La logorrhée politique qui a saisi nos dirigeants, au sommet du pays, nous a valu, à deux reprises, en moins de 5 mois, de voir la note souveraine du pays se dégrader de manière significative. Les autorités qui promettent de redresser rapidement le pays, vont avoir à faire face à des difficultés d’endettement sur le marché international.Par Mohamed GUEYE – 

Le rapport de la Cour des comptes sur l’audit des Finances publiques durant le dernier magistère de Macky Sall, ne finit pas de créer des remous. Après les fortes polémiques, qui révèlent plutôt les positionnements politiques des protagonistes, on a vu hier la réaction de l’agence de notation Moody’s, dont on peut dire qu’elle s’intéresse particulièrement au Sénégal. Lors de la sortie du chef du gouvernement le 26 septembre 2024, au cours de laquelle le Premier ministre Sonko avait affirmé avoir trouvé des comptes trafiqués et une situation économique et financière beaucoup plus sombre que celle qui lui avait été présentée, les agences de notation avaient dégradé la note souveraine du pays. Moody’s nous a fait passer de Ba3 stable, que nous avions depuis le 18 mars 2022, après le Covid, grâce aux efforts du gouvernement de Macky Sall, à B1, «Sous surveillance», le 4 octobre 2024, après «l’exercice de transparence» dont se sont gargarisés Ousmane Sonko et ses collaborateurs. Sans faire autant de bruit, l’agence Standard & Poor’s a, elle, fait tomber le Sénégal dans une perspective «négative», tout en gardant toutefois, sa note B+. C’était le 18 octobre 2024. Le 12 février, après une très longue attente, la Cour des comptes a fini par publier son fameux rapport, qui était attendu depuis le mois de décembre dernier. Prenant à rebours toutes ses publications antérieures concernant la gestion des Finances publiques sous Macky Sall, la Cour des comptes a conforté les annonces du gouvernement et présenté un taux de déficit public frôlant les 100%, et les annonces du gouvernement qui s’en sont suivies, ont indiqué que le pays allait, qu’on le veuille ou non, connaître des temps difficiles.

En voie de conséquence, l’agence Moody’s a réagi en nous dégradant de deux crans, nous faisant passer à B3 «négative». Ce qui signifie, comme le disent tous les spécialistes des questions économiques, que le risque du Sénégal est devenu très élevé. Si le pays veut aujourd’hui lever des fonds sur les marchés financiers, il va devoir le faire à des taux prohibitifs, malgré notre pétrole et notre gaz que certains chantent en produits miracles. Déjà, on se rappelle que le dernier Eurobond levé en octobre dernier par le pays, l’a été à 7,5%, un taux jamais atteint auparavant. La levée de ces fonds s’était fait sans l’aval du Fmi et quasiment en catimini, avec un intermédiaire sélectionné dans des conditions obscures.

Le pays devrait bientôt entamer des négociations avec le Fonds monétaire pour un nouveau programme.
Quand on sait que nos dirigeants se proclament «souverainistes» et assurent pouvoir se passer de l’appui des partenaires étrangers, en tête desquels les institutions de Bretton Woods (Banque mondiale et Fmi), pour mener à bon port la barque Sénégal, on se demande s’ils pourront trouver rapidement un accord avec le Fonds. Même si «le Fmi n’a jamais développé aucun pays», comme ils disent, cette institution, malgré les critiques, offre aux partenaires étrangers, une certaine garantie de transparence et de gestion contrôlée des finances du pays. Cela permet souvent d’accéder à des financements à des taux moins spéculatifs.

L’annonce de Moody’s et de ses semblables, est le signe que la gestion des finances du pays ne doit pas se faire à coups de déclarations intempestives. De 2019 à 2024, la note souveraine du Sénégal n’a connu de détérioration qu’en août 2020, à la suite de l’épidémie de Covid-19. Elle s’est rapidement redressée deux ans après, malgré les évènements politiques.

Il a fallu cette nouvelle épidémie de logorrhée politique du pouvoir, pour nous valoir la nouvelle dégradation, encore plus grave que celles qui ont été connues depuis le 27 mai 2010, quand S&P nous a donné une perspective négative.
mgueye@lequotidien.sn