«L’intégrité engendre la crédibilité.» Wayne CHENG
Ils ne s’arrêteront pas, même s’ils savent que leur discours est devenu inaudible. La démocratie est un projet inachevé, donc à parfaire en tout temps et en tout lieu. C’est un processus fragile, qui demande l’apport de tous les citoyens sans exception dans sa construction.
Les auteurs de l’article «Le temps du désenchantement dé­mocratique», paru dans «Sud Quotidien» du lundi 14 août 2023, semblent porter des œillères. En lisant l’article, on a l’impression que c’est l’un d’entre ces universitaires qui en a été l’initiateur, pour ensuite embarquer ses autres collègues. Nulle part dans l’article, il n’y a des propos contradictoires, voire nuancés, pour s’éloigner de la quintessence du sujet. L’organisation d’un Etat, la vie en société dans une Nation tournent autour d’un contrat social, avec des règles bien définies et acceptées par tout le monde, ceux qui sont d’accord, comme ceux qui sont contre, dès lors que ce contrat social a été acté par voie référendaire et approuvé par la majorité des votants. Pour revenir à l’article «Le temps du désenchantement démocratique», les au­teurs se sont-ils posé la question de savoir : pourquoi toutes ces arrestations dont ils parlent ?
En tant qu’universitaires, ont-ils condamné l’incendie d’une partie de l’Université de Dakar ? Le lieu où plusieurs d’entre eux ont fait leurs humanités et continuent d’y transmettre le savoir à la nouvelle génération. Ont-ils dénoncé les appels à l’insurrection, avec son cortège de violence ? Ont-ils dénoncé les assassinats perpétrés sur d’honnêtes citoyens dans les bus «Tata» en y jetant des cocktails Molotov ? Qu’ont-ils dit lorsque des installations hydrauliques et électriques stratégiques ont été attaquées ?
Les auteurs de l’article souhaitent-ils que l’Etat ferme les yeux et croise les bras face à des actes terroristes bien planifiés ? Certainement que non, en croyant à leur patriotisme et à leur sens de la responsabilité. Le rôle régalien principal de l’Etat, c’est la sauvegarde de l’ordre public, la quiétude des citoyens et la protection de leurs biens. En démocratie, les manifestations sont un droit, dans le cadre des lois et règlements édictés par notre contrat social dont l’ossature est la constitution. Quiconque enfreint les lois ou porte atteinte à la vie d’honnêtes citoyens doit être arrêté, jugé et subir les rigueurs de la loi.
Même si on en convient, parmi les personnes arrêtées, certaines peuvent compter sur la magnanimité et la longanimité de l’autorité pour leur élargissement. Ceux qui sont arrêtés pour des délits d’opinion (même outrageux) peuvent et doivent être libérés pour apaiser le climat politique. Pour les autres détenus, ils sont de droit commun pour des faits très graves et doivent répondre devant la Justice.
L’universitaire a une liberté de parole, il peut et doit dénoncer des dérives autoritaires, s’il y en a. Cependant, son rôle premier est la transmission du savoir, même en dehors des amphis, autrement dit le Service à la communauté (Sac). Les auteurs de l’article auraient dû, dès le début, dénoncer les appels à l’insurrection, les propos ethnicistes, les incendies et attentats terroristes. S’ils avaient agi ainsi, leur appel serait toujours audible, mais enfin ! Comme dit l’adage, «la raison est hélène, l’émotion est nègre». Nous tombons très vite sous l’effet de l’émotion dans nos discours et nos actes, sans prendre le recul nécessaire avant l’action. En lisant l’article, on sent beaucoup plus de subjectivisme que d’objectivisme. Alors que ce n’est ni le rôle ni le comportement de l’universitaire.
Au demeurant, seraient-ils heureux si l’insurrection avait réussi, avec le départ du président de la République démocratiquement élu ? Nous ne voulons pas remettre en cause l’intégrité de ces universitaires auteurs de l’article. Ils sont connus et reconnus, cependant, ils doivent enlever leurs œillères pour prendre position en toute impartialité, en faisant preuve d’objectivité dans l’intérêt de la collectivité. Ce n’est pas parce qu’il est bardé de diplômes que l’universitaire doit adopter une posture condescendante envers les autres, particulièrement l’autorité. Le savoir (pour le sachant et le savant) se mesure à l’aune de l’humilité. Heureusement, les universités publiques comme privées essaiment à travers le pays. Aujourd’hui, il y a beaucoup plus d’universitaires qui certainement n’ont pas les mêmes points de vue que les auteurs de l’article «Le temps du désenchantement démocratique».
Evitons de suivre la clameur de la foule, la foule n’est pas le peuple.
«Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent.»

Serigne Ousmane BEYE
Secrétaire national chargé des études et de la prospective du Parti Socialiste
Professeur d’économie
Chevalier de l’Ordre National du Lion
beyeouse@live.fr