Dans le département de Bakel, les victimes des inondations de l’année dernière sont dans une précarité prolongée. Cette saison des pluies s’annonce encore pluvieuse, plongeant encore les populations dans une incertitude absolue. Surtout que les promesses d’aide de l’année dernière n’ont pas été concrétisées, renforçant davantage leurs vulnérabilités. Les autorités locales et les populations alertent l’Etat.Par Abdoulaye FALL – 

On zieute le ciel avec anxiété. Les populations des localités de Ballou, Aroundou, Yafera et autres villages du département de Bakel sont toujours traumatisées par les inondations de l’année passée, après la crue soudaine et impitoyable du fleuve Sénégal. Plus de 10 mois après ce drame, le spectre des inondations plane toujours sur les résidents de ces contrées. Dans les endroits envahis par les eaux, les stigmates sont toujours présents : des maisons dont les murs sont toujours marqués, des bâtiments abandonnés, des villageois tétanisés par un retour des eaux et qui espèrent un soutien anticipé de l’Etat, qui n’avait pas à l’époque pris la mesure de la situation. Il avait été même suppléé par des initiatives citoyennes locales. Des promesses de reconstruction des maisons ont été faites, sans suite !
Au-devant lors de la survenue des inondations, le maire de Ballou, Cheikhna Camara, déplore le fait que jusque-là, aucune brique n’ait été posée pour soulager les victimes. «Il y a certaines personnes qui vivent toujours dans des tentes», relève-t-il. Elles vivent toujours dans des endroits de recasement précaires. «Les populations sont fatiguées et très inquiètes avec les pluies qui ont repris. Dans la nuit de ce mercredi à jeudi, il est enregistré 21 mm de pluies dans la commune. Ce qui fait que les populations sont effrayées. Lors du récent Comité interterritorial régional de développement tenu à Tambacounda et présidé par le ministre de l’Intérieur, j’en ai profité pour rappeler les urgences dans la commune. J’ai rappelé au ministre les promesses non tenues de l’Etat et la situation des impactés. Les populations sont fatiguées», rappelle Cheikhna Camara.

Promesses non tenues
Autre localité, même rengaine, mêmes plaintes et complaintes. A Aroundou, touché au cœur, c’est le statu quo. Mamadou Bathily explique les difficultés vécues par les populations. «Seuls les plus nantis sont parvenus à reconstruire leurs maisons. La plupart sont encore dans des tentes, faute de moyens et d’appui. L’Etat avait promis de les accompagner à se reloger. Que nenni !», se désole cet habitant du village situé à la lisière de la frontière entre le Sénégal et le Mali, sur les bords du fleuve.
Aujourd’hui, l’inquiétude est grande avec l’hivernage très pluvieux annoncé par les services de la météo. «Déjà, les premières gouttes ont commencé à tomber depuis quelque temps. Si l’Etat traîne encore les pieds jusqu’à ce qu’il y ait de nouveaux lâchers, ce sera vraiment la catastrophe», alerte-t-il. Les marques de cette crue exceptionnelle sont présentes partout. Sur les bâtiments et dans l’esprit des villageois anesthésiés par le manque de moyens. Le temps n’a pas effacé les peines, surtout que la récidive est évidente. «C’était vraiment douloureux ce qu’avaient subi les populations. Elles avaient tout perdu dans les eaux : la nourriture, les maisons, le bétail et beaucoup d’autres choses. C’est pourquoi l’Etat ne doit pas regarder faire encore. Il doit prendre le taureau par les cornes et venir en aide aux sinistrés qui sont aujourd’hui désappointés et déboussolés», ajoute-t-il.

«L’Etat doit construire des digues»
Il rappelle que depuis plusieurs décennies maintenant, il n’a jamais été observé de telles inondations dans la contrée. «Il pouvait y avoir des inondations certes, mais pas de ce genre, c’est presque jamais arrivé. Voir l’eau monter jusque dans les maisons situées à plus de 2 km du village, c’est du jamais-vu. Je lance un appel pressant aux autorités centrales de tout faire pour éviter le scénario de l’année dernière», préconise Bathily. Il espère que les autorités discuteront des moments et de l’opportunité des lâchers d’eau au niveau du barrage de Manantali. Ou mieux, voir comment construire de nouveaux barrages ou agrandir l’actuel.  En tout cas, le président du Conseil départemental de Bakel, Mapaté Sy, embouche la même trompette. «C’est une peur bleue qui nous habite toujours. Surtout avec la météo qui annonce une année pluvieuse. Nous gardons intacts les tristes souvenirs des inondations de l’année dernière. Des centaines d’hectares ont été engloutis dans les eaux, des maisons effondrées, des familles entières restées sans toit. Beaucoup de gens vivent jusque-là dans des tentes, désœuvrés. Nous interpellons encore l’Etat.» Toutefois, l’élu local de reconnaître que «sur le plan de l’appui en denrées alimentaires et produits d’entretien, l’Etat a fait dans la diligence. Aussitôt après la catastrophe, des dizaines de camions remplis de produits de toutes sortes avaient rapidement rallié Bakel pour soulager les populations. Aujourd’hui, ce qui urge, c’est de travailler à ce que les populations ne revivent pas le même calvaire», alerte M. Sy. «Figurez-vous que les producteurs des zones impactées n’ont rien récolté l’année dernière. C’est dur. L’Etat doit réaliser des digues de protection et surtout mettre en œuvre le projet de réalisation des mares. Sans quoi, les populations ne sortiront pas de l’auberge.
Il y a juste une semaine, les chefs de village se sont retrouvés pour adresser une lettre au ministre de l’Hydraulique, afin de lui demander d’instruire le directeur de l’Office des lacs et cours d’eau (Olac) de réaliser des mares qui pourront recueillir le trop-plein d’eau du fleuve. Ces mares, une fois réalisées, pourront non seulement jouer un grand rôle dans la lutte contre les inondations, mais vont contribuer à l’amélioration des productions et générer des emplois», martèle le Pcd. «Ce qui est clair, renchérit Mapaté Sy, c’est que les populations sont fatiguées dans les zones touchées par les inondations de l’année dernière.» Aujourd’hui, le fleuve dort tranquillement sur son lit, qui peut devenir très étroit dès les premiers lâchers d’eau après une pluie abondante.
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