Boualem Sansal : La Justice algérienne confirme la peine de cinq ans de prison ferme

La Cour d’appel d’Alger a confirmé, mardi 1er juillet, le verdict de première instance en condamnant l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal à cinq ans de prison ferme, notamment pour «atteinte à l’unité nationale», selon un correspondant de l’Afp dans la salle. Boualem Sansal avait été condamné le 27 mars dernier à cinq ans de réclusion par le Tribunal de Dar El Beida, près d’Alger, notamment pour des déclarations en octobre 2024 au média français d’Extrême-droite Frontières, où il estimait que l’Algérie avait hérité, sous la colonisation française, de territoires appartenant jusque-là au Maroc. «Le verdict du Tribunal de première instance a été confirmé. Vous avez huit jours pour introduire un pourvoi en cassation», a déclaré en français la présidente à l’attention de M. Sansal, présent et debout dans la salle, selon un journaliste de l’Afp sur place.
Boualem Sansal «va bien»
Le nouvel avocat français de l’écrivain, Me Pierre Cornut-Gentille, arrivé samedi à Alger, n’a pas voulu se prononcer sur cette éventualité. «Je n’ai pas de déclaration à faire, je dois rendre visite à mon client pour discuter avec lui d’un éventuel pourvoi», a-t-il dit à l’Afp. Me Cornut-Gentille a dit avoir rencontré, lundi, M. Sansal, 80 ans et atteint d’un cancer, qui «va bien». La France, qui réclame depuis des mois sa liberation, a «regretté» la décision prise en appel, la jugeant «incompréhensible et injustifiée», selon un communiqué du Quai d’Orsay. Paris a appelé «les autorités algériennes à faire un geste de clémence et à trouver une issue rapide, humanitaire et digne à la situation de notre compatriote, prenant en compte son état de santé et des considérations humanitaires. Notre souhait est qu’il puisse être libéré et soigné».
M. Sansal a été condamné pour «atteinte à l’unité nationale», «outrage à corps constitué», «pratiques de nature à nuire à l’économie nationale» et «détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays».
Crise diplomatique inédite
Le procès en appel a eu lieu aussi bien à la demande de l’écrivain que du Parquet, qui a requis 10 ans en appel comme en première instance. Interrogé en appel le 24 juin sur sa déclaration sur les frontières, M. Sansal avait répondu : «je ne fais pas que de la politique. Je m’exprime aussi sur l’histoire», invoquant le droit garanti par la Constitution «à la liberté d’expression». «La France a créé les frontières (de l’Algérie colonisée à partir de 1830, Ndlr), mais heureusement après l’indépendance (en 1962), l’Union africaine a décrété que ces frontières héritées de la colonisation étaient intangibles», a-t-il ajouté. L’arrestation de M. Sansal, le 16 novembre à Alger, a envenimé une brouille entre Paris et Alger, débutée en juillet 2024 par la reconnaissance par la France d’un plan d’autonomie «sous souveraineté marocaine» pour le Sahara occidental.
Ce territoire non autonome, selon l’Onu, est l’objet d’un conflit depuis 50 ans entre le Maroc et les indépendantistes du Polisario, soutenus par Alger. Depuis, les deux pays traversent une crise diplomatique sans précédent, marquée par des expulsions de diplomates de part et d’autre, des restrictions pour les titulaires de visa diplomatique et un gel de toutes les coopérations.
Vers une grâce possible ?
Le 6 mai, l’Assemblée nationale française a adopté une résolution appelant à la «libération immédiate» de l’écrivain et à subordonner au respect des «engagements internationaux en matière de droits humains» à toute «coopération renforcée» entre l’Algérie d’une partie, la France et l’Europe de l’autre. Si en France, M. Sansal fait l’objet d’une vaste campagne de soutien, en Algérie, où il n’est pas très connu, peu de personnalités l’appuient. Des prises de position pro-israéliennes de l’écrivain rediffusées sur les réseaux sociaux lui ont valu l’hostilité d’une partie de l’opinion publique algérienne pour laquelle la cause palestinienne est sacrée. Jusqu’à présent, les multiples demandes de libération ou de grâce du Président algérien Abdelmadjid Tebboune, «un geste d’humanité» réclamé par son homologue français Emmanuel Macron en personne, sont restées lettre morte. Des proches dont ses deux filles, ont émis l’espoir qu’il soit gracié à l’occasion du 5 juillet, marquant le 63e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie. Interrogé mardi sur France Inter, le ministre de l’Intérieur français, Bruno Retailleau, partisan d’une ligne dure et devenu la bête noire du pouvoir algérien, a également souhaité une «grâce» présidentielle.
Paris Match