Après la suppression du parrainage aux élections locales, la majorité présidentielle mise sur la caution pour réduire le nombre de listes. Cheikh Sarr, un des plénipotentiaires de Bby au dialogue politique, explique le procédé pour faire barrage à la prolifération des listes. Dans cet entretien, M. Sarr souligne les difficultés techniques pour l’organisation des Locales au plus tard le 28 mars 2021.

Pourquoi la majorité accepte la suppression du parrainage aux élections locales ?
Nous avons relancé les travaux de la Commission politique du Dialogue national la semaine dernière. Nous avons abouti à des consensus très forts avec la suppression du parrainage aux élections locales. Nous avons décidé de faire l’évaluation du processus électoral. Nous discuterons du parrainage à la prochaine Présidentielle. Mais pour les élections locales, considérant les difficultés qu’il peut y avoir dans la mise en œuvre du parrainage, on l’a supprimé. Je considère que les élections locales sont les plus difficiles à organiser parce que concernant plus de monde. Nous avons considéré qu’il y a deux filtres, à savoir le parrainage et la caution. Donc, il fallait faire sauter le parrainage et laisser la caution pour éviter de revivre la situation de 2014 avec plus de 2700 listes. Un tel scénario ne clarifie pas la réalité politique du pays. Des gens qui ne sont même pas habilités, s’étaient présentés à l’époque. Lorsque certaines mesures comme la caution sont prises, cela va favoriser des coalitions.

Vous parlez d’élections les plus difficiles à organiser et vous supprimez le parrainage. N’y a-t-il pas une contradiction ?
Non, l’alternative que nous avons aujourd’hui, c’est la caution qui n’existait pas en 2014 ni le parrainage. Il fallait déposer sa liste et c’est terminé. Ce filtre que constitue la caution, à mon sens, va réduire les listes et, donc, faciliter les regroupements. Il faudra aller vers cela. Si dans une localité on doit avoir 10 listes, si on met une caution, ça réduit le nombre. Tous ceux qui veulent servir leur localité se regrouperont dans une liste. Cela va favoriser les grands ensembles, les grandes coalitions. La caution nous permet d’avoir 3, voire 4 coalitions fortes dans une commune. Chacune d’elles va proposer son programme de société pour la collectivité. Nous pensons que c’est plus crédible que l’existence de beaucoup de listes. La caution va décourager les candidatures fantaisistes.

Mais la question relative à la caution n’est pas encore tranchée par les acteurs au dialogue politique…
Ce n’est pas encore tranché. Vous savez, on était dans le processus d’organisation des élections locales pour le 1er décembre 2019. Une caution a été fixée. Le Code électoral dit que 150 jours avant la date des élections, le ministre de l’Inté­rieur consulte les partis politiques et fait un arrêté pour fixer la caution. Cela a été fait et on avait retenu en ce mo­ment là d’avoir une caution de 10 millions pour toutes les listes qui participent aux élections communales et 10 mil­lions pour les départementales. Je ne sais pas maintenant ce qui sera acté au sein du dialogue.

10 millions, vous pensez que c’est suffisant pour réduire le nombre de listes ?
Oui, oui…

La Présidentielle nous a montré que la hausse de la caution n’est pas synonyme de réduction du nombre de candidats…
L’élection présidentielle concerne plus de personnalités d’envergure nationale. On a vu en 2014 des associations de quartier se présenter et considérant qu’elles ont le droit de prendre les mairies. L’élection présidentielle, ce sont des candidats sérieux qui ont démontré leurs compétences, leur vécu, etc. La nature des élections n’est pas la même. Au niveau des élections locales, il y a plus de candidats. Naturelle­ment, il n’y a pas de garantie de la compétence. Je suis sûr que certains ne mettront pas 10 millions pour aller à ces élections locales où, en dehors du maire et ses adjoints qui ont des indemnités, c’est du bénévolat pour le reste des conseillers.

