Nous retrouvons Albert Camus, pour reconnaître que mal nommer une situation, c’est ajouter au malheur de ce monde. En ces temps de «fake news», où le mensonge se pare de tous les oripeaux de la vérité, promouvoir la vérité est une forte contribution à la santé de l’humanité. L’un des cas les plus flagrants est la situation au Moyen-Orient.

La puissance de la propagande sioniste a voulu imposer au monde la vision d’un pays, Israël, pilier de la démocratie et des Droits humains, devant lutter pour la survie de son Peuple, de sa religion et de ses valeurs menacés par des fanatiques qui voudraient parachever ce que Adolf Hitler avait commencé en Europe.

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Englués dans la culpabilité d’avoir activement ou de manière passive laissé s’accomplir la «Shoah», tous les pays occidentaux, sans exception, se sont alignés sur les positions des sionistes d’Israël, même les plus intolérables. Aucun être sensé n’a pu se réjouir des images des massacres perpétrés sur des civils par les militants du Hamas qui ont occupé le territoire d’Israël pendant quelques heures. Il est même assez inquiétant qu’en moins de 48 heures, ces miliciens aient pu commettre une boucherie de près de 1000 morts. On peut se demander comment les services de renseignement d’Israël, réputés pour leur efficacité partout dans le monde, ont pu faire preuve d’une telle défaillance. Faille-t-il pour se rattraper de leur incompétence, faire payer le prix fort aux populations civiles de Gaza, comme si elles étaient responsables de la peur éprouvée par les dirigeants israéliens, à leur tête Benyamin Netanyahu ?

Alors que les soldats israéliens combattaient le Hamas et le Jihad islamique dans les rues de Sderot et d’autres cités frontalières, M. Netanyahu, parlant de «guerre», a promis de faire de Gaza des décombres. Il a décidé de priver l’enclave d’eau, d’électricité et de vivres. Plus rien n’entre ni ne sort de la ville, alors que sa population est soumise à un bombardement presque incessant. Les renseignements israéliens déclarent que près de 2500 missiles avaient été tirés depuis Gaza au démarrage des hostilités. Depuis le 7 octobre, l’Armée israélienne a dépassé ce chiffre, et de loin. Mais c’est alors que le «monde», surtout occidental, est saisi d’une malformation visuelle. Il ne voit pas les morts ensevelis sous les décombres de leurs immeubles, les ambulances prises pour cibles par l’aviation et les drones israéliens, les enfants et les malades privés de soins à la suite des bombardements systématiques des hôpitaux et centres de santé. En fait, il n’y a dans ce conflit que des morts d’un seul côté, le reste étant composé de «terroristes».

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Mais cette cécité est compréhensible. Cela fait plus de 50 ans que nous subissons ce matraquage. Au point qu’aujourd’hui, plus personne ne s’offusque de voir un peuple toujours victime de colonisation et d’apartheid sur son propre sol. Les dirigeants israéliens se sont attelés pendant de longues années à décrédibiliser tous les dirigeants palestiniens, de façon à ne laisser à ce Peuple d’autre choix que de se tourner vers des extrémistes jusqu’au-boutistes. Cela a l’avantage de montrer au «monde» que les Palestiniens ne sont pas d’accord avec la solution de la cohabitation de deux Etats. Et permet d’écarter ceux qui estiment que ronger systématiquement le territoire de la Cisjordanie, renommée Judée et Samarie, en y fondant des colonies de peuplement, est ce qui contribue le plus à la mort de cette fameuse solution à deux Etats. En somme, Israël a affaibli Mahmoud Abbas et son mouvement, et pris prétexte de la montée du Hamas pour dire qu’il n’avait aucun interlocuteur face à lui. Les régimes arabes qui l’entourent, ont fait pareil avec leurs oppositions, et on a eu le fameux Printemps de 2011 et ses conséquences.

On n’a pas encore fini d’analyser les causes et implications de ce qui s’est passé depuis le 6 octobre dernier. Mais ne peut-on déjà juger que cela était inévitable ? A un moment, les Palestiniens ont dû faire leurs les mots de Claude MacKay, repris en 1930 par Winston Churchill, et qui disaient : «Si nous devons mourir, que ce soit noblement, debout, les armes à la main…»

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Les amis d’Israël et les puissances de ce monde ont longtemps laissé faire Benyamin Netanyahu et les régimes qui l’ont précédé, avec l’espoir qu’ils résoudraient définitivement le problème des Palestiniens. S’il le fallait, à la manière des pays d’Amérique avec les Indiens. Beaucoup de pays arabes se sont résignés à regarder faire leur nouvel allié. Mais il faut croire qu’à la manière des Noirs d’Afrique et des Amériques, les Palestiniens sont de la race des herbes qui repoussent toujours. Il faudrait donc changer de méthode. Des solutions ont été proposées depuis longtemps. Il faudrait juste les appliquer. Et certains en ont les moyens. Cela évitera que demain, nous ne soyons obligés d’utiliser des termes comme «génocide» ou «éradication», en nous référant à cette région.

Par Mohamed GUEYE – mgueye@lequotidien.sn