CHEDS – Insécurité en Afrique de l’Ouest : Notes de lecture
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Après 10 ans d’existence, le Centre des hautes études de défense et de sécurité (Cheds) a formé des générations d’étudiants, réfléchi sur les enjeux sécuritaires, notamment au niveau de la sous-région déchirée par la percée djihadiste et la criminalité transfrontalière. Par Justin GOMIS –
Le Centre des hautes études de défense et de sécurité (Cheds) célèbre ses 10 ans d’existence. Une occasion choisie pour porter la réflexion sur l’effectivité de la sécurité collective en Afrique de l’Ouest autour du thème : «Enjeux et défis pour une sécurité collective, effective en Afrique de l’Ouest : quelles solutions ?» Au regard de la question sécuritaire qui se pose avec acuité en Afrique de l’Ouest, opportunité ne pouvait être plus belle pour voir comment susciter des efforts de coopération, des consensus, des convergences de vues et d’actions, afin d’ériger la sécurité des Etats de l’Afrique de l’Ouest en un facteur d’intégration. «Face aux turbulences polymorphes qui fragilisent nos Etats, il nous a semblé opportun de convier des ressortissants de cette partie occidentale de notre continent, ainsi que des représentants des partenaires institutionnels du Cheds, à réfléchir sur le devenir de notre espace sous-régional, plus précisément sur les tenants et les aboutissants de la sécurité collective en Afrique de l’Ouest», a indiqué Jean Diémé, le directeur du Cheds. Mais «comment éviter que les susceptibilités nationales l’emportent sur la logique d’une politique sous-régionale de la sécurité ?» et «comment chercher à faire prospérer un commun entendement sécuritaire de notre communauté de destin», s’est demandé Jean Diémé. Selon lui, «ces questionnements butent sur des réalités de type centrifuge, synonymes d’un défaut de compréhension commune des défis et enjeux sécuritaires, susceptibles de mobiliser les uns et les autres dans un élan de solidarité dont la portée dépasserait la simple nécessité d’assurer la survie d’Etats aux préoccupations nationales souvent aussi étriquées que les superficies aux frontières poreuses dont ils se targuent d’assurer l’intégrité». A l’en croire, il serait nécessaire de déterminer, en termes de menaces, une volonté commune qui permettrait «d’inciter les Etats concernés à élaborer une union sacrée pour y faire front», si l’on sait que «la sous-région ouest-africaine est en butte à différentes sources d’instabilité». Il en veut pour preuve «les injonctions des sociétés financières internationales caractérisées par des remèdes plus déstabilisants que les maux auxquels ils sont censés s’attaquer, la pauvreté, le famine, les guerres civiles, les conflits ethniques ou identitaires, les insurrections, les divers trafics illicites, la piraterie maritime, la criminalité transnationale organisée et l’extrémisme violent».
A cela, s’ajoutent «les manifestations de ce qui relèverait des «guerres vertes», «guerres climatiques» ou «conflits de la rareté» (compétitions pour les terres arables, raréfaction des ressources agricoles et hydriques, répercussions des changements climatiques, dégradations écologiques».
Mais de l’avis du directeur du Cheds, ce n’est pas la volonté qui fait défaut, mais plutôt «le foisonnement d’organisations sous-régionales qui, en l’espèce, devient synonyme d’inertie». D’ailleurs, il ne s’explique pas «qu’avec une si grande richesse institutionnelle et normative, les objectifs proclamés par ces organisations sous-régionales tardent à se réaliser et les résultats escomptés à se concrétiser». Pourtant, le Général Jean Diémé n’en demeure pas moins convaincu que «les formes d’intégration économique et institutionnelle des Etats seraient porteuses d’un sens commun, capable d’entraîner le développement et d’apporter la paix», en ce sens que les dirigeants de l’espace ouest-africain ont créé plusieurs organisations internationales qu’il a listées. «Malheureusement, certains Etats ou communautés de notre sous-région, fragilisés par des menaces émanant de l’extérieur ou rongés par des querelles intestines, frôlent la désintégration tant redoutée, malgré l’abondance d’institutions censées les prémunir d’une telle fatalité», se désole-t-il.
Enjeux sécuritaires multiformes en Afrique de l’Ouest
A son avis, «ces institutions auraient dû constituer, à travers leurs champs d’intervention, des vecteurs efficaces de la paix et de la sécurité, en rendant effective l’acception de la sécurité en tant que concept multidimensionnel et non plus exclusivement militaire et stato-centré». Revenant sur le Cheds, Me Sidiki Kaba soutient que «c’est un important outil en matière d’analyse et de formation sur des questions liées à la défense, à la géopolitique, aux relations internationales, à la sécurité et à la paix». Et pour le ministre des Forces armées, le thème choisi pour la circonstance «cadre à souhait avec le contexte géostratégique actuel, et permet de dresser un bilan de l’effectivité des mécanismes de paix et de sécurité collective en Afrique de l’Ouest, au regard des défis contemporains», qui interpelle chacun. «Comment ne pas se sentir concerné dans cette Afrique de l’Ouest confrontée à des enjeux sécuritaires multiformes, dans un contexte de bouleversements géopolitiques majeurs», dit-il. En fait, pour le ministre, la situation sécuritaire très préoccupante en Afrique de l’Ouest est «marquée par l’exacerbation des conflits intra étatiques, ethniques, religieux, la montée en puissance du terrorisme, les coups d’Etat, défis de sécurité, de stabilité, de consolidation des institutions et de promotion de la démocratie».
justin@lequotidien.sn