Bp sur Gta : préjudice à notre contenu local

Jouant sur la diversion que représente cette surchauffe pré-électorale sur les parrainages et autres vétilles politiciennes, Bp vient de confier à Petrofac, une entreprise anglaise spécialisée dans les services pétroliers, un super contrat de quatre ans pour la prestation de services opérationnels -offshore et onshore- liés au projet de gaz naturel Greater Tortue Ahmeyim (Gta), situé entre la Mauritanie et le Sénégal. Un coup dur, très dur, pour les opérateurs locaux et bien sûr notre contenu local.
Avec ce contrat, ce sont 60% des prestations dans le périmètre du contenu local qui sont confiés indûment à Petrofac. Evalué au moins à 600 milliards de F Cfa selon les simulations, ce contrat léonin entre entreprises anglaises sur notre sol et nos ressources, englobe une gamme étendue de services. Parmi ces services, on trouve la gestion et la supervision des opérations à la fois sur terre (onshore) et en mer (offshore), la fourniture de personnel qualifié, ainsi que la maintenance des équipements, etc. C’est l’expertise locale qui est sacrifiée.
Les Pme et Pmi de la région de Saint-Louis ne peuvent-elles pas fournir du personnel d’appoint pour les champs gaziers ? A-t-on besoin de Petrofac pour le faire ?
Nous avons manqué de veille et de vigilance, depuis 2022, Petrofac, une entreprise peu scrupuleuse, avec une gouvernance peu étanche, est déjà présente dans les opérations de Gta avec la fourniture de services structurants et de support pour le navire de production, de stockage et de déchargement flottant, ainsi que pour la plateforme de gaz naturel liquéfié.
Entre 2011 et 2017, cette entreprise de services et d’assistance des opérations pétrolières et gazières a payé des amendes record, souvent jusqu’à 50 milliards de F Cfa, pour des faits avérés de corruption et de concussion au Moyen-Orient. D’ailleurs, son président-fondateur a été obligé de démissionner pour corruption systémique érigée en mode de gestion dans l’entreprise.
Avec ce contrat, ce sont au moins 70% du contenu local annuel que Petrofac vient de préempter sur les entreprises authentiquement sénégalaises, tant ce contrat global, massif et tentaculaire couvre une large palette de services dont la préparation des repas et la boisson dans les plateformes de production en mer. Même la restauration et le catering nous échappent.
Le «plateau de compétence» sénégalais tant promu par notre loi sur le «contenu local» adoptée le 24 janvier 2019 par l’Assemblée nationale et mise en œuvre par le Secrétariat technique de Comité national de suivi du contenu local est laissé pour compte. D’où l’urgence d’évaluer l’impact de ce contrat confié à Petrofac sur les entreprises locales et leurs offres dans le cadre de l’exploitation gazière du champ Gta conformément aux obligations des opérateurs de confier marché et contrat aux entreprises locales avec des capitaux et du personnel sénégalais.
Ce contrat de Bp valide l’externalisation des opérations sur le champ de Gta au profit de Petrofac, il anéantit tout le travail de mise à niveau de nos entreprises depuis une décennie. C’est tout un écosystème autour du contenu local qui est menacé.
Il est plus qu’urgent d’ajuster nos outils et instruments d’intervention si nous voulons bénéficier des retombées provenant de nos vastes ressources dont l’exploitation est confiée aux majors. Ces majors qui en contrôlent presque 80%, soit la totalité. Pour ma part, j’attends impatiemment Petrofac sur sa conformité climat et environnement au regard du fragile écosystème marin dans la région nord.
Moustapha DIAKHATE
Ex-Cons Spec PM
Expert et Consultant Infras
Formateur en finance climat