Depuis plusieurs mois maintenant, le carburant est devenu une denrée très rare au Mali. Ça ne coule plus dans les stations d’essence, ont témoigné des chauffeurs maliens croisés à Kidira. Les citernes sont devenues la proie des djihadistes. Elles accèdent difficilement au territoire malien du fait des nombreuses attaques dont elles sont les cibles. Parfois, c’est sous escorte qu’elles parviennent au Mali. Même avec cela, c’est en quantité très insuffisante, a laissé entendre I. S, un chauffeur malien de transport de marchandises. Ce qui fait que le pays est complètement asphyxié. Par Abdoulaye FALL –

 C’est un casse-tête : trouver du carburant en territoire malien est devenu, par ces temps qui courent, plus éreintant qu’escalader l’Himalaya. Les camions remplis de liquide inflammable sont attaquées de tous bords par les djihadistes, qui ne veulent pas que les citernes accèdent au territoire pour approvisionner les stations d’essence. L’objectif recherché, explique-t-on, c’est d’asphyxier l’Etat central. A en croire Gallo Ndiaye, responsable syndical au niveau de Synag Transport, «c’est un réel problème avec les camions-citernes». «Par ces temps qui courent, conduire une citerne à destination du Mali est très risqué. Les djihadistes s’en prennent aux citernes sans ménagement. Ils sont prêts à laisser passer tout véhicule, mais jamais un camion-citerne. Ils n’hésitent même pas à y mettre le feu», dit-il. Selon lui, il y a plusieurs chauffeurs de ces engins qui ont déjà payé les frais de la traversée. «Nous avons appris que les malfrats cherchent à créer une grave crise dans le pays de manière à soulever les populations contre les autorités», a expliqué Gallo Ndiaye. C’est pourquoi, ajoute-t-il, les malfrats peuvent laisser passer n’importe quel véhicule sauf les citernes. D’ailleurs, le flux de ces engins transportant du liquide inflammable a considérablement ralenti. «Beaucoup de chauffeurs n’osent plus prendre le risque», ajoute-t-il. Par peur de voir leurs véhicules incendiés.

Actuellement, les plus téméraires qui acceptent la traversée, le font sous escorte militaire. «Sinon, ils mettent leur vie en péril», note-t-il. Actuellement, les transporteurs s’organisent par dizaines pour être escortés par les militaires maliens chargés de les sécuriser jusqu’au pays profond. Son collègue syndicaliste assure que la distribution de carburant au Mali n’est pas l’unique secteur impacté, il y a aussi le transport de marchandises, qui est aussi perturbé. Du fait que les chauffeurs n’osent plus emprunter la route par peur des attaques terroristes. Même si beaucoup de camionneurs affirment que les djihadistes ne s’en prennent pas aux camions chargés de marchandises. Autre chose, les propriétaires interdisent aux chauffeurs de faire entrer les engins en territoire malien craignant pour la sécurité de leurs véhicules. Car, soutiennent-ils, note un syndicaliste, une fois le véhicule brûlé, il n’y a pas un Etat ou une assurance qui rembourse. I. Sawodogo, un autre camionneur, ajoute : «Le carburant ne se trouve plus au Mali. Vous pouvez faire plus de six stations d’essence sans avoir un seul litre. Je suggère à l’Etat de renforcer le dispositif à la frontière pour mieux escorter les véhicules. Sans quoi, la situation peut tourner mal.»

Répondant à la question de savoir comment il a fait pour réussir la traversée avec son camion chargée de patates douces, il explique : «Je n’ai pas peur car je sais qu’ils (les djihadistes) n’ont pas généralement affaire aux camions chargés de marchandises. Ils ont un problème, les citernes. Ils ne veulent pas qu’elles entrent dans le pays pour ravitailler les populations.» Ils ont aussi affaire avec la compagnie Diarra Transport. Pourquoi ? «Je donne ma langue au chat. Quoiqu’il en soit, les populations sont fatiguées», témoigne-t-il.

Bamako, une situation volatile
Le Mali traverse actuellement une crise des hydrocarbures d’une gravité sans précédent, caractérisée par une pénurie sévère de carburant qui impacte la quasi-totalité de l’activité économique et sociale. Cette situation est principalement le résultat d’un blocus de facto imposé par des groupes armés sur les principaux axes de ravitaillement. La source du blocus ? Une stratégie djihadiste, évidemment ! L’origine de la crise remonte à la multiplication, depuis septembre, des attaques ciblées contre les convois de camions-citernes par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Gsim/Jnim), affilié à Al-Qaïda, qui est identifié comme le principal responsable de cette stratégie. Ces actions visent à asphyxier économiquement le Mali, en particulier la capitale Bamako, en bloquant l’importation de produits pétroliers depuis les pays côtiers voisins (Sénégal et Côte d’Ivoire).

Avant la crise, entre 100 et 120 camions entraient quotidiennement sur le territoire. Ce flux a été quasi totalement interrompu, provoquant une rupture d’approvisionnement dont les conséquences économiques et sociales sont dévastatrices. Si le prix du litre d’essence a pu tripler sur le marché noir (jusqu’à 2700 F Cfa/litre à Bamako), les coupures d’électricité ont augmenté, car 40% de l’énergie reposent sur des centrales au fioul, provoquant le ralentissement industriel.

Face à cette situation, le gouvernement a dû annoncer la suspension temporaire des cours dans toutes les écoles et universités, faute de carburant pour les déplacements du personnel et le fonctionnement des générateurs. Pour limiter la crise, les autorités de transition ont adopté plusieurs mesures pour tenter de briser le blocus et atténuer ses effets : l’Armée malienne (Fama) sécurise désormais les convois de ravitaillement. Des succès ont été enregistrés, notamment l’arrivée d’importants convois à Bamako et dans des villes du Nord comme Gao, permettant une reprise progressive de l’approvisionnement dans certaines zones.
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