Récemment, notre Youssou Ndour national, à travers une comédie musicale dénommée «Birima», a voulu raconter l’histoire du roi épicurien Birima Ngoné Latyr Fall, qui régna de 1855 à 1859 à la tête du royaume du Cayor. Au-delà de cet aspect artistique, nous allons essayer de relater l’histoire de ce célèbre Damel que les griots et sujets surnommaient «Borom mbaboor mi» (le porteur d’allégresse). Le Damel Birima Ngoné Latyr Fall est le fils du Damel Macodou Coumba Yandé Fall Guélewar Ba et de la Linguère Ngoné Latyr Absa Mbounoune Guédj Ba. Il est de guénio (clan patrilinéaire) Seugteuf Fall Thiéndélla et de méne (clan matrilinéaire) Guédj Damel Meïssa Téinda Dior était son grand-père maternel (père de sa mère la Linguère Ngoné Latyr Fall).
Damel Birama Fatma Thioub Fall était son grand-père paternel et homonyme (père de son père Damel Macodou Coumba Yandé Fall). Birima Ngoné Latyr Fall était de sang royal de pure souche (un bété-bété), fils de Damel et petit-fils de deux Damels.

Birima Ngoné Latyr Fall régna de 1855 à 1859 à la tête du royaume du Cayor, à l’époque où le Gouverneur de la colonie du Sénégal était Louis Faidherbe.

A la disparition du Damel-Teigne Birima Fatma Thioubou en 1832, son neveu Meïssa Teinda Dior Fall lui succéda à la tête du royaume du Cayor comme Damel et son fils Macodou Coumba Yandé Fall comme Teigne du Baol.

Le nouveau Damel donna la main de sa fille Ngoné Latyr au Teigne Macodou ; de cette union naquit Birima Ngoné Latyr.

Convoitant la couronne du Baol, le Damel Meïssa Teinda incita les notables du Baol à destituer le Teigne Macodou Coumba, et le poussèrent à se réfugier au Saloum auprès de la famille de sa mère la Linguère Guélewar Codou Coumba Yandé Mbarou, (fille du Bour Sine Boukaar Thilass Diouf), laissant le jeune Birima et sa mère au Cayor. Le nouveau Damel-Teigne Meïssa Teinda Dior prit en charge l’éducation de son petit-fils, le Prince Birima Ngoné Latyr, qu’il nomma aux plus hautes fonctions royales de Bédienne, Diambor Boumy Ngourane, Diogomaye, etc. Ayant perdu la plupart de ses fils dont les princes Massène Pathé Isseu Ngoné, Latsoukabé Diodio Mbeinda, Thiécoumba Fatma Binta, Khèt Demba Fatim, Biram Coura Yambaye, Lat Sène Isseu Dior et Lat Ndella Diodio Gueye, lors la rébellion du prince Maali Coumba Khoudia Bissira Fall a la bataille de Pout-Diobass, le Damel-Teigne désespéré fit de son petit-fils Birima son prince héritier et plaça tous ses espoirs en lui.

Auparavant, il avait remarié sa fille, la princesse Ngoné Latyr, au puissant chef de la province du Guét, le Beurguéth Sakhéwar Sokhna Mbaye Diop.

De ce mariage, naquit le célébre Damel-Teigne Lat Dior Ngoné Latyr Diop. A la mort du Damel-Teigne Meïssa Teind Dior en 1855, le jeune Prince, âgé seulement de 25 ans, lui succéda à la tête du royaume .Quelques années auparavant, jeune page à la cour de Nguiguis, Birima introduit auprès de son grand-père, la candidature du Prince Khagane Amary Mberry Tall Fall au poste de Ndiawrigne Mboul (chef des grands électeurs). Son grand père l’avait éconduit, rejetant la demande en lui indiquant que même son prédécesseur, le Damel Birima Fatma Thioubou (pourtant demi-frère de Amary Mberry Tall), avait refusé de le nommer à cause de sa déloyauté.

Dépité, le prince Birima promit publiquement que le jour où il serait intronisé Damel, il nommerait à la fonction de Diawrigne Mboul, Amary Mberry Tall Fall de guenio Fall Thiendella comme lui, à la différence de son grand père le Damel qui était de guénio Fall Thiéyacine.

A la vieille de son intronisation, le Prince Birima Ngoné Latyr confirma sa promesse de nommer Amary Mbérry Tall Fall au titre de Ndiawrigne Mboul, ce qui provoqua l’ire des notables grands électeurs du Cayor qui lui déconseillèrent de le nommer en lui disant : «Tes grands-pères Birima Fatma Thioub et Meïssa Tende Dior ont refusé de le nommer à cause de son caractère instable et ses ambitions démesurées.» Ensuite, les us et coutumes du royaume du Cayor imposaient au nouveau Damel de cohabiter avec le Diawrigne Mboul de l’ancien régime et d’en nommer un nouveau qu’à la fin de l’hivernage.

Face au veto des grands électeurs, Birima déclara qu’il préférait renoncer au trône que de se dédire. Goor Amul lu dul kadom.

