L’Assemblée nationale n’a pas encore reçu le projet de loi portant modification du Code électoral qui devrait porter le nombre de députés de 165 à 172. Aymérou Gningue espère que cette réforme va corriger les distorsions par rapport au poids démographique de certains départements. Dans cet entretien, le président du groupe parlementaire Benno bokk yaakaar juge populiste l’argument de l’alourdissement du train de vie de l’Etat avec l’arrivée de nouveaux députés.Qu’est-ce qui explique l’augmentation du nombre de députés passant de 165 à 172, projet de loi adopté par le Conseil des ministres de mercredi dernier ?

Oui, le projet de loi a été adopté en Conseil des ministres mais nous ne l’avons pas encore reçu à l’Assemblée nationale. C’est dans le circuit. Nous l’attendons et ce projet de loi sera traité conformément aux dispositions du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Ce que je peux dire c’est qu’avec la création du nouveau département de Keur Massar, il est évident qu’il fallait s’attendre à une augmentation du nombre de députés. Les parlementaires sont élus au scrutin majoritaire au niveau des départements et au scrutin proportionnel au niveau de la liste nationale. Donc, il est nécessaire que ce nouveau département puisse avoir des députés. Keur Massar est un département très peuplé. Cette réorganisation entraîne de facto l’augmentation du nombre de députés. Quand on augmente le nombre de députés, il faut aussi voir s’il n’y a pas de disparités. Le nombre de députés est déterminé par le poids démographique des départements. Or, il y a des départements qui en ont souffert. Rappelez-vous de Thiès qui avait 3 députés- mais pour des raisons politiques- s’est retrouvé avec 2. Est-ce qu’il n’est pas temps de corriger cette distorsion ? Mbour, un département extrêmement peuplé ne voudrait-il pas qu’on revoit son nombre de députés au regard de soin poids démographique ?

On parle de 2 députés de plus pour chacun des départements de Thiès et Mbour…
Voilà ! Je pense qu’il est important de faire ces corrections. Ce qu’il faut voir, c’est ce que ces corrections n’entraînent pas des charges supplémentaires. J’ai cru comprendre que dans le cadre du budget qui a été voté en 2022, on ne fera aucune loi de finance rectificative qui portera sur les dépenses de l’Assemblée nationale. Donc, les dépenses liées à l’arrivée de nouveaux députés sont contenues dans le budget. Maintenant en 2023 on verra parce que les données auront changé. On verra comment prendre en compte les nouveaux députés.

Donc, il n’y aura pas de charges supplémentaires ?
Pour le moment, non.

C’est pourtant le train de vie de l’Etat qui va ­s’alourdir…
Non. Vous savez, quand la population du Sénégal était estimée à 3 millions 500 mille, on avait 40 députés. Aujourd’hui, on est pratiquement à 18 millions. Si on devait appliquer le nombre de députés par rapport au poids démographique, on en serait peut-être à 200 députés. La démocratie a un coût, il ne faut pas s’enfermer dans ce populisme en brandissant l’argument du train de vie de l’Etat. Un député est nécessaire parce qu’il représente un département. Il est normal, quand on créé un département, d’avoir de nouveaux députés pour le représenter. De la même façon, quand un département est sous représenté qu’on fasse des corrections conformément au poids démographique qu’il a.

Est-ce que le régime actuel joue son avenir à travers les élections législatives du 31 juillet ?
Tous les régimes ont joué leur avenir à travers les élections législatives. Tout le monde se bat pour avoir une majorité. Il ne faut pas considérer que ces élections de 2022 sont une élection particulière. Non ! C’est une élection qui s’inscrit dans la dynamique de la trajectoire démocratique à laquelle notre pays a souscrit. Il y a un président de la République qui définit la politique de la Nation et a besoin d’une majorité stable voire qualifiée pour dérouler cette politique.

Au regard des résultats des élections locales, craignez-vous une cohabitation ?
Non. D’abord, il ne faut jamais comparer des élections locales à des Législatives qui, elles aussi, sont différentes d’une élection présidentielle. Chaque élection a sa spécificité propre. Mais si on prend en compte les résultats engrangés lors des dernières Locales, en termes de voix exprimées en faveur de Benno bokk yaakaar et la Grande majorité présidentielle élargie, nous avons gagné largement. Il s’agit de 438 communes sur les 557 que compte le Sénégal. C’est 80%. On a certes perdu des villes qu’on n’avait d’ailleurs pas gagnées dans le passé mais en termes de voix, nous restons majoritaires dans ce pays. Dans la construction intellectuelle il ne faut jamais exclure la possibilité d’une cohabitation. Ça s’est passé en France et dans d’autres pays. Est-ce que nous avons peur d’aller vers une cohabitation ? Je dis non. Le bilan du Président Macky Sall dans le pays et les résultats des élections locales font que nous avons confiance de sortir largement victorieux des prochaines élections législatives. Faire le bilan du Président Sall est tellement compliqué parce qu’il a fait des choses extraordinaires. Sur la question de l’énergie, les délestages sont devenus de vieux souvenirs. On se souvient de la fin du régime de Wade avec ces coupures intempestives d’électricité. Pour les routes, le Président Wade a certes des choses courageuses mais le Président Macky Sall a multiplié par 6 les kilomètres d’autoroutes. Que n’a-t-on pas entendu avec le Ter ? Aujourd’hui, le gain de temps que les Sénégalais gagnent en prenant ce moyen de transport, c’est extraordinaire. J’en passe sur les aéroports, l’éducation, l’enseignement supérieur, la santé, les hôpitaux construits, les lycées. Et ça va continuer. Près de 50% de nos budgets sont orientés vers le social. C’est dans la santé, l’éducation et la protection sociale. Chaque mois, le gouvernement met dans la poche des Sénégalais 15 milliards pour que les prix de l’essence, de l’électricité ne connaissent pas de hausse.

