Dans son  point de presse du 16 août 2021, le maire Alioune Ndoye de Dakar Plateau, après avoir entamé la démolition de Sandaga, balayant d’un revers de main l’argument tiré des dispositions pertinentes de l’article 170 du Code général des collectivités territoriales, demande pourquoi la Ville, si elle veut parler de monument historique, ne réclame pas le bâtiment du Service d’hygiène.
Juste qu’il faut ici rappeler la douloureuse histoire de l’empêchement par le maire de Dakar Plateau de la réalisation à Dakar du projet de Centre technique de production cinématographique et audiovisuelle dans le bâtiment du Service d’hygiène appartenant à l’Etat et sur financement de l’Etat.
Parce que monsieur le maire semble ignorer ou occulter les conditions dans lesquelles l’ancienne Commune de Dakar, puis la Ville de Dakar ont eu la jouissance de ce bâtiment de l’Etat du Sénégal entre 1986 (si ma mémoire est bonne) et 2008…
Pour rappel, le Service régional de l’hygiène, étant une administration étatique, a été pendant des années logé dans ce bâtiment de l’Etat, sis au Plateau.
Or l’Etat du Sénégal avait repris en 1986 son bâtiment qui abritait l’Etat civil principal de la rue Pierre Million pour en faire une annexe du ministère des Affaires étrangères.
La Commune a été alors autorisée à transférer l’Etat civil principal au Service d’hygiène jusqu’en 2008, date de l’inauguration du nouveau Centre de l’état civil principal sis à côté du Centre de santé Gaspard Kamara.
Le bâtiment du Service d’hygiène, à partir de 2008, étant vacant, le Président Wade avait alors prévu d’en faire un espace dédié aux métiers du cinéma devant la grave crise du secteur. En l’occurrence, un Centre technique de production cinématographique audiovisuelle.
La Ville de Dakar n’avait pas jugé utile, compte tenu de la volonté des pouvoirs publics, de donner un nouvel élan au cinéma sénégalais de réclamer le bâtiment relevant de la direction du Patrimoine bâti de l’Etat du Sénégal.
Aussi par lettre n° 0945/Pr /Sg/Dgpb/Dpi du 14 août 2012 de Monsieur le directeur du Patrimoine bâti de l’Etat, l’affectation de ce bâtiment classé fut accordée.
Un ambitieux projet d’aménagement avait alors été élaboré. Il était chiffré à plus de 700 millions. Monsieur Hugues Diaz, que je félicite au passage, à l’époque directeur de la Cinématographie, avait fait un excellent travail. Jusqu’au jour où le maire Alioune Ndoye commença à s’agiter pour réclamer ce bâtiment.
Le maire du Plateau fit un forcing et sûrement en raison de ses links politiques et de la proximité avec Ousmane Tanor Dieng, Hugues Diaz et les professionnels du cinéma, la mort dans l’âme, furent évincés et contraints de renoncer au bâtiment du Service d’hygiène.
Le forcing entraîna le déguerpissement de tous ceux qui occupaient légalement le bâtiment, suite à la lettre d’affectation précitée, ainsi que dégradation du matériel appartenant à un projet de l’Etat déjà sur place. L’Etat promit alors de délocaliser son projet cinématographique à Diamniadio… Je me suis toujours demandé ce qu’est devenu ce projet…
Autre question, après son forcing, le maire Alioune Ndoye a pu injecter des centaines de millions du contribuable local dans le bâtiment du Service d’hygiène. Des années après les travaux, le bâtiment est toujours fermé.
Surtout ce qui est grave, on peut lire ceci dans le document de projet de Centre cinématographique (Cf. page 2) : «Compte tenu du financement disponible pour l’année budgétaire 2012, le ministère de la Culture et l’Agetip ont convenu d’établir une convention pour fixer leurs obligations réciproques, pour l’exécution de la première phase du projet en réalisant la réhabilitation des ex locaux du Service d’hygiène de Dakar affectés à la direction de la Cinématographie, ainsi que les procédures et règles qui seront utilisées par l’Agence pour la mise en œuvre de ce projet.»
Et l’on se rend compte que par son entêtement à vouloir faire du forcing lorsque ce n’est pas vraiment opportun, le maire Alioune Ndoye a fait perdre de réelles opportunités aux acteurs du 7ème art, aux populations de Dakar, surtout de la Commune de Dakar Plateau, à qui revenait la chance d’accueillir sur leur territoire ce joyau d’une valeur de plus de sept cent millions (exactement 752 millions 422 mille 945 F Cfa) sans équivalent en Afrique de l’Ouest, financé sur le budget de l’Etat.
Le maire du Plateau a fait preuve dans ce dossier d’un manque de vision en cette période où Dakar est en train de perdre sa centralité au profit de la nouvelle ville de Diam­niadio, et que Dakar Plateau, à son tour, perd progressivement sa centralité au profit du Point E, de la Vdn, ainsi que les zones des Mamelles, Ngor, Yoff, Alma­dies.

Moussa NDIAYE – Juriste, Spécialiste de la Gouvernance Locale 
moyis5@hotmail.fr