A l’heure du digital et de la distanciation physique, l’enseignement à distance, bien que de plus en plus courante, demande tout de même une certaine forme d’encadrement. L’Institut africain de management (Iam) a mis en place l’Iam e-learning center pour répondre à des besoins spécifiques. Son responsable, Babacar Lô, en parle avec Le Quotidien.Le Groupe Iam a mis en place un e-learning center pour l’enseignement à distance. Quels en sont les objectifs et quelles catégories d’étudiants sont visées par cet instrument ?

L’un des objectifs de ce centre part d’un constat simple : le monde est en constante évolution. Aujourd’hui, on parle beaucoup de la transformation digitale, mais ce que l’on oublie souvent, c’est qu’elle induit une forte transformation sociale et sociétale. Nos sociétés sont en train d’évoluer, et avec elles les besoins et logiques de formation. Les modalités de formation qui sont offertes par le e-learning center ouvrent de belles perspectives pour l’ensemble des professionnels, des étudiants et plus généralement des personnes qui cherchent à acquérir des compétences ; et ce, quel que soit leur projet professionnel. Il était important pour nous de s’adapter et d’aller dans le sens de cette transformation sociale et sociétale.
Un professionnel en entreprise qui a besoin d’évoluer dans sa carrière professionnelle ne peut pas envisager la formation de la même manière qu’un jeune qui vient d’obtenir son Bac. Les modalités de formation en fonction des projets professionnels ne sont d’ailleurs pas les mêmes. Ainsi, la vocation première de ce centre de formation en ligne est de pouvoir répondre aux attentes multiformes des auditeurs pour leurs besoins de formation professionnelle et d’acquisition des compétences.

Donc si l’on comprend bien, les programmes s’élaborent en fonction des attentes et des demandes des auditeurs ?
Effectivement et c’est là où, je pense, que nous apportons une véritable innovation. Nous sommes aujourd’hui le premier centre de formation capable de proposer des parcours qui peuvent «fonctionner comme un supermarché». Il permet ainsi à un auditeur de pouvoir construire son parcours en fonction de ses besoins. On rencontre fréquemment des gens qui veulent se former, mais n’ont pas nécessairement envie de suivre un parcours prédéterminé. Aujourd’hui, quand on regarde le panorama de l’offre e-learning à l’échelle internationale, nous sommes fiers de pouvoir proposer un catalogue extrêmement large. Ce sont 72 certificats déjà disponibles, composés de 237 modules, permettant différentes possibilités de construction de parcours, offrant ainsi une grande flexibilité.

Depuis combien de temps existe ce centre et combien y a-t-il d’inscrits ?
Le centre a été créé cette année et compte à ce jour quelques centaines d’apprenants. Il a été créé sur la base de l’expérience du Groupe Iam. En effet, la pratique du e-learning n’est pas une nouveauté dans nos processus de formation. Depuis 5 ans, le Groupe Iam propose une multitude d’offres de formation en format e-learning.

On peut comprendre l’intérêt du e-learning pour des professionnels, mais pour des étudiants qui entament une carrière universitaire, quel est le plus que vous leur proposez par rapport à des cours en présentiel par exemple ?
Le premier point, c’est l’aspect que j’ai évoqué un peu plus tôt. Si je suis un jeune apprenant de, disons, 19 ans, je suis en train de construire mon projet professionnel et j’ai éventuellement identifié un métier : Assistant Rh, Bac+3. Avec le centre e-learning, nous permettons à ce jeune de pouvoir construire son projet professionnel en allant chercher des compétences spécifiques. Il peut par exemple faire un Bachelor en Business administration, avec option Gestion des ressources humaines, et prendre un certificat en fiscalité, ou en Conduite du changement. Ces différents éléments viennent valoriser son profil et lui permettent de se démarquer sur le marché du travail.
Nous pensons qu’au Sénégal et en Afrique de façon générale, cette aptitude à accompagner la construction du projet professionnel des jeunes, en leur permettant d’identifier des compétences et de chercher celles adaptées à leur rythme et selon leurs centres d’intérêt, va être un élément différentiel de poids, contribuant à améliorer l’employabilité des jeunes.

L’autre différence devrait, je pense, se situer aussi sur les coûts. Etes-vous financièrement plus compétitifs, par exemple, que les modules de formation en présentiel ?
Les coûts sont en adéquation avec les réalités du marché. De plus, nous avons des modalités de paiement qui permettent une certaine flexibilité, et surtout un accompagnement permettant «l’inclusivité» recherchée. Prenons le cas d’un jeune qui aurait eu son Bac il y a 6 ans, et qui n’aurait pas poursuivi ses études ! Il a créé une entreprise de menuiserie métallique et souhaite aujourd’hui se doter de nouvelles compétences pour bien conduire son entreprise. Néanmoins, il n’a pas le temps de suivre un parcours en présentiel, pour obtenir un Bachelor en 3 ans. Avec le centre e-learning, il a la possibilité de se construire un parcours certificat par certificat. Il pourrait commencer par un Certificat en comptabilité des entreprises, en payant ce certificat, par exemple, à 350 mille francs, échelonnés le long de la formation, puis enchaîner, à sa convenance, sur un autre certificat. Dans la construction du parcours, nous permettons que les crédits obtenus avec ces différents certificats octroient la possibilité de prétendre à un diplôme.
Ainsi, nous offrons, en termes de «pricing», une nouvelle modalité en adéquation avec les réalités du marché, et permettons d’accroître l’accessibilité et l’inclusion. On leur permet donc de pouvoir se préparer et c’est un élément qui va garantir «l’inclusivité» par rapport aux réalités socio-économiques que nous connaissons dans nos pays d’Afrique.

