Favoriser la production locale à travers l’organisation de marchés hebdomadaires des produits agro-écologiques locaux. Cette initiative est portée par les femmes productrices du Naran et du Fogny, qui s’activent dans les blocs maraîchers du département de Bignona mis en place dans le cadre de la coopération espagnole et à travers le programme Karoghen. Et aujourd’hui ce sont des centaines d’acheteurs qui convergent, chaque début de semaine, vers le marché de la Gare routière de Bignona où se tiennent ces «loumas» pour s’approvisionner en divers produits agro-écologiques locaux.Par Ibou MANE

– C’est connu ! En Casamance, l’enclavement a toujours constitué un frein au développement de plusieurs zones territoires pourtant pourvues d’importantes ressources naturelles, agricoles, fruitières, etc.  Après l’installation de plusieurs blocs maraîchers au profit des femmes rurales dans le Fogny et le Naran, ces productrices, qui réalisent chaque année des productions records, ont été toujours confrontées à de réels problèmes d’écoulement de leurs produits vers les principaux marchés et autres sites de vente. Ce qui justifie, à chaque fois, leurs nombreuses plaintes et complaintes par rapport à cette situation. Des cris du cœur qui n’ont pas laissé insensible le Programme Karoghen qui a ainsi jugé nécessaire d’accompagner ces femmes productrices en leur trouvant des moyens logistiques pour l’écoulement de leurs produits au niveau du principal site de vente de Bignona. C’est tout le sens, de l’avis de Mariama Diallo, de ces loumas hebdomadaires organisés tous les lundis des mois de mars et d’avril et qui permettent, dit-elle, aux femmes de générer des revenus, d’alimenter leurs caisses et d’assurer leur autonomie financière. «Et le bilan est totalement satisfaisant car jamais il n’y a eu de mévente pour ces femmes qui, à chaque opération, vendent tous leurs produits acheminés sur place», soutient-telle. La chargée genre du Programme Karoghen estime que l’accessibilité de ces produits constitue l’un de leurs objectifs premiers qui est d’en faire bénéficier à tout le monde.

La réussite commerciale des femmes 
Ainsi c’est à tour de rôle que les femmes productrices des communes de Sindian, Djigna­ky, Suelle, Kataba I viennent chaque début de semaine au niveau de Bignona pour exposer et vendre leurs divers produits. Ce fut le cas le lundi dernier des femmes de Kabiline (Djignaky) et de Bandjikaki (Kataba I) qui ont débarqué aux environs de 5 h du matin dans la capitale du Fogny pour les besoins de cette opération commerciale. Des produits bios de qualité, avec un meilleur coût et une longue durée de conservation, totalement écoulés après seulement quelques heures de vente. «J’ai fait plus d’une dizaine d’années dans ce marché ; et c’est par le biais de l’achat puis de la revente de ces produits maraîchers que j’ai pu construire ma maison», soutient Fatou Sagna, commerçante au marché de la Gare routière. «C’est ici que je m’approvisionne pour toute une semaine car ces produits sont faciles à conserver et pour une longue durée», renchérit Awa Sané venue faire ses achats hebdomadaires. Une opération gagnant-gagnant, qui a de quoi satisfaire Yabou Manka, vendeuse venue de Bandjikaki. «Ce louma s’est, note-t-elle, bien déroulé pour moi.» Yabou dit constater l’intérêt suscité au fil des semaines par ces produits bios, très prisés par les populations locales, car moins chers et très conservables. Même son de cloche chez Awa Mari, originaire de Kabiline. Elle estime avoir trouvé son compte suite à la vente de ses carottes, tomates et poivrons, produits qu’elle a totalement écoulés. Elle lance un appel aux Bignonois afin qu’ils puissent privilégier dans leur panier ces produits agro-écologiques, gage d’une alimentation saine, diversifiée et riche. Alors que le kilo varie, explique-t-elle, entre 500 F Cfa pour la carotte et 300 F Cfa pour la tomate.

Intégration des
femmes rurales
au développement
Grâce à la coopération espagnole, les femmes du Naran et du Fogny ont introduit un système de diversification des cultures dans leurs contrées à travers la culture de la tomate, de la salade, du piment, de la betterave, de l’oignon, du chou, la laitue, des carottes, etc. Et ce, avec l’utilisation de l’engrais bio, du compost et de l’engrais utilisé à partir de la bouse de vache pour la fertilisation des périmètres maraîchers. Pour Mariama Diallo, cette agriculture durable et de proximité respecte ainsi les normes environnementales et sanitaires grâce à l’agro-écologie et la valorisation des produits locaux de qualité. Car au niveau de ces périmètres maraîchers estampillés Karoghen, il est formellement interdit aux femmes, justifie-t-elle, l’utilisation de pesticides, de produits chimiques, que ce soit les pesticides ou l’engrais. De quoi protéger le consommateur et assurer sa santé. Cette défenseure des intérêts des productrices du Naran et du Fogny pour leur accès aux marchés estime que le consommateur est également gagnant en bénéficiant dorénavant de produits frais, bios, conservables et à moindre coût. Occasion pour la chargée genre de Karoghen de plaider pour le maintien de la position dominante des productrices locales sur le marché. Alors que Ablaye Coly, animateur culturel et leader d’opinion, voit à travers cette activité commerciale, un facteur positif pour sa commune. «Bignona a le marché le plus cher de l’Afrique de l’Ouest, du coup avec ce marché hebdomadaire, les femmes productrices, tout comme les consommateurs bignonois, y trouvent leur compte, notamment avec ces produits de qualité, accessibles à tous et à toutes les bourses avec des prix dérisoires», a-t-il indiqué. Et pour M. Coly, une telle opération doit être démultipliée au niveau de toute la région de Ziguinchor. «Une région pauvre où le panier de la ménagère subit constamment, dit-il, les contrecoups des fluctuations des prix des produits et des denrées alimentaires.»
imane@lequotidien.sn