«Sanction divine» pour Abdoul Mbaye, «déception totale» de Khalifa Sall et Me El Hadji Diouf qui «n’est pas un bon député»… Lorsque Cheikh parle, c’est pour lancer des tirs Seck envers l’«opposition des médias». Le député maire socialiste invite, dans cet entretien, Khalifa Sall, Barth’, Bamba Fall, Me Aïssata Tall Sall et autres à créer leur propre parti. «On va les chasser s’ils se présentent dans nos réunions», prévient-il. Ce lieutenant de Tanor demande cependant à la majorité de mettre des «hommes de valeur» dans le Bureau de l’Assemblée nationale à la dimension de la nouvelle opposition parlementaire.

Quelle lecture faites-vous des résultats des élections législatives ?
Les élections législatives se sont déroulées normalement sur au moins 98% des localités. Les quelques petits détails qu’on a constatés, ce sont des couacs dans l’organisation avec des bureaux de vote qui ont démarré un peu tardivement. Ce n’est pas nouveau. Mais il faut le regretter car l’idéal est que tous les bureaux démarrent en même temps. Les Sénégalais ont voté et consacré la victoire éclatante de Benno bokk yaakaar. Ce n’est pas surprenant parce que toutes les projections nous donnaient 45 départements gagnés. Au finish, on se retrouve avec 42 départements. Nous en avons perdu 2 et il y a un département qui est en suspens, celui de Mbacké. Ces élections ont été minutieusement préparées par notre coalition. Ce qui a facilité notre victoire, ce sont les réalisations du gouvernement. Le président de la République ne s’est pas trompé en choisissant le chef du gouvernement pour défendre son bilan. Il faut aussi féliciter les ministres Papa Abdoulaye Seck et Aminata Mbengue Ndiaye qui font un excellent travail. Les paysans et les pasteurs ont massivement voté pour Benno bokk yaakaar en plus des programmes comme le Pudc, le Promovilles et autres.
Finalement la cohabitation n’a pas eu lieu…
Elle ne pouvait pas avoir lieu parce que nous avons une opposition de médias et qui ne fait pas le terrain. Ce ne sont pas les médias qui font gagner. N’eut été la venue de Me Wade, ils n’auraient pas le quart de ce qu’ils ont. Autant il a boosté sa coalition, autant il a aidé les autres listes de l’opposition. La plus grande déception devrait venir de Manko taxawu senegaal parce que Khalifa Sall croyait avoir une certaine aura dans ce pays, ce n’est pas le cas. A l’arrivée, la déception est totale. C’est regrettable parce qu’il aurait pu rester dans son parti et se retrouver avec au minimum 5 députés. Mais aujourd’hui, il est le seul député de son camp. Encore qu’on se demande s’il va siéger ? La Justice va trancher et nous souhaitons sa sortie pour qu’il puisse remplir sa fonction de parlementaire. Cette rébellion au sein du Ps ne lui a pas servi grand-chose.
Aujourd’hui, quel est l’avenir de Khalifa, Barthé­lemy Dias, Bamba Fall, Me Aïssata Tall Sall et Cie au sein du Ps ?
Ils ne sont plus du parti et n’osent pas aller siéger à la Maison du parti. Le Ps avait dit que tout militant qui se serait mis sur une liste différente de Benno bokk yaakaar, s’est auto exclu du parti. Malgré tout, Khalifa Sall et sa bande, les Aïssata et autres se sont rebellés. Nous ne les considérons plus comme membres du parti.
Mais pourquoi le parti ne prend pas ses responsabilités en les excluant ?
Nous ne voulons pas créer de victimes. Il faut que Khalifa et les autres soient responsables. Ils ne sont pas cohérents parce qu’on ne peut pas appartenir à un parti et ne pas respecter ses décisions. On peut bien les exclure mais ce n’est pas nécessaire. Khalifa Sall, Aïssata et les autres ne viendront plus à nos réunions. Ils n’osent pas. S’ils viennent, on va les chasser.
Le score de Benno bokk yaakaar tourne autour de 49,5%. N’est-ce pas inquiétant pour le Président Macky Sall à moins de 2 ans de la Présidentielle ?
Non. Sur le pourcentage qui n’a pas voté, je suis persuadé que nous comptabilisons le maximum. Pourquoi l’opposition veut le comptabiliser pour son compte. Il n’y a pas d’alerte. Je ne vois pas une opposition capable de tenir tête à la machine Benno bokk yaakaar.
Un front constitué par Wade et le camp de Khalifa Sall s’engage pour le départ du Président Macky Sall en 2019…
Rien ne peut nous déranger. Nous prendrons toutes les décisions sans problème. Le débat sera bien animé à l’Assemblée nationale. Et là, j’interpelle ma coalition car, aussi bien dans le Bureau qu’à la tête des commissions, nous devons mettre des hommes capables de gérer cette nouvelle opposition. Ce ne sera pas facile. Wade ne peut pas nous déranger. Et cela ne me surprendrait pas que Khalifa accepte d’aller avec lui parce qu’il a toujours été à ses côtés. Khalifa Sall n’a pas participé au départ de Wade. Lors des évènements du 23 juin (2011), Khalifa Sall était en pèlerinage avec tout son cabinet à Fez, au Maroc. Il a toujours négocié avec Wade sur le dos du parti. Il n’a jamais soutenu le candidat Ousmane Tanor Dieng.
Vous craignez qui dans la nouvelle opposition parlementaire ?