Devant son obstination, les notables finirent par accepter la nomination de Amary Mbéry Tall Fall qui, depuis un demi-siècle, convoitait ce poste en vain.
Cet acte fut de haute portée historique, indiquant qu’un garmi dans le code moral, devait respecter sa parole donnée. Et les griots du Cayor en firent un hymne : «Birima ba ca benne batat ba.»

Mais dès sa nomination, Amary Mbérry Tall Fall confirma toutes les réserves qu’on émettait à son égard, il entra en intelligence avec les Français de la Colonie du Sénégal. Le Gouverneur Faidherbe lui faisait beaucoup de libéralités, lui fournissant des armes, des chevaux, de l’alcool et beaucoup de produits manufacturés venant de la France. Informé de ces accointances avec les colons de Saint-Louis, le Damel convoqua Amary Mberry pour des explications sur ses relations avec les Francais. Amary Mberry confirma ces relations et indiqua que ses fonctions et charges de Diawrigne Mboul dans le Cayor lui permettaient d’avoir une politique autonome à l’endroit du comptoir de Saint-Louis. Le Damel le convoqua à nouveau autour du jeu de «Wouré», pour lui signifier un message ; il déplaça un pion tout en clamant haut : «Tothie Ndiouky, Tothie belly (detruire Belly et Ndiouky).» Amadou Mbérry Tall posa en réaction un autre pion, indiquant : «Ras dom somou (tout Damel qui ramasse des pommes du Cayor perd son pouvoir).» Après cet échange houleux, le Damel envoya le Fara Kaba Demba War Sall raser et incendier les fiefs des Khaganes, les villages de Ndiouky et Belly.

Menacé par les forces du Damel, le Diawrigne Mboul réunit sa famille des Khaganes et tous ses partisans pour se rendre au Baol et proposer le trône du Cayor au Teigne Thiéyacine Ngoné Degueune Dior Mbatio Fall, et ce dernier accepta cette proposition.

Les hostilités furent ouvertes entre les deux royaumes du Cayor et du Baol. A l’issue de violents combats, le Diawrigne Mboul Amary Mbérry Tall fut tué dans la capitale à Mboul.

Renforcé par cette victoire, le Damel Birima Ngoné Latyr leva une armée dont il confia le commandement à son père, Macodou Koumba, qui attaqua le Teigne Thié Yasin Ngoné Déguèn près de sa capitale Lambaye.

Au cours de cette bataille, chacun des protagonistes y perdit un général qui fut en plus son frère cadet ; le Teigne vit son frère Thié Coumba Ngoné Déguene Dior Mbathio périr comme le frère de l’assaillant Thié Ndella Kodou Koumba. Battu, le Teigne Thié Yasin Ngoné Déguèn se retira et regroupa ses forces, et lança une contre-offensive à Pourri, qui fut une débâcle où furent tués ou faits prisonniers presque tous les chefs de l’armée du Teigne qui s’exila dans le royaume voisin du Sine.

Vainqueur, le Damel Birima installa en 1856, à la tête du trône vacant du Baol, son père Macodou Coumba Yandé Fall qui devint une seconde fois Teigne.
Et les griots fredonnèrent un nouveau bak : «Birima mo fétal Baol bamou mokk mou sarakh ko bayam.» Tout au long de son règne, épicurien, le jeune Damel Birima s’était entouré de jeunes princesses et princes et fit de sa cour un lieu de fête et de plaisir. Les courtisans de la cour de Mboul n’avaient d’autres occupations que de boire, manger, s’amuser, danser, se promener dans la capitale Mboul. Il fallait sacrifier des dizaines de bœufs pour accompagner les plats de couscous, pour la boisson, il y avait des jarres remplies d’alcool de mil, le poukh, et des caisses de vin et liqueurs venant de la France.

Les griots chantaient les louanges des princes et princesses au son des xalam. Les princes s’affrontaient dans des courses de chevaux, des jeux de koupé et des concours de tir.

C’était le khawaré, fête qui durait toute une nuit jusqu’au lever du soleil. D’où l’adage : «Birima borom mbabor ma, bou lekoul ma ngay naan.»

Les marabouts puritains de la province du Ndiambour, indignés par tant de débauche dans la cour royale, se révolteront en décembre 1859, avec l’appui de la colonie de Saint-Louis. L’armée musulmane des insurgés envahit la province du Guet, et battit les troupes du Barguéth Sakhéwar Sokhna Mbaye Diop.
Le Damel était alité, beaucoup ont soupconné le Gouverneur Faidherbe d’avoir mis secrètement du poison dans les liqueurs qu’il lui avait envoyées.

Son pére, le Teigne du Baol, reunit une fois encore, toutes les armées ceedo du Cayor et du Baol, et organisa une violente contre-offensive face à l’armée des marabouts du Ndiambour.

Et lors d’une sanglante bataille, au cœur-même de la capitale, les troupes royales battirent les coalisés musulmans, tuèrent leur chef Ali Tioubé Lô, et incendièrent leur fief, le village de Louga.

Le Damel-Teigne Birama Ngone Latyr mourut en 1859 de ses excès, et sa succession fut ouverte entre son père, le Teigne Macodou Coumba Yandé Mbarou, et son frère utérin, Lat Dior Ngoné latyr Diop.
Diawdine Amadou Bakhaw DIAW