Quel bilan tirez-vous pour cette 13ème Législature ?
Nous avons beaucoup fait pour la consolidation de la démocratie et la transparence dans la gestion des affaires publiques par des textes de loi. On a eu la loi sur le parrainage. Il y a tous ces textes que nous avons votés dans le sens du contrôle des entreprises publiques et des budgets de l’Etat avec l’introduction des budgets programmes qui permet d’avoir une plus grande visibilité. Il y a aussi et surtout notre mission d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. Tout ceci montre que notre pays a fait des avancées dans le domaine du contrôle de la gestion publique. Nous avons voté des lois pour créer les conditions d’une compétition économique saine. A cela, s’ajoutent les nouvelles lois révolutionnaires comme le nouveau Code pétrolier, le Code minier, le Code gazier, la loi sur le contenu local et la nouvelle loi que nous allons voter bientôt sur la répartition ressources pétrolières et gazières. Cela permettra de faire un encadrement sur les ressources futures que le Sénégal va tirer de l’exploitation du pétrole.

Pourquoi on n’a pas vu de propositions de loi ?
Ce n’est pas grave. La relation entre l’Exécutif et sa majorité au niveau de l’Assemblée nationale est dynamique et non conflictuelle. Il est arrivé plusieurs fois qu’un texte de loi soit adopté en Conseil des ministres et amendé à l’Assemblée nationale. Je peux citer la loi sur le parrainage avec le fameux «amendement Aymérou Gningue». Ce sont des contributions des députés. Les lois qu’on a votées cette semaine sur la Cour suprême ont été amendées par les députés. C’est vrai que c’est un projet de loi, donc porté par le gouvernement mais il est amendé. Et le gouvernement a trouvé que c’était pertinent. Le Code de la route qu’on va voir (voté hier), il y avait une proposition sur le permis à points, mais quand il y a eu un code beaucoup plus englobant, on a préféré que cela soit un projet du gouvernement. Mais la préoccupation du député (Aliou Souaré, Ndlr) a été prise en compte dans le projet de loi. Le problème, ce n’est pas la paternité de l’auteur de la loi, l’essentiel est de savoir si nous allons dans le bon sens.

Comprenez-vous les ­critiques à l’encontre de la Justice ?
La Justice est victime de l’ambivalence des justiciables. Quand elle tranche en votre faveur, vous applaudissez et lorsque le contraire se produit, vous criez au scandale. Lors des dernières élections locales, la Justice a tranché plusieurs fois en faveur des recours de l’opposition. La Justice au Sénégal, c’est comme les élections. Quand l’opposition gagne, elle crie victoire mais lorsqu’elle est battue, elle parle de fraude électorale. Moi je respecte profondément l’institution judiciaire. Nous avons intérêt à ne jamais fragiliser notre Justice. C’est notre garant à nous tous. C’est le garant de notre vie et des investissements. Le Sénégal est un pays formidable. Quand on va dans d’autres pays, on se rend compte de ce qu’on a. Nous sommes une démocratie extrêmement respectée parce qu’il y a une Justice qui garantit les droit des entreprises, des travailleurs, etc. Ne ramenons pas la Justice à ces petites bagarres politiciennes. De petits politiciens vont dans les réseaux sociaux pour insulter des juges. La Justice est le dernier rempart auquel nous sommes tous adossés.

Les enregistrements qui circulent avec cette conversation entre la ­plaignante et un présumé membre de votre camp, l’enquête de l’affaire Sweet Beauty s’oriente-t-elle vers le complot contre Ousmane Sonko ?
Il faut arrêter ça. On ne dira jamais qu’il y a complot contre Aymérou Gningue si je ne suis pas allé dans le lieu du complot. Occupons-nous des faits et laissons la Justice chargée de vider cette affaire, faire son travail. Si la personne accusée est innocente, elle qu’à montrer ses preuves et qu’elle laisse la Justice faire son travail sereinement. Si la personne accusée n’était pas allée vers ce lieu, comment pourrait-on la citer ? Moi je ne connais pas le salon Sweet Beauty et donc, on ne peut pas me citer dans cette affaire. Je ne connais même pas ce lieu. Le terme complot est devenu un terme en vogue, on parle même de «complotisme». Maintenant, quiconque est accusé, crie au complot. Je crois à ce que la Justice dira dans cette affaire.
Propos recueillis par Babacar Guèye DIOP-bgdiop@lequotidien.sn