Les travaux vont être difficiles à l’Assemblée nationale. On aura Ousmane Sonko, Mamadou Lamine Diallo, Mamadou Diop Decroix, Cheikh Bamba Dièye, Déthié Fall, Cheikh Tidiane Gadio, Abdoulaye Baldé, Mous­tapha Guirassy… Devant ces hommes de valeur, il nous faudra un vice-président qui soit à la hauteur, un président de commission qui connaît les dossiers et qui peut canaliser les débats.
Cela vous dit quoi de voir Wade comme chef de l’opposition ?
J’ai suivi Issa Sall du Pur. Il y a des éléments pertinents dans sa déclaration. Pur comptabilise plus de 155 mille voix alors que Khalifa comptabilise autour de 350 mille mais avec plusieurs partis. Cela pose problème. Donc, la revendication du Pur est à étudier.
Suite aux nombreuses défaillances dans l’organisation du scrutin, êtes-vous de ceux qui pensent que le ministre de l’Intérieur doit quitter le gouvernement ?
Ce n’est pas une question d’homme mais de système, qui demande des moyens matériels, humains et logistiques. Le ministre de l’Intérieur a organisé des élections avec zéro contestation. Je ne pense pas que sa personne doit être mise en jeu. Avec 47 listes, ce n’était pas facile.
Que pensez-vous des évènements de Touba avec le saccage de bureaux de vote ?
Pour moi, à Touba, il n’y a pas eu de vote. Plus de 200 bureaux de vote des quartiers bastions de Benno ont été saccagés. On ne peut pas valider 147 au détriment de 220. Je propose l’annulation du vote ou au moins sa reprise. Nous avons d’ailleurs introduit un recours en ce sens.
Une Assemble nationale où on ne verra pas des responsables politiques com­me Me El Hadji Diouf et Abdoul Mbaye…
Ce n’est pas surprenant. Abdoul Mbaye se donnait une importance qu’il n’a pas. Il a reçu une sanction divine. Nous nous sommes battus pour déguerpir le baobab Me Wade. Beaucoup de Sénégalais y ont perdu la vie ou leur motricité. J’en fais partie pour avoir eu 3 fractures dans le combat contre Wade. Abdoul Mbaye n’a pas participé à cette lutte et on en a fait un Premier ministre pendant 2 ans. Le Président le débarque, il se rebelle. Est-ce qu’il est né pour être Premier ministre ? En ce qui concerne Me El Hadji Diouf, ce n’est pas un bon député. Il ne fait pas de travaux de commissions. Il vient en plénière, s’inscrit en premier, fait son déballage, sort et donne un point de presse, puis s’en va. Ce député n’a jamais contribué à l’avancement de l’Assemblée nationale. Deuxiè­mement, il est toujours dans des dossiers judiciaires impopulaires. Hissein Habré, la Gambie en défendant le Président Jammeh. Je pense que les Sénégalais ont raison de sanctionner El Hadi Diouf.
Le fait de mettre en avant les réalisations du gouvernement ne donne-t-il pas raison à ceux qui qualifient cette 12ème Législature d’échec ?
Le rôle d’un député n’est pas seulement de proposer des lois. Une proposition de loi est une exception devant l’absence de projet de loi. Mais on n’est pas dans ce cas de figure. Les projets qui prennent en charge les préoccupations des populations viennent régulièrement du gouvernement. Lorsqu’on fait une proposition de loi à incidence financière, il faut concomitamment proposer les ressources qui la prendront en charge. Est-ce que le député est en mesure de proposer les recettes qui vont prendre en charge une proposition de loi ? Cette Législature est l’une des meilleures. On a mis en avant les actions du gouvernement parce qu’il fait des réalisations.
Mais on parle d’élections législatives et non présidentielle…
D’accord, mais le gouvernement s’appuie sur une majorité pour faire des réalisations.
On n’a pas également vu de commissions d’enquête parlementaire…
Les députés qui évoquent cela, qu’est-ce qui les empêchent d’en déposer ? Ils avaient les prérogatives pour le faire. Aujourd’hui ce sont eux qui tympanisent les Sénégalais sur l’absence de commissions d’enquête parlementaire. Il y a eu des commissions que j’ai bloquées en tant que président de la Commission de Développement et aménagement du territoire.
Ah bon ! Sur quels dossiers ?
Lorsque le ministre Oumar Guèye s’est séparé de Idrissa Seck, j’ai reçu une proposition d’enquête parlementaire sur l’assainissement.
De qui ?
C’étaient des députés de Rewmi actionnés par Idrissa Seck pour attaquer Oumar Guèye. J’ai compris qu’il y avait des relents politiques. Par conséquent, j’ai bloqué la procédure.
Ou parce que c’était pour protéger des responsables de votre coalition ?
Pas du tout ! On ne mène pas un combat politicien à l’As­semblée nationale. Il y a eu également une autre proposition d’enquête parlementaire sur les mines déposée par des députés de l’opposition. Elle n’a pas abouti. J’ai également reçu une proposition d’audition du Port autonome de Dakar.
L’audition de Cheikh Kanté ?
Exactement. Je me suis retrouvé en face de deux groupes de députés. Des pro-Dg du port et des anti-Dg du port. Pour ne pas se donner en spectacle à l’Assemblée nationale et éviter qu’il y ait des affrontements, j’ai gelé cette demande d’audition. C’était une requête de Mamadou Lamine Diallo qui avait déjà des problèmes personnels avec Cheikh Kanté.

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