Ils avaient crié partout qu’ils venaient changer la gestion des municipalités, amener de la vertu et l’ordre, être au service et à l’écoute des populations ? Deux ans après les élections de certains d’entre eux, on peut se dire très déçu par la tenue de certaines mairies par des élus de la Coalition Yewwi askan wi (Yaw). La vague Yewwi askan wi (Yaw) aura accouché d’entrepreneurs politiques qui, par la force du dégagisme, ont pu se faire une place au soleil. Toutefois, les faits d’armes que certains premiers magistrats de ville ont pu poser, depuis leur prise de fonction, donnent un goût amer et surtout poussent à rejeter les fruits de toute expérimentation politique ne se basant sur aucun fondement idéologique solide. Demander un suffrage ou des mandats électifs sur des bases populistes et démagogiques, tout en s’appuyant sur un argumentaire fallacieux, peut faire recette comme stratégie électorale, mais c’est à l’épreuve de la gestion courante des affaires d’une cité qu’on voit si les hommes font le poids ou non.
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L’affaire du virement, effectué par erreur, par la mairie de la ville de Guédiawaye dans le compte de l’entrepreneur Ibrahima Ndao, qui refusera de restituer l’argent pour que les deux parties se retrouvent à la barre, laisse sans voix.
De façon ramassée, cette affaire, qui fait jaser depuis hier, concerne une somme de 79 986 000 francs Cfa virée au compte du sieur Ibrahima Ndao, suite à une «erreur» du Secrétaire général de la municipalité, d’après le maire Ahmed Aïdara. La Ville de Guédiawaye, qui a introduit une plainte après le constat d’une telle transaction effectuée par le Trésor public en fonction des informations qui lui ont été fournies, dit s’être confrontée au refus du sieur Ndao de restituer les sous. En portant plainte contre le sieur Ndao et en allant aux auditions, le maire de Guédiawaye, Ahmed Aïdara, a voulu dégager toute forme de complicité entre l’entrepreneur incriminé et lui. Il soutient que dans une logique sociale pour appuyer les établissements scolaires, sa municipalité avait lancé un appel d’offres pour des kits scolaires pour l’année 2023-2024. Un autre prestataire sera retenu (l’entreprise Comptoir commercial Dabakh), avant que l’argent ne soit, par accident, viré au compte de la société Sotrel, détenue par M. Ibrahima Ndao.
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On ne sait pas ce qui est plus sordide entre un schéma de détournement de deniers publics sous l’alibi d’aides scolaires et de soutien à l’éducation, et les explications plus ou moins tirées par les cheveux du maire pour justifier le fameux virement par erreur.
On reste davantage sceptique face à ces explications quand M. Ibrahima Ndao révèle dans son audition que tout l’argent qu’il a reçu est son dû pour avoir effectué diverses prestations pour le compte de la mairie. Il soutiendra également qu’il remettra de l’argent en nature au maire à sa demande, tout en lui effectuant les travaux de sa maison. Quelle est terrible cette race de politiques qui s’amusent autant avec les deniers publics !
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On ne va pas oublier si vite que des maires élus récemment ont fait l’objet d’accusations de détournement de deniers et aides (à Patte D’oie et Keur Massar), tandis que d’autres s’initient à de la prédation foncière. On peut regretter de voir des élus trahir autant les principes pour lesquels ils ont sollicité le suffrage des électeurs pour se sucrer sans gêne, au vu et au su de tous. On criera à la persécution politique et à la chasse aux sorcières, le jour où de tels maires seraient poursuivis en Justice. On penserait se rappeler le souvenir des municipalités conquises dans les années 1980 en France par le Front national avant de mettre à genoux beaucoup d’entre elles.
Toutes ces fautes de gestion commises au niveau des municipalités donnent le tournis quand on s’imagine que beaucoup de cette race de nouveaux maires criaient à qui voulait l’entendre qu’ils veulent conquérir la présidence de la République. Que le ciel ait pitié de nos maigres ressources publiques pour ne jamais nous laisser vivre un tel cauchemar.
Par Serigne Saliou DIAGNE – saliou.diagne@lequotidien.sn