Cheikh Diop, Sg Cnts/Fc : «Attaquer une station-service avec du feu, il n’y a pas plus grave que cela»
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A Dakar, à chaque fois qu’il y a manifestation, les stations-service sont pillées, saccagées puis brûlées, et les travailleurs envoyés au chômage pendant plusieurs jours. C’est devenu presque une règle. Un fléau. Le Secrétaire général de la Cnts/Fc, Cheikh Diop, estime qu’il faut remettre de l’ordre dans tout cela. Pour lui, il n’y a pas plus grave et dangereux que d’attaquer une station-service avec du feu.Par Ousmane SOW –
Il y a toujours deux vérités qui s’opposent. «Manifester est un droit. Mais, le droit de manifester ne prime pas sur le droit de travail. Or, les saccages qu’ils font nous privent de notre droit de travailler, aussi bien au niveau des stations-service que des magasins», affirme le Secrétaire général de la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal/Forces du changement (Cnts/Fc) à laquelle est affilié le Syndicat des pétroliers.
Evidemment, les dégâts engendrés par les manifestations sont certes nombreux, mais les stations-service ont payé un lourd tribut lors des émeutes de mars 2021 et juin 2023. «Disons que c’est une situation déplorable. Au niveau des stations Total tout comme les autres commerces identifiés marque française, à chaque manifestation, nous travailleurs, on se rend compte qu’il y a de bons prétextes pour envoyer les uns et les autres en chômage technique», déplore Cheikh Diop. Secrétaire général de la Cnts/Fc, il pense que le moment est venu pour l’Etat du Sénégal de réfléchir pour que les manifestations se fassent de façon démocratique. «On constate qu’à chaque fois que des manifestants pillent les stations-service et certains magasins, ils portent préjudice aux travailleurs qui y sont. Et ce sont des centaines. Ils envoient au chômage des pères et mères de famille pendant plusieurs jours ou mois. Ceci est devenu un fléau. Et je pense que nous devons réfléchir pour que les manifestations se fassent de façon démocratique», a-t-il soutenu. D’après Cheikh Diop, tout comme l’Etat a pris des décisions pour accompagner le Collectif des travailleurs de l’Association de financement des professionnels du transport urbain (Aftu), qui exploite des bus «Tata», il souhaite qu’il en fasse de même pour les stations-service qui ont été saccagées. Pour lui, l’Etat doit accompagner les gérants afin que le secteur reprenne sa croissance. Le leader de la Cnts-Fc est en phase avec ceux qui pensent qu’il faut privilégier la préférence nationale. «Oui, nous devons privilégier la préférence nationale, mais «France Dégage» tout de suite et maintenant, je pense que ce n’est pas ce qu’il faut. Nous devons emprunter une procédure qui puisse nous permettre de remplacer les intérêts étrangers, pas seulement de la France, pour que les Sénégalais et Africains en général s’engagent résolument dans la transformation de notre continent et de notre pays», a expliqué Cheikh Diop. Et de poursuivre : «France Dégage tout de suite et maintenant, ça pourrait être une erreur et ça peut porter préjudice au processus d’implantation de l’intérêt national en remplaçant progressivement les intérêts étrangers. Je pense que c’est un processus qui obéit à des séquences tout à fait élaborées pour y arriver.»
D’après Cheikh Diop, ceux qui attaquent les stations-service, notamment Total, ignorent qu’il y a beaucoup d’intérêts nationaux, des patriotes qui ont pris des actions à Total Sénégal. Des Sénégalais qui mettent plusieurs millions pour louer l’espace à Total Sénégal, qui mettent leur argent, quelques fois des centaines de millions même au niveau des boutiques et du stock carburant, et d’autres ventes diverses. «Mais, j’ai l’impression qu’ils ne sont pas conscients de cet état de fait, que ce sont des Sénégalais comme eux, qu’ils sont en train de détruire leur investissement. En plus de cela, il y a aussi des stations-service qui emploient près d’une vingtaine des travailleurs», fait-il savoir.
«L’économie souffre de cette façon de manifester»
Le Secrétaire général de la Cnts/Fc signale que l’explosion d’une station d’essence provoquerait une catastrophe. «Ils n’imaginent pas ce que ça pourrait causer comme dégâts. Attaquer une station-service avec du feu, il n’y a pas plus grave que cela», a-t-il averti. Estimant que du point de vue sécuritaire, les manifestants devraient épargner les stations-service et même tous les biens d’autrui. «Je pense qu’une manifestation politique ne doit pas servir de prétexte pour mettre le feu à une station-service. Il faut que les partis politiques rouvrent les écoles. L’école du parti au temps enseignait tout pour que le citoyen, le militant politique connaisse ses droits, ses devoirs, mais également soit doté d’un sens élevé du patriotisme», a-t-il préconisé. Toutefois, il estime qu’en dehors même des stations-service, le commerce informel en souffre plus que tout le monde. Non seulement, dit-il, il y a des arrêts de travail, mais il y a aussi des mobiliers cassés. «L’économie souffre énormément de cette façon de faire, d’appliquer un droit de manifester politique. Je crois que cette façon de faire, il faut évidemment qu’on le revoie», a conclu Cheikh Diop.