L’artiste inhumé ce mardi 26 mai a été accompagné jusque dans sa dernière demeure par les chants des griots mandingues, le son de la kora et du balafon.

Des femmes sont tombées à terre dans une grande effusion de pleurs quand le cercueil drapé dans le drapeau national rouge, jaune et vert a été disposé sous la tente cérémonielle dans l’enceinte de l’hôpital. Mardi 26 mai, l’émotion était vive au cours de cette cérémonie funéraire qui s’est passée dans la «stricte intimité», pandémie du Coronavirus oblige. C’est aux seuls griots qu’il est revenu d’accompagner le défunt dans sa dernière demeure au cimetière de Kipé, à Conakry. Selon la tradition mandingue, ils ont rivalisé d’ardeur pour prier, chanter les louanges de Mory Kanté, décédé vendredi sur la route de l’hôpital à 70 ans, au son de la kora et du balafon, des instruments traditionnels que l’artiste aura popularisé à travers le monde en les adaptant aux sonorités de son époque.
Environ 200 personnes, des proches, des amis et artistes, quelques officiels, ont assisté à la cérémonie. Puis le cortège, suivi par des centaines de Guinéens qui attendaient devant l’hôpital, s’est ébranlé en direction du cimetière de Kipé, tout proche. Mory Kanté, enveloppé dans un linceul selon la tradition musulmane, devait reposer auprès de sa mère.
Une grande partie de la famille, à l’exception de quelques-uns des 14 enfants que Mory Kanté a eu de différentes femmes, manquait à l’appel à cause du Covid-19. «Ils sont tous bloqués à Paris, en Côte d’Ivoire, au Mali, et même aux Etats-Unis, à cause de la pandémie, ils n’ont pas pu venir. C’est triste et dommage qu’ils n’aient pas pu voir le corps de notre papa», a dit aux journalistes Kader Yomba, l’un des deux fils présents.
La Guinée, un des pays les plus touchés par la pandémie en Afrique, a fermé ses frontières. Le ministre de la Culture, Sanoussi Bantama Sow, a pris l’engagement qu’un hommage plus digne de la personnalité du disparu lui serait rendu après la pandémie.
«C’est avec beaucoup de tristesse que nous sommes ici ce matin (Ndlr : hier), pour accompagner Mory Kanté. Mory est un monument. Il a pleinement vécu, c’est pourquoi le monde entier pleure sa disparition. Le gouvernement n’a pas pu organiser des funérailles dignes de ce nom à cause de l’urgence sanitaire. Après cette pandémie, nous organiserons un hommage mérité pour l’artiste», a déclaré le ministre.
En l’absence de tous ceux, célèbres ou anonymes, avec lesquels il s’était lié à travers le monde et que la pandémie du Coronavirus a empêché de se déplacer, l’auteur du tube planétaire «Yéké Yéké» était en compagnie des siens et de tout un pays. «Un don de Dieu», «Un soldat et artiste multidimensionnel» : les poètes-musiciens-chroniqueurs dont Mory Kanté était lui-même le descendant et qui avaient joué avec lui autrefois ont rivalisé de virtuosité et d’éloquence à la levée de corps à l’hôpital sino-guinéen dans la capitale guinéenne.
Le Point Afrique