Il nourrissait l’espoir de devenir un grand lutteur. Maintenant, Badara Ndiaye, 31 ans dont 7 ans en détention préventive, lutte pour échapper à une condamnation à 20 ans de travaux forcés si le juge de la Chambre criminelle suit le réquisitoire de l’avocat général. Jugé pour association de malfaiteurs, vol commis en réunion la nuit et ayant entraîné la mort, il sera édifié sur son sort le 19 février prochain.
Né en 1988, Badara Ndiaye n’avait que 24 ans au moment des faits. Jugé hier pour association de malfaiteurs, vol commis en réunion la nuit et ayant entraîné la mort, le bonhomme lutte pour échapper à une condamnation à 20 ans de travaux forcés. Alors qu’il a longtemps rêvé de devenir une terreur des arènes, il en est une dans la rue publique en s’en prenant à des citoyens. Les faits, objet de sa comparution devant la Chambre criminelle hier, ont eu lieu le 18 avril 2012. Les éléments de la police avaient été informés de la découverte d’un corps sans vie à Pikine rue 10. Après un transport sur les lieux, il a été porté à leur connaissance que le cambriolage des boutiques de Ibrahima Fall et de Amadou Barry avait mal tourné avec la mort d’une dame.
Entendu, le propriétaire d’une des boutiques a déclaré avoir perdu un lot de cartes de crédit. Saisie par la police, la Sonatel réussit à localiser un appel émis par M. Louis Nuñez, alias Loulou. C’est sur ces entrefaites que ce dernier a été interpellé par la police. Soumis à un interrogatoire, il a laissé entendre que c’est le nommé Badara Ndiaye qui l’a appelé sur son téléphone. Et pour l’alpaguer, les limiers ont demandé à Louis Nuñez de l’appeler pour l’inviter à venir chez lui.
250 cartes de crédit trouvées chez l’accusé
Mais comme il ne se doutait de rien, le jeune lutteur est venu tranquillement répondre à l’appel de son ami. C’est dans ces circonstances qu’il a été arrêté. Avant de l’interroger, les policiers lui ont d’abord conduit chez lui. La perquisition de sa chambre a permis de trouver différents matériels dont une hache, des sachets de lait et d’autres denrées, et 250 cartes de crédit.
Interpellé, Badara Ndiaye a déclaré devant les enquêteurs que la nuit où le vol et le drame ont eu lieu, il s’était rendu au domicile de Louis Nuñez afin qu’ils aillent commettre un vol. Et une fois sur les lieux, la mère de Loulou lui a dit que son fils s’était endormi. Seul, il a décidé d’aller commettre le cambriolage. Selon toujours ses déclarations devant les policiers, à sa sortie de la boutique, après avoir commis son forfait, il a croisé une dame qui s’est ruée sur lui. Et comme il la prenait pour quelqu’un qui habitait l’immeuble, il l’a assommée avec la hache qu’il détenait pour s’échapper. Entendu à son tour, Louis Nuñez a confirmé la visite chez lui de Badara Ndiaye qui avait juste 23 ans au moment des faits. En plus, il avait aussi remis un téléphone qui serait issu du vol à Assane Diallo.
Interrogé à propos de cet appareil, il a dit qu’il l’a reçu de Badara Ndiaye, mais il ne savait pas qu’il était d’origine illicite. Malgré ses aveux à l’enquête, Badara Ndiaye a complétement retourné sa veste devant le magistrat-instructeur. Des dénégations qu’il a réitérées devant la Chambre criminelle où il comparaissait pour association de malfaiteurs, vol en réunion commis la nuit et ayant entraîné la mort. «Je n’ai jamais volé. J’ai un permis de conduire et en plus j’élève des moutons chez moi. Je suis à l’abri du besoin. Je vis chez mon père et je n’ai aucune responsabilité. Je ne suis pas un voleur et je ne m’accompagne pas avec un voleur. Je suis un lutteur», a-t-il tenté de se défendre.
En revanche, il a reconnu la propriété des 2 téléphones portables qu’il dit avoir acquis au marché noir de Thiaroye à 23 mille francs, avant d’en offrir un à son ami Assane Diallo. Quid des cartes de crédit ? «J’en avais 4 cartes obtenues au marché de Thiaroye dans le but de faire un abonnement», dit-il. A l’enquête, il avait reconnu que ces cartes provenaient d’un cambriolage commis à Pikine Nimzatt. Selon la partie civile Ibrahima Fall, l’accusé avait l’habitude de fréquenter sa boutique. Il y venait suivre, dit-il, en compagnie de son fils, l’émission Bamtaba. «Il était souvent encagoulé, mais mon fils l’a reconnu parce qu’ils s’entraînent dans la même salle», révèle-t-il. Sa «mauvaise foi» a irrité le Parquet. «Si tu avais reconnu les faits en avouant que c’était une erreur de jeunesse et que pendant tout ce temps que tu es en prison tu as pris conscience de ton acte et que tu le regrettes, on t’aurait compris et faire preuve de compréhension à ton endroit», a dit le procureur qui a requis 20 ans de travaux forcés et la même peine contre Louis Nuñez et Assane Diallo qui sont en fuite. Il a demandé qu’un mandat d’arrêt leur soit décerné.
En écho, selon Me Sène, avocat de la défense, il y a des zones d’ombre et des incertitudes sur la mort de la dame. «Elle a été retrouvée morte dans le couloir, ses habits trouvés dans un véhicule en panne dans un garage», dit-il en plaidant l’acquittement. L’affaire sera vidée le 19 février prochain.
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