Ces saints musulmans venus d’Europe (suite et fin)

Cet Occident qu’il a tout le temps mis en garde contre lui-même. René Guénon eut une influence indélébile sur Mircea Eliade, Raymond Queneau et André Breton. Mais ses véritables «disciples» presque tous convertis au soufisme musulman et tous initiés à la science gnostique héritée des grands maîtres soufis de l’Orient, Sidi Abdoul Qadr Djeylani «Al Ghawss Samadani» le recours ultime, le grand Qutb pôle mystique Aboul Hassan Shazaly et le maître des maîtres Mohiédine Ibn Arabî Al Khatami… Ce dernier a inspiré l’école akbarienne de notre maître l’émir Abdel Kader d’Algérie qui a écrit Le livre de Haltes que tous les aspirants devront lire, et les autres dont Moustapha Abdel Aziz Michel Valsan le Roumain qui comme Abdel Kader bénéficia d’une expérience personnelle et unique de lien intérieur avec le Cheikh Al Akbar Ibn Arabî. Dans un recueil regroupant une partie de ses articles intitulé L’islam et la fonction de René Guénon (Editions de l’Œuvre, Paris, 1984), ses principales idées sont exposées.
Sur ce plan, René Guénon a raison de dire que cette vérité ignorée par cet Occident coupé de ses liens orientaux est transmissible, non par les modalités connues et fabriquées par l’esprit occidental, mais d’une transmission directe et interne. L’initiation traditionnelle c’est comme remplir une bouteille vide, c’est à force d’oraisons, en venir à la charge ultime qui nous révèle à nous-mêmes et répond à la question «qui sommes-nous ?».
Victor Hugo cet initié n’a-t-il pas dit : «Je m’ignore, je suis pour moi-même voilé, Dieu seul sait qui je suis et comment je me nomme.» (Nous reviendrons sur le cas Victor Hugo). Le cheminement est une multitude de dévoilements à l’issue duquel l’aspirant connaît son véritable nom, son moi mystique. La présence répétitive de l’esprit de Abdel Qadir Djeylani au moment de la mort de Michel Valsan est une expérience miraculeuse, une forme de «théophanie incantatoire». Quant au maître suisse, fondateur la tariqa Maryamiyyah Frithjof Schuon Alias Isâ Nûr ad-Dîn, ce grand mouqaddam a grandement influencé Michel Valsan. Né le 18 juin 1907 à Bâle et mort le 5 mai 1998 à Bloomington (Indiana), Frithjof Schuon s’est inspiré de René Guénon dans sa quête métaphysique. Dès sa prime jeunesse, ce petit génie, enfant précoce, a très tôt «senti» la vocation spirituelle. L’initiation était nécessaire pour lui. Il voulut se rendre en Inde, mais c’est vers l’Algérie que son âme se dirigea. Il s’initia à la tarîqa Shazaly auprès de Ahmed Al Alawi. Il a dès lors compris qu’il faut un maître, mais un maître authentique. A l’issue de sa tarbiya (éducation de l’âme), le Cheikh Alawi lui remis la idjaza (Certificat) en ces termes : «… Je l’ai autorisé à répandre l’exhortation islamique chez les hommes de son Peuple, parmi les Européens, en transmettant la parole du tawhîd…»
Le juif devenu soufi musulman Léo Chaya prit le nom S. Abdul Quddus. Ce grand ascète est un ami et correspondant de Frithjof Schuon. Il adhéra à la tariqa fondée par ce dernier. Il aborda le soufisme sous l’angle du traditionalisme. Son appartenance à l’école pérennialiste inspirée de René Guénon est connue de tous, elle est devenue même une pièce d’identité. L’âme est appelée à l’initiation aux vérités traditionnelles et immémoriales qui ont fondé la création du monde. Ce n’est pas un vulgaire retour aux sources, mais un retour à soi, un retour à Dieu. Ce n’est pas pour rien qu’il a écrit : «La création en Dieu : à la lumière du judai͏̈sme, du christianisme et de l’islam.»
Enfin, le grand «Marabout» anglais Martin Lings (Abu Bakr Siraj Ad-Din), ce saint homme au visage rayonnant, à l’habit oriental, à la barbe fournie. Inspiré toujours par René Guénon, cet éminent Professeur et intellectuel anglais se rendit au Caire et se convertit à l’islam soufi. Sa biographie du prophète Mohamed (Psl), publiée en 1983, est une référence mondiale. Sa thèse de doctorat sur le soufi algérien Ahmad al-Alawi est aujourd’hui incontournable. Tous ces preux chevaliers venus du froid, harnachés de science gnostique, sont tous des esprits supérieurs qui ont sauvé tant d’âmes. Paix et bénédiction sur eux !