En 2012, la caution était de 65 millions et pourtant il y a eu 14 candidats…
Oui, mais les élections sont différentes.

Est-il pertinent de supprimer ce parrainage pour des élections qui nécessitent beaucoup plus de candidatures qu’une Présidentielle ?
On a la caution. Ceux qui se présentent pour une élection présidentielle n’ont rien à avoir avec une candidature pour des élections locales.

Pourtant lors de la Prési­dentielle, on voit des candidatures fantaisistes…
Pour les communes, il y a 10 000 ou 20 000 électeurs pour le candidat. Les candidats à la Présidentielle ont une stature nationale. Dans les communes, on voit des groupes qui constituent des listes en se disant qu’ils doivent prendre la mairie sans pour autant se préparer à l’exercice de gestion du pouvoir local. Nous pensons que ces listes ne se présenteront pas lorsqu’on leur demandera de donner 10 millions sans rien gagner en contrepartie. Nous pensons que c’est un filtre qui peut réduire le nombre de candidats.

Techniquement est-il possible d’organiser les élections au plus tard le 28 mars ?
Il est difficile de répondre à cette question tout de suite parce que nous sommes en train de travailler au niveau de la Commission politique. L’une des activités phare sera l’audit du fichier électoral de l’évaluation du processus électoral. L’opposition a dit dès le départ que si ces conditions ne sont pas respectées, elle ne participera pas aux Locales. Il faut attendre donc que l’audit se fasse. Avant l’arrêt des travaux au mois de mars, nous avions validé les documents de référence pour le recrutement des experts indépendants qui vont réaliser l’audit. Maintenant, il faut revoir cela. Le travail devrait durer entre 2 et 4 mois pour l’évaluation du processus électoral. Il faut regarder le parrainage, la caution et tout ce qui s’est passé de 2016 à 2019. Tant que nous n’aurons pas réglé ces questions, on ne pourra pas parler de date. Si on a le fichier, ce n’est pas fini. Il faudra faire une révision exceptionnelle pour que les jeunes en âge de voter puissent s’inscrire et que ceux qui veulent changer leur adresse électorale le fassent. Dans le Code électoral, il y a la phase inscription, de confection d’une première liste, de con­ten­tieux pour ceux qui verront leur nom… Ils auront la possibilité de faire un recours, et il y a un temps pour ces étapes.

Suivant votre raisonnement, on s’achemine vers un report ?
Je vous parle de technique. Ce que je dis ne relève pas de la divination, ce sont des faits. Lorsqu’on va avoir le fichier électoral, il faudra le stabiliser. Nous n’avons pas encore démarré l’audit ni l’évaluation. Si nous juxtaposons les différentes opérations électorales, il y a des risques que la date du 28 mars 2021 ne soit pas respectée. Je ne suis pas en train de faire des considérations politiques mais techniques.

La majorité est-elle pour le report ?
Au contraire, nous sommes pour le respect du calendrier républicain. Evidemment, nous maîtrisons le processus avec les différentes opérations. Nous prendrons une décision de façon consensuelle avec la classe politique et la Société civile. S’il doit y avoir un autre report ou la tenue des élections au mois de mars, la commission politique va en décider.

Qu’allez-vous faire des autres questions non encore étudiées ?
On a validé le rapport d’étape pour le président de la République. Mais on va continuer notre agenda. On va traiter la question de la vacance du maire, du cumul de fonctions président de la République et chef de parti, des organes qui doivent organiser les élections, de la question de l’opposition et de son chef, de la rationalisation des partis politiques, etc. On fait du fast-track. On n’arrête pas le 31 août qui était la date butoir fixée par le président de la République pour recevoir le rapport spécial. C’est la confusion que les gens font. Ce délai est réglé, on va continuer le travail. Cependant, il faut savoir terminer parce qu’on travaille depuis longtemps. Si on termine cette semaine, je pense qu’on aura besoin d’une semaine supplémentaire et ce sera fini. On devrait normalement terminer la semaine prochaine.