«Ce sommet sera une réussite s’il parvient à établir et porter une dynamique novatrice à trois niveaux : un, la réforme ; deux, un nouvel état d’esprit de partenariat ; et trois, de nouveaux paradigmes pour un New deal, à défaut d’un plan Marshal pour l’Afrique.» L’Afrique n’aura pas de plan Marshal, mais elle aura à coup sûr le New deal, qui est préférable au plan Marshal. Le New deal qui, dans son esprit, privilégie les efforts et solutions endogènes, est préférable à un plan Marshal qui serait une solution exogène. Après la grande crise de 1929, l’Amérique était à terre (une crise remarquablement décrite par Steinbeck dans Les raisins de la colère, un chef d’œuvre à lire) et en plein doute. Mais avec le New deal, Roosevelt lui a redonné confiance en lui insufflant un nouvel état d’esprit qui lui a permis de se relever. C’est d’un New deal, et surtout de cet état d’esprit dont nous avons besoin.
Ce nouvel état d’esprit de partenariat dont parle le Président Macky Sall est déjà là, car après le Covid-19, rien ne sera plus comme avant. Le monde après la mondialisation triomphante va entrer dans une nouvelle ère, définie par Cheikh Hamidou Kane qui nous dit : «Même si nous n’avons pas le même passé, nous aurons le même avenir.» Après la Seconde guerre mondiale, les Etats-Unis avaient lancé le plan Marshall pour relever rapidement l’Europe de l’Ouest, pour en faire une alliée dans la guerre froide qui s’annonçait. Aujourd’hui, toute chose égale par ailleurs, l’Europe et le monde ont intérêt à aider l’Afrique à se relever parce qu’ils ont compris, avec le Covid-19, que dans un monde devenu aussi interdépendant à cause des 3 flux de Bertrand Badie (Finance, information et populations) auxquels s’ajoutent les virus, la sortie de crise économique et surtout sanitaire passe par une sortie de crise de l’Afrique.
Ce New deal qui repose sur une sortie concomitante de la crise pour tout le monde relève du bon sens, car «l’Afrique est un relais pour la croissance mondiale». Après un cycle de croissance continu, elle vient de connaître sa première récession depuis 25 ans. C’est peut-être pourquoi le banquier Tidiane Thiam, Envoyé spécial de l’Union africaine sur le Covid-19, affirme dans Le Monde que «les pays africains ne demandent pas de faveur, ils veulent simplement pouvoir, comme les autres, bénéficier de mesures exceptionnelles face une crise exceptionnelle. Je veux que les progrès soient reconnus et l’accent mis sur les opportunités. Quand je commençais ma carrière, le Pib de l’Afrique était de 600 millions d’euros. Aujourd’hui, il est de 2 500 millions d’euros». Il invite aussi les Etats africains à «choyer» leurs micros entreprises, les Pme et Pmi pour mieux attirer l’investissement, car «quand le patron d’une grande entreprise cherche à investir dans un pays, la première chose qu’il observe, c’est le sort réservé aux entreprises locales. C’est comme un astronaute qui explore une galaxie. Avant d’atterrir, il regarde s’il y a de la vie et de l’oxygène».
Non seulement il y a de la vie, de l’oxygène sur le continent, mais des opportunités et un immense potentiel d’émergence, et on ne demande qu’on leur mette le pays à l’étrier comme l’Allemagne et le Japon d’après-guerre, dont le relèvement a profité aussi aux Etats-Unis et au monde. Dans un monde post Covid-19, l’Afrique est aujourd’hui presque dans la même situation ; d’où l’appel de Macky Sall pour «une réforme de la gouvernance économique financière mondiale avec des mécanismes innovants, nous permettant d’accéder aux marchés des capitaux à des coûts soutenables. Autrement, tous les efforts sont vains». Avant le Covid-19, les grands discours sur la réforme de la gouvernance mondiale relevaient de l’incantation et du vœu pieux, mais dans un monde post Covid-19, cela relève de l’évidence économique. C’est ça aussi le nouvel état d’esprit du monde.
Au fond, un New deal n’est rien d’autre qu’un état d’esprit qui consiste aussi à reconnaître que le relèvement passera aussi par le privé africain qui, une fois n’est pas coutume, a été au centre des débats du Forum. Autre nouveauté : la France est aussi dans un New deal en fermant la page du syndrome de Fachoda, en se penchant sur le sort du Soudan, après la paix de braves avec Kagame. Notre continent s’en sort mieux que tout le monde dans la gestion sanitaire du Covid-19, mais économiquement nous seront plus impactés que tout le monde ; d’où la nécessité de la solidarité qui, loin d’être de la charité, est un investissement sur l’avenir du continent de l’avenir.