«Il ne faut pas laisser les intellectuels jouer avec les allumettes», disait Jacques Prévert. C’est un avis fort sage. En Libye, on a laissé le philosophe médiatique jouer avec des allumettes. Il a brûlé le pays. La Libye a été détruite et l’incendie s’est propagée au café jusqu’à nos frontières avec le Mali ; qui paie un lourd tribut alors que BHL continue de prendre ses cafés à Saint Germain des Prés et à réfléchir son nouveau terrain de jeu : le Nigeria. Il s’y prend de la même manière qu’avec la Libye. Il débarque au Nigeria, y passe quelques jours, filme son show médiatique, le publie dans Paris Match, fait le tour des médias pour dénoncer le «génocide fulani» contre les chrétiens, comme il l’avait fait en demandant l’intervention de l’Occident pour sauver Benghazi contre les chars de Kadhafi. Sarkozy, le Président Bling bling, a naturellement répondu à l’appel du philosophe médiatique. On connait la suite : une intervention de l’Otan contre Kadhafi, la destruction de la Libye et un grand incendie et un séisme politique dont les pays du Sahel ressentent encore les contrecoups.
Sur la Libye qui a été détruite, BHL dira peut-être un jour qu’il s’est trompé comme l’ont fait les intellectuels néo-conservateurs américains Richard Perle et Paul Wolfowitz, qui ont utilisé l’Irak comme un laboratoire de recherche de Sciences politiques. Entretemps, l’Irak et la Libye auront été détruits, le Maghreb et le Moyen Orient déstabilisés pour des décennies, avec des milliers de morts. Pour les intellectuels comme BHL et Wolfowitz qui ont joué avec des allumettes jusqu’à mettre le feu dans ces pays, c’est juste une hypothèse qui n’a pas fonctionné et ils vont passer à une autre théorie, mais pour les hommes politiques comme Bush et Sarkozy, les conséquences politiques et la sanction de l’histoire seront implacables. C’est pourquoi, il y a peu de chance que Macron commette la même erreur que Sarkozy en suivant le délire médiatique de BHL.
Le Grand philosophe Gilles Deleuze avait raison d’attirer l’attention sur le cannibalisme ontologique des medias sur la pensée. Le cas BHL lui donne raison. On ne sait plus s’il agit en philosophe ou en journaliste. En tout cas, si c’est en journaliste, son «reportage» sur le Nigeria montre que c’est un piètre journaliste car dans ce métier où les faits sont sacrés, il sacrifie les faits à l’autel de sa commande. S’il a été au Nigeria en tant que philosophe, c’est encore pire. Il est aussi aveugle et léger que martin Heidegger face aux Nazis. Heidegger était un grand esprit aveuglé par l’idéologie. Chez BHL, l’idéologie s’est substituée à l’esprit, sinon comment comprendre ses généralisations abusives comme «au Nigeria, l’Etat-major est fulani», «Nigeria, un nouveau front contre le christianisme», «Fulani nomadistes jihadistes». Rien que pour ces amalgames, ces généralisations abusives, ces «singuliers collectifs» comme aurait dit Bertrand Badie, indignes d’une étudiant de première année de Sciences Po, BHL montre qu’il a un agenda qui n’est pas journalistique, encore moins intellectuel. La meilleure façon de retirer les allumettes à BHL est de lui faire lire Prévert, et de lui organiser un Rv au Café de Flore avec Badie, pour qu’il lui explique le danger que constituent pour la paix mondiale les «entrepreneurs identitaires» comme BHL.
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