La culture casamançaise et singulièrement la culture matérielle de la zone des Kalounayes ont été magnifiées le jeudi dernier à Finthiock, sanctuaire des traditions culturelles et cultuelles du monde diola. C’était lors du lancement de la 9ème édition des Journées culturelles et économiques à l’actif de l’Association pour le développement économique et social de Finthiock (Adesfi).

«Le patrimoine culturel diola est-il en péril ?» Tel est le thème de la 9ème édition des Journées culturelles et économiques initiées par l’Adesfi. Un thème loin d’être fortuit, de l’avis de l’enseignant et conférencier Abdoulaye Sagna, par ailleurs président d’honneur de ces journées. Et pour qui «la culture dont il s’agit ici est une façon de penser, de s’exprimer et d’agir, celle qui permet de s’inspirer du passé pour contrôler le présent et sécuriser le futur». Dans son discours d’ouverture, le conférencier a soutenu que l’on ne peut pas parler de développement et de paix en l’absence de la culture. «C’est le socle de la société. Et l’on dit souvent qu’un Peuple sans culture est un Peuple sans âme», note-t-il. Une manière pour lui d’insister sur le primat de la culture sur tout processus de développement local, car convaincu que l’émergence de notre pays en général et surtout de la Casamance ne peut se faire sans une imbrication de la culture et de l’économie, qu’elle soit façonnée par les acteurs au développement ou initiée par l’Etat. «Et si nous ne fixons pas un regard attentif sur cette symbiose, il est probant que la défaite culturelle de notre société surgira de ce manquement». Pour Abdoulaye Sagna, l’enjeu de notre développement repose sur la maîtrise par nos intellectuels et autres acteurs de l’évolution de notre patrimoine ; maîtrise qui se situe, entre autres, sur le recouvrement de la souveraineté à l’égard des visions culturelles d’Orient et d’Occident.
Le thème a taquiné également l’intellect de l’acteur culturel, le président du Mpc Ali Sega Camara, parrain de ces Journées culturelles de Finthiock, qui s’est voulu formel par rapport au péril du patrimoine culturel diola qui semble bien réel à ses yeux. «Combien de jeunes diolas sont incapables de comprendre que dans la culture diola, dans la pensée philosophique et mathématique diola, l’homme n’est que dénombrement ? Pour lui, l’homme est dans le dénombrement et le dénombrement est dans l’entièreté dans l’homme, car le diola commence par ‘’foutock’’ (5) et va à ‘’kabanann’’ (20) ; cela veut dire que le dénombrement est à la dimension de l’homme et l’homme est dans l’entièreté dans le dénombrement puisqu’il ne compte que vingt (20) doigts, dix (10) sur les deux mains et dix (10) orteils sur les deux pieds», explique-t-il. Autrement dit, si les jeunes diolas ne comprennent pas la dimension de leur propre philosophie, cela veut dire que la culture et le patrimoine culturel diola est en péril.
A en croire le politique et acteur culturel, le péril de toute culture commence par l’invocation de la culture parce que l’invocation de la culture c’est de l’inculture, a-t-il souligné. Une manière pour lui de marteler que la culture doit être manifestée et non invoquée, car «lorsqu’on l’évoque, on fait de l’inculture». Et le second pied du péril du patrimoine culturel est écrit, de l’avis de Ali Séga Camara, dans la modernité, encadrée par le temps qui est l’ennemi principal des sociétés qui perdent leur identité culturelle. Et pour le parrain de ces journées, les sociétés doivent faire attention au temps parce qu’il «est un voleur, un désamour pour la réconciliation entre la modernité et la tradition. Et le temps est un sablier sans cœur qui efface tout pour rendre la culture martyr dans sa propre société d’origine». Quid de Abdoulaye Kéba Diédhiou, maire de la commune de Coubalan ? Apportant sa contribution à ce thème, il estime qu’il est aisé de constater que le patrimoine culturel diola est en péril. Et ce, à cause notamment de la montée en puissance de la langue wolof, aux programmes des radiotélévisions qui ne favorisent pas, à part le wolof, les langues locales comme le diola, tranche-t-il.
imane@lequotidien.sn