Gorée et Cidade Velha (Cap-Vert), deux villes historiques classées au patrimoine de l’Unesco et désormais jumelées, pourraient devenir d’excellents «entrepôts» dans le cadre d’un projet-pilote sur la pêche côtière, promu par l’Association cap-verdienne de défense de l’environnement et du développement, (Adad), et ses partenaires. Cette alliance qui implique également les capitales Praia et Dakar, des universités et associations liées à la pêche et à l’environnement, consiste à créer un «panier de crustacés et de poissons» intégré qui sera vendu aux opérateurs touristiques et commerciaux des deux pays. L’objectif est non seulement de soutenir les associations de pêche locales et les communautés de pêcheurs, mais surtout de servir de réseau pour promouvoir la pêche durable dans la façade ouest-africaine, en faisant des pêcheurs les principaux défenseurs de l’environnement marin et terrestre.
Par Arlinda NEVES (correspondante particulière) – Gorée et Cidade Velha (aujourd’hui ville de Ribeira Grande de Santiago), qui se situe à environ 10 minutes de Praia, sont deux villes unies par le sang et l’histoire. Toutes deux ont été, au milieu du XVIe siècle, d’importants comptoirs pour la vente d’esclaves d’Afrique vers l’Europe et les Amériques, et Cidade Velha a été la première ville créée par les colons portugais en Afrique. Désormais jumelées, elles pourraient renforcer encore ces liens d’amitié grâce au projet-pilote sur la pêche locale. Le programme a été présenté il y a quelques jours dans la ville- berceau de Cidade Velha, par une équipe dirigée par Januário Nascimento, président de l’Association pour l’environnement et le développement du Cap-Vert (Adad), aux pêcheurs et poissonniers, aux associations des différentes zones de pêche et à la Société civile de cette ville et de Praia. «D’abord, l’Adad a créé une alliance d’acteurs non étatiques. Nous avons présenté le projet à la Banque mondiale dont nous avons inclus les mairies de Ribeira Grande, Santiago et de Praia, l’école d’hôtellerie et de tourisme, le gouvernement à travers le ministère de la Mer, des associations et des hôtels. Heureusement, nous avons remporté le concours international pour la connaissance de la biodiversité marine. La Banque mondiale nous a ensuite aidés à obtenir une partie du financement pour ce projet de pêche côtière», dit-il.
Selon M. Nascimento, l’objectif est de mobiliser des ressources pour les organisations de la Société civile et les municipalités impliquées dans la défense de l’environnement et de la pêche durable, non seulement auprès de la Banque mondiale, mais aussi auprès des pays membres de l’espace francophone, de la Cedeao, entre autres. En plus, d’après lui, l’initiative aboutira à la création d’un «panier de crustacés et d’autres espèces de poisson» avec les associations de pêche, qui sera vendu aux hôtels et restaurants locaux à un prix supérieur à la valeur marchande (par exemple, 5% de la valeur marchande). «Les captures saisonnières locales seront favorisées et toutes les espèces incluses dans le panier devront respecter les règles et réglementations en matière de pêche (par exemple, la taille minimale de débarquement)», précise M. Nascimento.
D’après lui, une quantité prédéterminée sera convenue avec les entreprises, c’est-à-dire les hôtels et les restaurants, les associations locales de pêche, mais aussi les touristes qui peuvent même demander leur panier après avoir accédé au projet via un code QR. «Lorsqu’ils verront le menu des espèces autorisées à la consommation, à ce moment-là, ils pourront choisir ce qu’ils veulent manger», a-t-il dit à propos de cette nouvelle caractéristique du projet de pêche. Il a ajouté que l’argent récolté sera investi dans des projets visant à soutenir les communautés de pêcheurs, ainsi qu’à protéger l’environnement marin et les zones côtières, promouvant ainsi la pêche et le tourisme durables, et valorisant leur travail dans le secteur de la pêche. «Les bénéficiaires directs sont plus de 1800 hommes et femmes (leaders communautaires, pêcheurs, transformateurs de poisson, personnel et touristes de diverses nationalités sensibilisés dans les hôtels et restaurants, et la population de ces zones de pêche), afin que des activités soient menées pour améliorer leurs pratiques de cogestion et une meilleure participation aux politiques publiques pour une pêche durable et responsable», a-t-il souligné. Il a assuré que le produit vendu sera frais, de bonne qualité et dans un bon état de conservation.
Echanges entre Gorée et Cidade Velha
Januário Nascimento a déclaré également que les autorités sénégalaises seront associées à ce projet de pêche. Pour une raison très simple : «Gorée et Cidade Velha ont une histoire commune, liée à l’esclavage. Nous avons cette sensibilité et nous pensons qu’il est nécessaire de développer davantage cette relation entre le Cap-Vert et le Sénégal et, par conséquent, de développer nos relations personnelles, nos économies et nos cultures. Nous voulons que Gorée et Cidade Velha soient des centres d’échange de connaissances et de culture, notamment en termes de musique, d’universités et de tourisme. Par exemple, nous voulons qu’il y ait des échanges entre les pêcheurs capverdiens, comme ceux de Dakar et de Gorée.» En plus, «c’est un projet qui va au-delà de la pêche, intégrant divers secteurs de développement socio-économique et culturel», s’est-il réjoui.
M. Nascimento assure que le projet sera présenté aux autorités sénégalaises, notamment aux mairies de Dakar et de Gorée. «Le secteur de la pêche au Sénégal s’est développé au fil des années et l’Adad et les autres associations partenaires font partie d’importantes organisations liées à la pêche et à l’environnement dont le siège est à Dakar. Comme vous le voyez, il est très important d’établir ce partenariat entre les deux pays», a-t-il fait savoir. Il poursuit pour dire que le projet dispose d’un budget de plus de 40 mile euros et prévoit de former les bénéficiaires, ainsi que de les aider, dans un deuxième temps, à acquérir du matériel et des équipements de pêche. Mais ce n’est pas tout
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Le souci d’une pêche durable
Januário Nascimento a soutenu que le projet concernait également la durabilité des océans, puisqu’il garantira la protection de l’environnement marin et des zones côtières. «Ce projet croise le chemin de la coopérative «Plastique» du Cap-Vert, financée par les Etats-Unis et la Coopération française. Dans le cadre de ce dernier projet, nous avons obtenu une machine de recyclage qui devrait arriver au Cap-Vert dans les prochains jours. En ce sens, nous pourrons accorder une attention particulière au nettoyage des océans et de la terre», ajoute-t-il.
Au-delà de ces considérations, Januário Nascimento a dit qu’il attendait le plein engagement des autorités sénégalaises, en particulier des mairies, afin qu’ensemble ils puissent travailler en réseau en faveur de l’environnement et de la valorisation de l’activité de pêche dans ces pays voisins, tous deux membres de la Cedeao et unis par la mer, avec un certain chevauchement de leurs zones économiques exclusives respectives.
Dans le cadre de ces projets, l’Adad et ses partenaires entendent également rendre hommage, dans les prochains mois, au leader africain et père de l’indépendance du Cap-Vert, l’agronome Amílcar Cabral, et au scientifique et botanique français, Auguste Jean-Baptiste Chevalier, qui a même effectué des recherches au Sénégal et au Cap-Vert.