L’Etat a mis en place l’Université virtuelle du Sénégal (Uvs), qui délivre des formations un peu comme les vôtres. Néanmoins, cette université est beaucoup décriée, notamment par les étudiants qui y sont orientés. Comment votre e-learning center pense-t-il éviter les écueils vécus par l’Uvs au Sénégal ?
Je pense qu’il est important de préciser que nous sommes extrêmement fiers et admiratifs de travail réalisé par l’Uni­versité virtuelle du Sénégal. Mine de rien, c’était un challenge et ils sont en train d’apporter des solutions. On ne peut pas non plus ignorer que l’on fait face à des réalités spécifiques, en termes de fracture numérique.
Au niveau de notre centre, la dimension qui intègre ces problématiques, c’est que l’on a choisi une plateforme Lms, qui veut dire, Learning management system, ou Système de gestion de formation, qui s’adapte à ces réalités. D’une part, la plateforme vient avec une application mobile. Ce qui permet à ceux qui ont des smartphones de télécharger l’application et de suivre leurs cours. D’autre part, on sait aussi que la connexion internet n’est pas forcément démocratisée, et donc pas toujours évidente en termes d’accès. Sur notre plateforme, il est possible de pouvoir télécharger ses cours en se rendant dans un endroit où l’on est connecté afin d’y avoir accès chez soi, où il peut arriver que l’on n’ait pas tout le temps la connexion internet, en suivant le cours offline. Nous pensons que c’est un élément très important et adapté aux réalités que nous connaissons. Nous avons adapté notre approche en adoptant des solutions qui prennent en compte ces problématiques.
Aussi, notre logique pédagogique va au «programme flow», c’est-à-dire que nous ne sommes pas dans une approche où la formation se fait en ligne avec un professeur qui se connecte pour faire cours à des apprenants connectés également pour des cours en live, de manière synchrone. Nous nous inscrivons dans une approche où on construit les contenus avec des logiques pédagogiques qui ont été structurées avec des experts, des professionnels de différents métiers et de différents domaines d’expertise. L’apprenant peut ainsi évoluer à son rythme, capsule par capsule, contenu par contenu. On utilise notamment des outils d’«authoring» tels que «Articulate», afin de garantir une certaine interactivité, et surtout une certaine approche ludique dans l’apprentissage.

Pensez-vous qu’il soit possible de faire tout un parcours pédagogique rien que «online», sans avoir besoin de rencontrer son formateur de manière physique ? Est-ce réaliste ?
Je pense que cette génération qui arrive a déjà l’habitude d’apprendre de nouvelles choses toute seule. Je pense que YouTube est une école. Beaucoup de jeunes apprennent déjà beaucoup de choses tous seuls sur YouTube sans école ni structure de formation. On a tous eu écho d’histoires où des entrepreneurs ont développé des compétences en s’appuyant sur YouTube.
Nous pensons que cette logique d’acquisition des compétences totalement online est faisable. Toutefois, la condition est la construction pédagogique, l’ingénierie derrière.
Au niveau de l’Iam e-learning center, on a un conseil scientifique qui a mis en place une cellule dédiée à la construction des curricula de formation. L’ensemble des intervenants sont passés devant ce conseil, ont présenté des syllabus aux membres. Ces syllabus ont été restructurés par rapport aux objectifs de formation, d’acquisition des compétences, et ensuite à la production des grains pédagogiques afin qu’ils soient en adéquation avec les exigences de formation.
De plus, avec l’approche programme flow, c’est-à-dire construire un programme, ensuite fournir un tutorat à nos apprenants, les apprenants vont avoir la possibilité d’être «tutorés» module par module par le formateur qui a conçu le programme, afin de garantir l’acquisition des compétences pour valider le module.

Ce programme e-learning ne concerne-t-il que les apprenants de votre sphère géographique ou a-t-il vocation à s’internationaliser ?
Notre positionnement est directement africain. Des grandes plateformes se développent dans des pays africains anglophones, et on pense que ces offres, qui viennent de l’Occident, n’ont pas forcément vocation à répondre de la meilleure des manières à nos réalités. Il était important pour nous de pouvoir aussi apporter une offre sur le marché africain et plus particulièrement en Afrique francophone dans un premier temps.
mgueye@lequotidien.sn