Avenir de la presse papier : Un horizon pas Net
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Avec la digitalisation, l’avenir de la presse papier tient presqu’à un fil, même si dans certains pays on essaie de prolonger le sursis en offrant des contenus plus innovants. A Tunis où se tiennent les premières Assises du journalisme, ouvertes le jeudi dernier, les experts ont du mal à s’entendre sur la fin de l’histoire.
Enveloppée dans un léger froid, Tunis est un agréable cadre pour réfléchir sur l’avenir de la presse où 500 journalistes, issus de plus de 30 pays, débattent des urgences qui menacent l’environnement des médias. C’est assez symbolique que les 1ères Assises du journalisme se tiennent dans ce pays qui vit de façon intense ses premières années de liberté offertes par la révolution de 2011. Il faut convenir que la parole est libre, mais le quotidien de la presse classique doit relever le défi imposé par la digitalisation de l’information, qui pose même le débat de l’avenir du journal papier. «Depuis plus d’une décennie, on pose la même question : Le journal papier a-t-il un avenir ? On est même devenu des oracles de notre autodisparition. On prédit la même chose au livre, mais on est toujours là», tente de convaincre Jacques Rosselin, fondateur de Courrier International. Mais il ne se veut pas naïf en rappelant qu’il a été le dernier rédacteur en chef du journal français La Tribune qui a quitté les kiosques pour poursuivre son existence sur le web. En d’autres termes, le journal papier fait une résistance, mais sera chassé de l’environnement médiatique par le numérique.
La presse écrite papier sans un avenir net
Cette reconfiguration imposée par le net devrait pousser les journalistes à s’adapter à cette nouvelle loi du marché de l’information, à réévaluer leur offre sans renoncer aux principes classiques qui régissent le métier, à savoir l’observation des règles basiques de recoupement, alors que les «fake news» polluent la toile. Il s’agit presque d’une révolution des médias perturbés par le flux d’infos en continu balancées sur les réseaux sociaux. Que faire ? «Malgré tout ça, il faut se demander quelle place occupe la presse écrite papier, parce que les ventes tendent inexorablement vers zéro. Il faut s’adapter à la consommation des citoyens», poursuit M. Rosselin.
Patron du grand quotidien algérien El Watan, Omar Belhouchet, croit toujours à cette presse imprimée qui garde intacte son attraction chez lui. Même s’il sent la menace envahir sa rédaction, il tire encore à plus 160 mille exemplaires et les taux de vente atteignent les 80%. Il dit : «Nous avons réussi à renouveler notre offre et notre contenu rédactionnel en privilégiant les investigations, parce que nous ne pouvons pas concurrencer les sites sur l’info classique. Au-delà du contenu rédactionnel, nous avons investi sur les rotatives pour baisser les coûts de production et augmenter le prix du journal, et mis en place une agence de communication pour capter la pub privée. Comme on est resté indépendant, la pub publique et institutionnelle nous est interdite. Il fallait être ingénieux pour contourner toutes les menaces.»
Emilie Sueur a autant sué au Liban pour éviter la disparition de l’unique quotidien francophone du pays L’Orient Le jour qui est centenaire. Elle a dû même sortir du cadre classique de l’information pour prolonger le «sursis» du journal : «Nous avons mis en place des évènements payants, comme des conférences économiques ou politiques. Parfois, il fallait signer des contrats avec les banques pour financer certaines rubriques. Il faut se réinventer au jour le jour sans franchir une zone grise pour maintenir son indépendance et sa crédibilité.» En évitant des conflits d’intérêts qui pourraient être fatals à l’indépendance éditoriale du journal, qui compte d’autres sources de revenus sans la pub captée sur le net par les Gafsa (Google, Amazon, Facebook, Apple). «Aujourd’hui, nous avons une vraie rédaction web qui nous maintient en vie après avoir mis en place un contenu en ligne payant. Mais plus de 60% de nos abonnements proviennent de la diaspora libanaise, établie surtout en France et au Canada.»
bsakho@lequotidien.sn