A l’image du Joola, les négligences humaines ont été à l’origine de l’explosion d’une citerne remplie de nitrate d’ammoniac dans les locaux de la Sonacos.

Par Bocar SAKHO-bsakho@lequotidien.sn – C’est un fait : les tragédies sont souvent liées à des négligences humaines. Construite en 1983 par une société française, la citerne en question était conforme au règlement français de transport de matières dangereuses. «Cependant, elle avait été réparée en 1991, à la suite d’une fuite constatée lors d’une épreuve hydraulique. Selon les constatations effectuées, il semble que la rupture de la citerne se soit amorcée au niveau de cette réparation», avance le ministère de l’Environnement. L’enquête menée par les autorités sénégalaises établit que la citerne qui s’est rompue avait été l’objet de sur-remplissage à plusieurs reprises. Le document est catégorique : le 23 mars, elle avait été chargée de 22,18 t d’ammoniac, au lieu des 17,685 t permises, compte tenu des spécifications d’origine de la citerne et du niveau maximum de remplissage fixé par le Tmd (0,95). Ce chargement correspond d’ailleurs à un volume d’ammoniac de 34,37 m3, supérieur de plus d’1 m3 au volume d’origine de la citerne. Ceci confirme les déformations antérieures du réservoir liées aux sur-remplissages. L’heure (13h 30 -changement de quart) et le lieu de l’accident (à proximité de la zone de restauration du Port industriel) sont 2 facteurs aggravants qui expliquent en partie le lourd bilan, d’après les enquêtes de l’Etat. Selon la presse, des curieux, alertés par le bruit de l’explosion, et qui se seraient rués vers la zone accidentée, compteraient parmi les victimes.

Les suites données
Dans le climat passionnel, qui inévitablement fait suite à une catastrophe de cette ampleur, la représentation locale du Bureau international du travail a participé à l’enquête et une mission française de l’Inspection des installations classées a pu rapidement se rendre sur place. Il faut souligner l’attitude très ouverte des autorités gouvernementales sénégalaises et de la direction de l’établissement concerné dans ce contexte.
Après l’accident tragique, les autorités en ont tiré des enseignements. Le stockage et l’importation du produit ont été davantage verrouillés. Les modalités d’approvisionnement en ammoniac de l’établissement ont profondément évolué : l’ammoniac est importé d’Europe en conteneurs de 12,5 t et les quantités maximales susceptibles d’être présentes sont : un conteneur au niveau de l’atelier de détoxication des tourteaux, une douzaine de conteneurs sur une aire de stockage sur un terrain proche de l’usine. Pour les autorités, ce nouveau mode de stockage présente un degré de sécurité substantiellement accru, du fait d’une capacité unitaire inférieure à celle des anciennes citernes (18 t), d’un emplissage effectué par l’usine de production en respectant un taux limite de charge, d’une protection par disque de rupture et soupape, de clapets de fermeture de fond en amont des vannes de sectionnement, actionnables à distance par câble.

Chronologie des évènements : A portée de souffle ! 

L’unité touchée par l’explosion est implantée dans le secteur industriel du Port de Dakar.

La Sonacos, l’une des sociétés les plus importantes du Sénégal, qui dispose du monopole de la commercialisation des tourteaux et des huiles d’arachide, est touchée au cœur. Quelques jours après l’accident, le ministère de l’Environnement publie un rapport circonstancié sur l’explosion au niveau de ce site qui permet la détoxication des tourteaux d’arachide (élimination de l’aflatoxine) par un procédé d’extraction à l’hexane, utilisant également du formol et de l’ammoniac.

Vu la situation à l’époque, l’accident était sans doute prévisible. «L’ammoniac est importé via des bateaux par une société de production d’engrais également implantée sur le Port de Dakar. Cette dernière stocke l’ammoniac nécessaire à ses fabrications dans trois sphères de 3000 t chacune, réfrigérées à une température comprise entre -5 et -2 °C. Une part de l’ammoniac est vendue à l’usine d’agroalimentaire qui vient s’approvisionner par camion-citerne aux installations de stockage de l’usine d’engrais», rappelle le ministère de l’Environnement dans son rapport publié en avril 1992.