Bintou Dembélé, Danseuse et chorégraphe : Une relecture hip-hop dans «Les Indes galantes»

Elle se définit d’origine hip-hop et fait actuellement fureur à l’Opéra Bastille à Paris. Bintou Dembélé est la première femme noire à signer une chorégraphie au sein de cette institution de 350 ans, pour «Les Indes galantes» de Jean-Philippe Rameau. Loin des pointes et des tutus, Bintou Dembélé laisse parler la rue dans sa danse. Pour «Les Indes galantes», ce chef-d’œuvre du XVIIIe siècle, elle propose une relecture radicalement nouvelle à travers des danses urbaines. Née en région parisienne de parents sénégalais, elle est l’une des pionnières du Hip-hop en France, une passion qu’elle découvre à 10 ans, seule fille au sein des groupes. En 2002, elle fonde sa propre compagnie, Rualité – entre Rue et Réalité, dans le but d’explorer des cultures marginales, l’histoire coloniale et ses propres racines à travers toute une palette de danses urbaines. La structure rassemble autour de Bintou Dembélé, directrice artistique, chorégraphe et danseuse de la compagnie, des danseurs issus de la street dance qu’elle amène à dialoguer avec des universitaires et diverses personnalités unies par le désir d’explorer de nouvelles formes d’engagement dans la représentation. Mêlant une danse aux influences plurielles, de la musique live et du chant, les spectacles de la compagnie Rualité explorent notamment les notions de mémoire corporelle, d’identité́, en résonnance avec l’histoire. «J’aime à les nommer les danses du cri du corps. Elles émanent assez souvent de contextes politiques, économiques et culturels assez tendus. Beaucoup viennent des Etats-Unis comme le Hip-hop, le krump ou le voguing et le waacking, mais on a une danse spécifiquement française qui est l’électro, née en région parisienne, dans les clubs, et qui traduit aujourd’hui un peu la jeunesse et la manière de se réapproprier des choses qui peuvent leur manquer culturellement ou bien socialement.»
Il y a du sens et du sensible dans les créations de Bintou Dembélé – qu’elle travaille avec le rappeur MC Solaar, se mêle au slam de Grand Corps Malade ou danse sur les rythmes baroques de Rameau, l’idée reste de bâtir des ponts entre des univers éloignés. Dans le contexte de sa compagnie, Bintou Dembélé forme également des danseurs amateurs et professionnels, organise des manifestations et des projets culturels et des rencontres au sein d’établissements scolaires (collèges, lycées), de prisons et d’universités.
Pour cette grosse production, Bintou Dembélé a rassemblé vingt-neuf interprètes, âgés de 20 à 43 ans. Elle a composé un bouquet composite de styles urbains : break dance, krump, waacking (centré sur les bras), voguing, électro… «Ces danses, qui sont des cris du corps, sont nées dans des contextes tendus. Elles ont en commun une torsion sur laquelle je travaille. Avec Clément, nous voulons aussi dérégler les habitudes et les hiérarchies entre les danseurs et les chanteurs qui sont tous ensemble», explique-t-elle au Monde.
Avec Rfi