Dakar a célébré, les 18, 19 et 20 décembre derniers, un double jubilé placé sous le signe de la transmission intellectuelle. Durant ces trois jours, la Fondation Léopold Sédar Senghor et la revue Ethiopiques ont honoré leur demi-siècle d’existence à travers des panels et expositions, tout en jetant un regard lucide sur l’avenir.

C’est un pan entier de l’histoire intellectuelle du Sénégal et de l’Afrique qui est à l’honneur. La Fondation Léopold Sédar Senghor et le comité de rédaction de la revue Ethio­piques ont choisi de marquer d’une pierre blanche leur 50ème anniversaire. Entre expositions thématiques et échanges de haut niveau, l’événement a permis de revisiter l’œuvre monumentale du poète-Président.

Un double anniversaire historique
Cheick Sakho, enseignant-chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) et directeur de la rédaction de la revue, souligne la portée symbolique de ce calendrier : «Nous fêtons un double anniversaire : celui de la fondation, créée par Senghor lui-même en 1974, et celui de la revue Ethiopiques dont le premier numéro est paru en janvier 1975.»

Au cœur des débats, la figure de Senghor a été analysée non seulement comme un intellectuel de premier plan, mais aussi comme un bâtisseur d’institutions. La revue Ethiopiques, en particulier, a été saluée pour son rôle crucial dans la carrière de nombreux chercheurs africains et internationaux. Elle demeure, selon M. Sakho, ce cadre de réflexion et de «propagation de la pensée proprement africaine» que Senghor jugeait indispensable dès les lendemains des indépendances.

Un héritage intellectuel tourné vers l’avenir
Les panels sont revenus sur l’héritage de Senghor en tant que figure intellectuelle et grand penseur ayant mis en place des institutions structurantes. La revue Ethiopiques a été saluée pour sa contribution majeure aux carrières de nombreux chercheurs africains et internationaux. L’enjeu, selon les organisateurs, est de contribuer au rayonnement de la pensée africaine. Comme l’expliquait Senghor dans le premier numéro en 1975, il s’agissait de créer un cadre de réflexion proprement africain, qui faisait défaut quinze ans après les indépendances. Si l’heure est à la célébration, le constat reste lucide quant aux difficultés actuelles. La fondation, qui occupait jadis une place centrale dans le rayonnement culturel du pays, traverse une zone de turbulences financières qui limite son champ d’action. Pourtant, l’ambition de redynamisation est bien réelle. L’objectif affiché par les responsables est de ne pas s’enfermer dans les murs de la capitale. «Pour le moment, nous concentrons nos activités à Dakar. Mais l’idée, une fois la fondation redynamisée, est de diffuser cet héritage partout à travers le pays», explique Cheick Sakho.

L’enjeu de ces trois jours de réflexion dépasse la simple nostalgie. Il s’agit de mettre l’héritage senghorien en connexion directe avec les défis du futur. Une synthèse des travaux sera d’ailleurs remise aux autorités afin de plaider pour un soutien accru à ces institutions de mémoire. Pour les organisateurs, le combat continue : faire en sorte que la pensée africaine, portée par Ethiopiques depuis 50 ans, continue de rayonner avec force sur la scène mondiale.

Par ailleurs, il faut noter que des certificats de reconnaissance ont été délivrés à certaines figures du Senghorisme comme Moustapha Niase, Amadou Lamine Sall, Makhili Gassama et Me Boucontou Diallo.

Par Abdou Latif Mohamed MANSARAY latifmansaray@lequotidien.sn