Le Regroupement des boulangers du Sénégal (Rbs) annonce, si rien n’est fait, une grève consistant en deux jours (1er et 2 novembre 2017) sans pain. Ces boulangers demandent la baissent du prix de la farine de blé qui est passé de 13 mille F Cfa avant le mois de ramadan à plus de 17 mille F Cfa aujourd’hui. Ils ont déposé un préavis de grève depuis le 15 octobre 2017. La Fédération nationale des boulangers du Sénégal (Fnbs) qui ne participera pas à cette grève a vu son président déclarer que «parmi les problèmes dont on va discuter le 26 octobre, en premier lieu, c’est le prix de la farine. C’est normal». C’est dire donc qu’il constitue un réel problème. 27 boulangeries auraient même fermé. Comme les boulangers du Burkina, le Front anti Ape anti Cfa pense qu’au Sénégal «le boulanger qui fabrique le pain ne gagne pas son pain». Le Front anti Ape anti Cfa soutient les boulangers du Sénégal dans leur lutte légitime pour la baisse du prix de la farine de blé.
Le Front rappelle que le blé est importé. Le prix de la farine de blé avait d’ailleurs fortement augmenté avec la crise alimentaire de 2008. Ce qui s’était répercuté sur la production du pain au Sénégal.
C’est pourquoi le Front estime que la meilleure façon de régler cette question de manière durable dans l’intérêt à la fois des boulangers, des citoyens, de l’Etat, des paysans est de se battre pour l’incorporation des farines à base de céréales locales dans la panification.
Un décret de 1979 rend obligatoire l’incorporation de céréales locales dans la panification à 20%. Les boulangers avouent ne pas pouvoir respecter cela. De l’avis de certains acteurs, si les boulangers du Sénégal incorporaient 15% de céréales locales dans leur production journalière, l’intérêt serait important pour le pays et équivaudrait à plus de 9 milliards pour les producteurs et plus de 7 milliards pour la balance commerciale. Sans les Accords de partenariat économique (Ape) entre l’Union européenne et l’Afrique de l’Ouest, la farine de blé coûte moins cher que les farines de mil et de maïs. L’Etat du Sénégal, en signant les Ape avec lequel le blé ne paiera plus de droit de douane dès la première année d’application, pousse les boulangers à se détourner davantage des céréales locales et à dépendre beaucoup plus du marché international. Momentanément, pour les boulangers et les consommateurs, cette baisse du prix du blé par la disparition de ses droits de douane peut sembler positive. Mais à moyen et long terme, elle va être catastrophique, car elle va ligoter les boulangers au capital international, elle va marginaliser nos céréales locales et appauvrir nos paysans tout en appauvrissant l’Etat.
Les Ape vont augmenter le chômage et la pauvreté dont les victimes ne pourront plus acheter du pain. Entre 2009 et 2013, les importations de blé sont passées de 429 mille à 515 mille tonnes, soit une hausse de 20%. Ce qui correspond à 96 milliards de F Cfa par an dans un pays où poussent mil, maïs et sorgho. Alors que l’objectif devrait être de réduire les importations de blé, le gouvernement signe les Ape qui vont les augmenter. Le Sénégal importe presque le double de ce qu’il exporte. La France constitue le principal pays, source du déficit commercial pour le Sénégal. Et parmi les produits qui creusent ce déficit : le blé. En signant les Ape, le gouvernement du Sénégal travaille pour le grand capital français qui investit dans le blé et contre les paysans, les boulangers et les consommateurs sénégalais. Les plus de 1 600 boulangeries au Sénégal doivent être liées aux paysans sénégalais et non au capital français. Les paysans sénégalais ont plus besoin des 96 milliards dépensés annuellement pour importer du blé.
Dans ce contexte, le projet financé par la Banque mondiale visant à substituer à hauteur de 15% la farine de céréale locale à la farine de blé avec 150 pétrins pour l’incorporation des céréales locales dans la fabrication de pain et de viennoiseries donnés à des boulangers est de l’argent jeté par la fenêtre.
Avec les Ape, le blé ne paiera plus de droit de douane. Pour l’Organisation mondiale du commerce (Omc), «les droits de douane (sur les importations de marchandises) donnent, en matière de prix, un avantage aux produits semblables de production locale et sont une source de recettes pour l’Etat». Quels avantages donneront les Ape au mil, au maïs au Sorgho sur le blé qui ne paiera plus de droit de douane ? Quelles recettes les Ape et le blé donneront-ils à l’Etat du Sénégal ? Le Front anti Ape anti Cfa répond : Aucun !
Voilà pourquoi, tout en soutenant les boulangers dans leur lutte légitime pour la baisse du prix de la farine de blé, le Front les invite, avec les organisations de paysans, à une alliance nationale autour des farines locales dans l’intérêt des boulangers, des paysans, des citoyens, de l’Etat. Le Front invite aussi les boulangers à prendre en compte les intérêts des citoyens-consommateurs dans la qualité et le prix du pain.
Pour le Front anti Ape anti Cfa, le slogan «Produire ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons» pour ne pas être un vain mot passe d’abord par le refus des Ape.

Front anti Ape anti Cfa