Le début de la fin de l’empire soviétique a commencé avec l’invasion de l’Afghanistan, d’où la deuxième Armée du monde se retirera sans gloire, laissant ce pays retomber dans son chaos habituel. Aujourd’hui, après vingt ans de guerre et plus de 2 000 morts, l’Armée américaine, la plus grande et la plus puissante, la première du monde, abandonne à son tour la partie sans gloire face à des talibans moyenâgeux, dont le seul outil qui les lie à la modernité est la Kalachnikov. Les leçons de l’histoire de l’échec des Soviétiques en Afghanistan et celui des Américains auraient dues faire comprendre aux Américains que la guerre d’Afghanistan, lancée après les attentats du World Trade Center, était perdue d’avance pour une simple raison : il n’y avait aucune chance de la gagner parce qu’elle n’est pas gagnable. Et les historiens spécialistes des insurrections et des guérillas le savent depuis 1813.
Depuis 1813, quand une guérilla lancée en 1808 par le Peuple espagnol parvint à chasser d’Espagne les Armées régulières les plus puissantes de l’époque : celle de Napoléon qui avait mis au pas toutes les Armées régulières d’Europe. Les Russes s’inspireront de la guérilla espagnole en 1812 contre le même Napoléon et contre les hordes nazies qui avaient envahi le pays lors de la Seconde guerre mondiale. Et comme le dit si bien le juriste allemand Carl Schmitt dans son livre La théorie du partisan, et «l’insurrection espagnole contre les forces de Napoléon», «toutes les guerres civiles et toutes celles coloniales ont vu l’apparition renouvelée d’éléments que l’on peut qualifier de partisan (guérilleros, insurgés). Combattant irrégulier, le partisan dépend toujours de l’aide que lui apporte une puissance régulière», mais aussi le soutien de «la population, meilleure amie du partisan».
En Afghanistan, si les Russes et les Américains ont échoué, c’est parce que «la population» a été «meilleure amie» des Moudjahidines dans la croisade contre l’invasion communiste, et alliée des Talibans contre la force expéditionnaire américaine. Les Afghans ont refusé la servitude communiste soviétique et la liberté américaine. L’Afghanistan est un pays particulier, fermé sur lui-même et qui refuse l’influence extérieure. Les Britanniques l’avaient tellement compris qu’ils l’avaient mis en quarantaine pendant l’époque coloniale. Et depuis, l’Afghanistan s’est volontairement mis en quarantaine. Les Talibans n’ont jamais eu aucune ambition extérieure, mais ont toujours tout aussi refusé toute ingérence extérieure. C’est pourquoi nous n’avons pas encore vu de terrorisme taliban à l’extérieur de ce pays. Néanmoins, les Talibans, comme ils l’ont fait avec les Russes et les Américains, ont empêché à l’Etat islamique d’avoir un ancrage local. Après le départ des Russes, des Américains, les Talibans vont revenir rapidement au pouvoir et instaurer une chape de plomb obscurantiste pendant très longtemps, faisant disparaître le pays des radars, car après les Russes et les Américains, aucun pays, loin ou proche (Pakistan, Inde, Iran) ne va s’y aventurer.
Le rideau sombre de l’obscurantisme religieux s’est abattu sur ce pays pour très longtemps. Le communisme, comme la liberté ou la démocratie, ne se parachute pas et quand ils sont dans les bagages des forces expéditionnaires, la greffe ne prend pas.
Yoro DIA – yoro.dia@lequotidien.sn