la libération prématurée des auteurs de crimes internationaux les plus graves n’est pas conforme aux obligations découlant de la Convention [contre la torture]»», rappellent Clément Abaifouta et ses camarades. Ces derniers convoquent même dans leur argumentaire le Rapporteur du Comité contre la torture, Sébastien Touzé qui, au micro de Rfi, faisait remarquer le 7 janvier 2020, qu’«il faut «démontrer que l’état de santé est incompatible avec le maintien en détention» pour que Hissein Habré puisse être libéré de manière anticipée».
L’ex-Président tchadien, Hissein Habré, avait fait l’objet d’une condamnation à perpétuité le 27 Avril 2017 à Dakar par la Chambre africaine extraordinaire d’appel pour «crime contre l’humanité, viol, esclavage forcé, homicide volontaire, pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvement de personnes suivi de leurs disparitions, de tortures et d’actes inhumains, de torture et de crime de guerre». Il doit allouer aux victimes la somme de 53 milliards de Fcfa à payer jusqu’à 20 millions de francs Cfa par victime.