Les populations des villes et villages assiégés au Burkina Faso souffrent le martyre. Elles sont privées d’eau, de nourriture et de structures de santé par les groupes armés, selon le rapport d’Amnesty International sur les crimes et atteintes aux droits de l’Homme perpétrés dans ces localités. Aujourd’hui, Amnesty demande à l’Etat burkinabè de faciliter l’accès à l’aide humanitaire pour aider ces populations.Par Justin GOMIS –

Les populations des localités assiégées au Burkina Faso par les groupes armés risquent d’être «asphyxiées» par la faim et la soif. D’après le rapport d’Amnesty International sur les crimes et atteintes aux droits humains dans ces contrées, les populations sont privées de possibilités d’accéder à leurs champs et à leurs puits. «Elles sont privées d’accès à l’éducation, à la santé avec la fermeture des centres de santé et de leur droit de circuler», a relevé le rapport d’Amnesty suite aux recherches menées entre 2022 et 2023.

D’après Samir Daoud, directrice d’Amnesty en Afrique de l’Ouest et du Centre basée à Dakar, les conséquences sont désastreuses pour ces populations qui vivent  principalement de l’agriculture et de l’élevage. «Elles ne peuvent accéder à leurs champs, à l’eau et faire paître leurs bêtes. Cela a un impact considérable sur leur sécurité alimentaire. Elles doivent, pour certaines, aller loin pour chercher de l’eau, avec des risques importants pour leur sécurité. Ces localités assiégées sont complètement coupées du reste du pays», a-t-elle remarqué. Et à en croire la directrice d’Amnesty, aucune aide humanitaire ne peut venir puisque les groupes armés bloquent les entrées et mettent en place des engins explosifs improvisés sur les routes qui mènent à ces localités.

Selon le rapport d’Amnesty International, «il y a 46 localités assiégées au Burkina Faso à la date de juillet 2023, 6201 Burkinabè tués dans les atta­ques entre 2017 et juin 2023, 373 centres de santé fermés à la date de juin 2023 depuis le début du conflit, 2 millions de Burkinabè déplacés internes à la date de juin 2023, 4, 7 mil­lions de Burkinabè qui ont be­soin d’assistance humanitaire».
D’après le rapport, «au fil des ans et en particulier depuis 2022, Ansaroul Islam et d’autres groupes armés ont adopté une stratégie d’encerclement contre plusieurs villes et villages, afin de faire pression sur les populations pour les contraindre à quitter ces zones et sur le gouvernement pour qu’il cède à leurs revendications».

Ces violations sont multiples et diverses. Il y a des enlèvements de femmes qui cherchaient de l’eau, des attaques contre des convois militaires pour empêcher que ces villes soient ravitaillées.

Ces exactions ne sont pas seulement imputables aux groupes armés. L’Armée aussi a sa part de responsabilité. L’Armée du Burkina, par endroits, a répondu de manière extrêmement violente en s’attaquant aux populations civiles qu’elle était censée protéger.

Dans ces conditions, pense Amnesty, il est urgent qu’une réponse soit apportée à cette situation très préoccupante. «L’Etat a essayé de répondre en combattant ces groupes armés à travers les mobilisations des Vdp (Volontaires pour la défense de la Patrie). Il a essayé aussi d’apporter une réponse humanitaire, qui reste encore très insuffisante. C’est d’ailleurs l’une des raisons principales qui a amené Amnesty à décider de sortir ce rapport pour alerter sur la nécessité d’apporter l’aide humanitaire», a dit Samir Daoud.

De l’avis de la directrice d’Amnesty en Afrique de l’Ouest et du Centre, «cela ne sera possible que si les groupes armés décident de lever leur blocus». Car, «parmi les réponses apportées par le gouvernement, il y a une sorte d’incompréhension avec les organisations humanitaires qui ont commencé à être soupçonnées d’avoir des complicités avec les groupes armés qui n’a pas été documenté», a-t-elle précisé.

Selon Mme Daoud, il y a un certain nombre de mesures qui n’ont pas été prises et cela entrave la réponse humanitaire. «Le fait d’imposer une escorte militaire pour aller dans ces zones, certes c’est pour des raisons de sécurité, mais cela a posé un problème d’impartialité pour les organisations humanitaires. Donc, soit on réduit le nombre de convois humanitaires qui sont programmés, soit on recourt à d’autres voies qui sont beaucoup plus coûteuses, exemple par la voie aérienne par le fret. C’est beaucoup plus coûteux et ça réduit le temps de l’aide humanitaire», a-t-elle fait savoir.

En guise de recommandations, Amnesty demande à ce qu’il soit permis aux populations de pouvoir avoir accès à l’aide internationale. L’orga­nisation invite aussi les groupes armés à condamner toutes les exactions qui sont commises et cesser de commettre ces exactions contre les populations. L’Ong demande aussi aux autorités de faciliter cette aide humanitaire en ayant une réponse coordonnée avec les acteurs humanitaires, en prenant en compte tous les éléments qui sont en train d’entraver cette aide.
justin@lequotidien.sn