Le processus de vérification des parrainages des candidats à la prochaine élection présidentielle a le mérite de montrer dès le début, ce que valent beaucoup de nos politiciens. Dans un pays en campagne permanente, on est souvent irrité par ces politiciens professionnels et entrepreneurs politiques qui pompent l’air à longueur d’années, écument tous les plateaux de télévision, inondent les réseaux sociaux d’avis sur tout et rien. Quand arrive une épreuve où leur poids réel est mesuré de façon rigoureuse, hors des effets d’annonce, des déclarations pompeuses à coups de renforts médiatiques, on peut tirer une joie maligne à les voir se casser les dents.

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Des anciens premiers ministres, des anciens ministres, d’ex tout-puissants directeurs généraux, qui ont tous voulu croire en leur bonne étoile et entraîné un Peuple dans leur rêve, se rendent compte qu’à la réalité électorale, ils traînent beaucoup de carences. Leur poids surfait se dégonfle quand il faut être sérieux et présenter du concret. On se rend compte qu’à part l’ouvrir, ils ont très peu de substance. On peut penser avoir un nom qui donne résonance tout en oubliant que votre signature ne fait trace que pour la seule raison qu’elle est liée à un appareil politique avec sa légitimité ou une fonction qui traîne son pesant. L’oublier est à la source de bien des déconvenues pour nos hommes publics. La réalité politique est ce miroir de vérité qui renvoie à tout individu un peu imbu de sa personne ou surestimant ses capacités, son poids réel avec les reçus pour attester de cela.

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Quel est le culot de vouloir demander le suffrage dans un pays si on n’arrive pas au sein de son état-major politique à soumettre convenablement un dossier de candidature avec toutes les pièces qu’il faut ? Comment peut-on oser dans la falsification de documents pour soumettre des fichiers de parrainage avec autant d’électeurs non inscrits, de doublons internes et externes ou son stock de signatures de personnes décédées ? Quel électeur lucide peut croire en des entrepreneurs politiques qui présentent une fausse liste de parlementaires pour tenter de berner le Conseil constitutionnel ? Le Sénégal mérite-t-il des politiciens qui souillent tous les murs de nos villes de leur nom sans pour autant avoir au niveau national quelques milliers de signatures sérieuses pour endosser leur candidature ? N’est-ce pas ridicule de crier partout un désir de retirer des fiches de parrainage pour un candidat, pour être aux abonnés absents au moment fatidique du dépouillement d’un tel processus ? On pourrait se demander ce qu’on a pu faire au Bon Dieu pour rassembler autant de canards boiteux qui ne se gênent pas de hurler partout leurs ambitions de nous diriger.

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Cette histoire des parrainages doit permettre dans notre processus électoral de rationaliser davantage en verrouillant du mieux le dispositif. Les fiches de parrainage ne doivent plus être remises contre une simple manifestation de foi, une caution financière pour en bénéficier écarterait beaucoup de plaisantins. La caution à déposer pour les candidatures dont le dialogue politique a pu occasionner sa baisse, doit être revue. Il n’y a aucun mal à ce qu’on taxe le Sénégal de démocratie censitaire pour participer à des élections. Diriger ce pays doit être un service sincère et un privilège humble pour lesquels les gens doivent payer cher afin d’être en mesure de «compétir». Le boulevard ne peut être ouvert à tout fanfaron qui pense qu’une élection présidentielle est le temps d’un marketing sur leur personne et d’une exposition vulgaire à l’œil de la communauté nationale. Les invitations farfelues d’une certaine Société civile à une inclusivité sans limite doivent être battues en brèche par des dispositions réglementaires qui empêcheraient toutes sortes de délinquants à col blanc de penser pouvoir se recycler dans un destin politique.

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La posture des médias dans la gestion du débat public est également à revoir. Si on en est arrivé à un tel niveau, nos médias y sont pour beaucoup car ayant facilité la promotion médiatique et l’ascension dans le débat public de tout type d’individu, pourvu qu’il se fasse porteur d’une parole contraire. Il est bien de donner écho au plus pertinent, mais quand l’incapacité et le défaut de représentativité de certains acteurs schizophrènes du débat sont constatés d’une façon aussi sidérante, les micros et caméras peuvent bien se détourner de tels énergumènes. Offrir une tribune à des individus dont on sait très bien qu’ils n’ont aucune représentativité réelle dans le pays, pour qu’ils continuent d’abuser des options et possibilités que leur offre une existence médiatique, est une faute. Cette faute conduit à niveler par le bas le débat public, en voulant toujours avoir de bons clients qui pourront balancer des déclarations chocs, auront l’invective à la bouche et n’auront le mérite que d’entretenir des polémiques stériles. On ne parle plus des mines de diamants de Me Moussa Diop alors qu’on est certain qu’il serait passé à la trappe dans cette étape des vérifications des parrainages comme la soixantaine de candidats déclarés qui en ont déjà fait les frais, si son faux scandale ne l’avait pas stoppé net.

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Il arrive un temps où face aux impostures et arnaques, il faut savoir être intransigeant. Face à des responsables politiques de premier rang faisant montre de laxisme et dévoilant leurs turpitudes au grand jour, il n’y a aucune gêne à se faire. Les sanctions et pénalités doivent s’avérer exemplaires. C’est de ces supposés grands hommes et grandes dames que les meilleures des leçons peuvent être distillées à toute une Nation. C’est en confrontant des individus qui se veulent identités remarquables aux contradictions les plus banales dans un travail qui demande avant tout du sérieux qu’on pourra assainir notre vie publique et la scène politique. Dans un pays sérieux, des responsables politiques qui auraient fait de tels faux pas dans un processus électoral s’effaceraient de la vie publique et raseraient les murs jusqu’à la prochaine élection. Puisque l’art de retomber sur ses pieds est bien sénégalais et que nos chats ont plus de neuf vies, les récalés du parrainage vont ouvrir leur nouvelle page dans ce livre des élections : le jeu des alliances. On aurait pu rire de cette capacité têtue de rebondir si ce n’était pour la quête d’une instance aussi sérieuse que la présidence de la République. Qu’à cela ne tienne, la réalité des chiffres du parrainage nous aura confirmé dans l’observation que les grandes gueules de notre débat public sont celles qui touchent le moins l’âme de l’électorat sénégalais.

PS : Quelques malotrus de notre jeu politique se sont permis entre autres invectives, de mettre en garde des magistrats du Conseil constitutionnel et ceux des cours d’appel dans leur arbitrage des échéances électorales à venir. Entre l’irresponsabilité des propos et leur gravité dans un pays où un juge constitutionnel a malheureusement fait les frais de la violence aveugle d’un processus électoral devenu fou, on ne peut cesser de demander à l’Etat de prendre ses responsabilités. Quand des gens veulent cracher sur toutes les institutions, il faut les mettre à carreau. Ce ne sera qu’œuvre de salut public.

Par Serigne Saliou Diagne – saliou.diagne@lequotidien.sn