Le gouvernement du Burkina Faso a décidé d’instaurer le couvre-feu, de 20 heures à 5 heures du matin, après que les habitants de la capitale burkinabè se sont réveillés sous les tirs de jeunes soldats manifestant leur colère, en réclamant le départ des chefs de l’Armée mais aussi des «moyens plus adaptés» à la lutte contre les jihadistes.Par Mamadou T. DIATTA –
Les autorités burkinabè ne veulent pas être débordées par la mutinerie des soldats, survenue hier à Ouagadougou dans plusieurs casernes. Après avoir produit un démenti des rumeurs de coup d’Etat. Un décret présidentiel instaure en effet un couvre-feu, à partir du «23 janvier 2022 et jusqu’à nouvel ordre». Cette mesure prévaut quotidiennement, de 20h jusqu’à 5h 30 du matin, «sur toute l’étendue du territoire» du Burkina Faso. Il a été aussi décidé de la fermeture des écoles aujourd’hui et demain mardi.
Jusque tard dimanche soir, le Général Simporé s’est entretenu avec certains mutins, d’après Rfi. Les soldats rebelles ont présenté une pléthore de revendications. Celles-ci sont plus de moyens pour lutter contre le terrorisme, des changements au sein de l’Etat-major et de la direction des renseignements et une meilleure prise en charge des familles de soldats tombés ou blessés au combat.
Les soldats ont manifesté ce dimanche, leur colère pour réclamer le départ des chefs de la Grande muette et des «moyens plus adaptés» à la lutte contre les jihadistes. Les tirs ont commencé à résonner vers 5 heures du matin, avant de connaître une interruption aux environs de 12h 30 mn.
Dès le début de la journée du dimanche, de jeunes mutins encagoulés avaient pris d’assaut les contours du camp militaire Sangoulé Lamizana, qui se trouve dans la capitale, Ouagadougou. Cette garnison abrite aussi la Maison d’arrêt et de correction des Armées (Mac), où sont gardés en détention les prisonniers militaires dont le célèbre Général Gilbert Diendéré, ancien chef d’Etat-major de l’ex-Président du Faso, Blaise Compaoré, qui avait fait l’objet d’une condamnation pour une tentative de coup d’Etat en 2015 et également poursuivi dans le cadre de l’assassinat de l’ex-Président, Thomas Sankara, dont les audiences du procès continuent de se tenir.
Le doute a commencé à s’installer dans les rangs de l’Armée depuis la fameuse attaque d’Inata, le 14 novembre dernier, au cours de laquelle 53 gendarmes ont péri, poussant le chef suprême des Armées et Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, à exiger la lumière sur cette agression.
Devant de nombreux curieux aux regards interrogatifs, les soldats «rebelles» avaient pris le contrôle des accès menant à l’avenue. La même situation se présentait au niveau de la base aérienne, qui se trouve à coté de l’aéroport international de Ouagadougou. Ici, des tirs ont été entendus hier matin. Conséquence : les autorités ont décidé de la suspension du réseau mobile.
Démenti du gouvernement
L’on continuait de se demander si la manif’ des jeunes soldats mutins est un mouvement d’humeur de soldats ou bien une tentative de coup d’Etat. Ne pouvant plus laisser prospérer la rumeur, le gouvernement a décidé de sortir de son mutisme. C’est ainsi qu’il a rendu public dans ce sens, un communiqué. Pour dire, par la voix de leur porte-parole, Alkassoum Maïga : «Des informations véhiculées dans les réseaux sociaux tendent à faire croire à une prise de pouvoir par l’Armée, en ce jour. Le gouvernement, tout en reconnaissant l’effectivité de tirs dans certaines casernes, dément ces informations et appelle les populations à rester sereines.»
Pour autant, cette situation de tension ne perturbe pas le ministre burkinabè de la Défense. Puisque le Général Barthélemy Simporé indique qu’aucune institution de la République du Burkina Faso «n’est inquiétée». L’autorité de tutelle de l’Armée fait état d’un retour au calme dans certaines casernes.
Ces incidents surviennent après qu’une manifestation interdite dans la capitale du Burkina Faso, qui avait lieu à l’appel du mouvement «Sauvons le Burkina Faso», a été interdite. Et aussi deux semaines après l’arrestation d’un officier, d’une dizaine d’autres personnes, civils et militaires, dans ce dossier. Dans certains milieux, l’on n’exclut pas l’existence de possibles liens entre les jeunes militaires ayant tiré au camp Lamizana, avec les personnes interpellées.
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