Après 5 ans d’absence, c’est un Didier Awadi mature qui propose un album de 23 titres. «Made in Africa» est un condensé d’expériences, de sensations et de recherches. La présentation de l’album a été l’occasion pour lui de mettre en garde le régime sur «l’injustice» et «l’arrogance» qui sont érigées en règles de la gouvernance.

Made in Africa est certes l’album de la maturité pour Didier Awadi qui l’a présenté hier. Mais fidèle à lui-même, l’un des précurseurs du mouvement hip-hop sénégalais propose aussi dans ce nouvel album des textes engagés aux côtés de son vieux compagnon Dug E Tee, avec qui il réalise Bouma kena damm. Dans ce rap truculent et rythmé que les Sénégalais connaissent de lui, Awadi fait claquer ses mots parfois en wolof pour servir ses vérités. Awadi qui suit d’un œil attentif ce qui se passe dans son pays «déplore» les évènements de ces derniers jours.
«On ne peut pas imposer aux gens l’argument de la force. Et malheureusement, cette loi sur le parrainage est passée avec les arguments de la force. Et ça, je le déplore», insiste Awadi en évoquant les évènements du 19 avril. Devant les nombreuses grèves qui secouent le pays également, il met en garde. «Dans chaque secteur, les gens tirent la gueule. Donc aujourd’hui, c’est le gouvernement qui doit discuter avec toutes les couches sociales, les partis politiques et arrêter cette attitude d’arrogance. On a l’impression que tout doit passer en force et avec arrogance et ça va être préjudiciable à ce régime s’il ne se ressaisit pas.»
Parlant de la crise scolaire en particulier, il déplore l’installation d’une «injustice criarde». Il en profite d’ailleurs pour évoquer le cas d’un autre rappeur, Ngaaka Blindé, actuellement en prison pour une histoire de faux billets. «Ce rappeur est en prison alors que d’autres ne le sont pas. Suivez mon regard», dit-il sans subtilité.

L’album de la maturité
Après 5 ans de silence, le «Super Ndanane international» vient de sortir un nouvel album de 23 titres. Le lancement a été ainsi l’occasion de retracer le chemin parcouru pour arriver au bout de cette production. Par sa diversité sonore, la multiplicité des styles et le nombre d’artistes qui y ont collaboré, Awadi a voulu montrer qu’il venait de franchir une marche supplémentaire dans sa carrière. «Je n’avais pas envie de faire ce que j’avais déjà fait. Ça ne m’intéressait pas», confie-t-il à la caméra complice qui l’a suivi pas à pas dans la réalisation de l’album. Le rappeur qui a voulu s’investir dans une musique de son époque «et qui est à l’épreuve du temps» emprunte plusieurs directions. Et le fruit de toutes ces influences se perçoit par la diversité des thèmes abordés.
Dans Bamako blues par exemple, les notes du virtuose malien, Vieux Farka Touré, atténuent la douleur du texte qui, selon Awadi, «raconte l’histoire d’une succession de trahisons» dans sa vie. «Et je sais que parmi ces gens qui m’ont trahi, certains auraient souhaité ma mort», poursuit-il. Aux côtés de Ismaïla Lô, il réalise un rêve de gamin. Le résultat, c’est une déclaration d’amour pour ce continent grâce à une reprise du tube Jammu Africa. Avec le doyen Alpha Blondy dont il revendique l’amitié, Awadi évoque cette nouvelle forme de colonisation que Blondy nomme «Bamboulisme». Dip Dound Guiss, Sizzla, Moona ou encore Clayton Hamilton viennent également enrichir l’album.

Le temps de l’Afrique
Après la sortie de l’album, Awadi annonce une tournée gratuite dans toutes les universités du pays. Ensuite, il compte s’attaquer aux pays africains avant de penser au reste du monde. Une philosophie qui résume le titre de l’album. «Il y a longtemps que j’avais envie de faire tout un travail et prouver qu’on peut faire comme les Cubains. A partir d’une petite île, faire une musique qui va partout dans le monde. Aujourd’hui, je crois que l’Afrique en est capable», souligne Awadi. «C’est le temps de l’Afrique et chacun de nous doit pouvoir transformer ce que l’Afrique nous donne», ajoute-t-il.
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