En dépit de l’augmentation de 20% du budget alloué par les pouvoirs publics à la préparation de la présente campagne agricole, passant de 100 milliards en 2023 à 120 milliards pour 2024, la production nationale d’arachide attendue devrait être sensiblement inférieure à celle de l’hivernage dernier. Ce paradoxe, qui marque une décroissance de la production nationale d’arachide pouvant affecter une bonne partie d’un secteur névralgique à travail intensif, provient de la conjugaison de deux facteurs défavorables assez contraignants : nous avons, d’une part, l’effet des aléas climatiques qui ont été particulièrement éprouvants sur les cultures cette année et, d’autre part, la mauvaise qualité des semences dénoncée à l’époque par les organisations paysannes.

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Si l’on peut valablement s’interroger sur les écarts assez importants relevés sur les prévisions de récoltes autour d’1, 7 million de tonnes pour la campagne 2023-2024 et les réalisations autour de 800 000 tonnes pour cette même campagne, soit presque la moitié des prévisions, il n’en demeurera pas moins vrai que les réalisations pour cette année seront indubitablement inférieures à celles de l’année dernière au vu des contraintes citées plus haut. 800 000 tonnes constituent le seuil critique pour satisfaire les besoins internes, tant pour la consommation diffuse que celle relative à la capacité de trituration des huiliers.

C’est dire que nous allons assister à une diminution de l’offre nationale d’arachide et, concomitamment, à une augmentation naturelle de la demande intérieure et internationale pour ce bien stratégique, provoquant une tension sur le marché national. Cette tension, déjà perceptible lors de la campagne précédente, ira crescendo. C’est dire que les pouvoirs publics devraient tenir compte des conditions actuelles du marché, de l’insuffisance de l’offre, pour fixer un prix plancher du kilogramme d’arachide qui devrait somme toute connaitre une hausse significative autour de 10% à minima par rapport au précédent de 280 F le kilogramme, soit 308 F, pour ne pas obérer les revenus monétaires des paysans producteurs au regard des coûts engagés et des cours mondiaux. Cette fixation du prix plancher du kilogramme d’arachide à 308 F permettra également de compenser les pertes implicites subies par le monde paysan, consécutives à la mesure de suspension des exportations d’arachide prise cette année. Dans les conditions où il y a une baisse de la production et une prohibition des exportations, nous ne pourrions pas comprendre que le prix du kilogramme d’arachide ne subisse pas une augmentation assez sensible.

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S’il est vrai que la mesure de suspension des exportations d’arachide va dans le sens de protéger nos industries de transformation pour une plus grande valeur ajoutée et d’assurer la sécurité alimentaire des populations, il est aussi vrai que les revenus des paysans subiront des baisses assez significatives, avec le départ des importateurs chinois qui proposaient des prix plus rémunérateurs.
Toutefois, pour les mêmes objectifs de protection des industries de transformation, les pouvoirs publics pouvaient bien opter, non pas pour une suspension des exportations d’arachide, mais pour l’instauration d’une taxe à l’exportation sur l’arachide assez prohibitive pour décourager les sorties et, d’une surtaxe sur l’importation des produits oléagineux pour une meilleure compétitivité-prix des produits concurrents internes. Cette double taxation plus productive aurait permis en même temps de renforcer la production nationale d’huile d’arachide, de favoriser le consommer local à des prix compétitifs et d’accroître les recettes de l’Etat dans une situation de tension de trésorerie, mais aussi et surtout, de ne pas amoindrir les revenus monétaires des producteurs paysans, qui constituent 65% de la population active du Sénégal. Il s’y ajoute que la double taxation à l’exportation et à l’importation aurait l’avantage de respecter les règles de l’Omc interdisant aux membres d’introduire ou de maintenir toute forme de prohibition ou de restriction à l’exportation autre que des droits de douane, taxes ou autres impositions.
Kadialy GASSAMA – Economiste Rue Faidherbe X Pierre Verger
Rufisque