Cheikh Yérim Seck : un bon client télé et un redoutable communicant !

Cheikh Yérim Seck a raison, ses sorties ne laissent personne indifférent. C’est un excellent client médiatique : dans un entretien, son intervieweur est à la limite remorqué par sa verve et son habilité à imposer ses thèmes, mais également la lecture qu’il fait du réel. Sa rhétorique et la voix charismatique qui la porte choquent les plus sceptiques. Mais, c’est peut-être là le voile qui nous empêche de voir au-delà des mots, les pensées profondes du journaliste.
Comparé à ce qu’on a l’habitude de voir dans certaines télés, Yérim est au-dessus de la mêlée. Mais, et c’est malheureux, j’ai la conviction que ses analyses restent prisonnières d’un désir, j’allais dire d’une mission, de communication. Ses extrapolations sur le vœu de Macky de ne pas faire moins que ses prédécesseurs sont un démenti de sa posture exprimée lors de la sortie de son dernier livre. Il avait assujetti la production du deuxième tome à la décision de Macky de faire ou de ne pas faire une troisième candidature. Or là, il vient affirmer que dès que Macky lui a fait part de sa décision, face à la Kaaba, de ne pas faire moins que les anciens présidents en matière d’approfondissement de la démocratie, il savait qu’il ne ferait pas une troisième candidature. (A leur place, j’aurais des pensées autres que politiques en ces lieux uniques) !
Il nous rétorquerait qu’il attendait une confirmation officielle de son intuition ou déduction, mais là ce serait un argument tiré par les cheveux, car un journaliste qui se définit comme analyste ou investigateur aurait une autre posture. S’il s’est retenu de faire une affirmation dans ce sens, c’est que sa motivation était moins journalistique que politique. Personne n’a jamais entendu CYS dire : «A l’état actuel de mes informations et de mes analyses, Macky Sall ne ferait pas une troisième candidature.» Une telle information ou analyse révélée par CYS, journaliste respecté et réputé proche de Macky Sall, aurait peut-être eu un impact à même d’infléchir certains événements tragiques. C’est vrai que ce n’était pas encore une information, mais un postulat, voire une prédiction plausible.
CYS propose également un gouvernement d’union nationale pour sortir de cette situation désastreuse : mais là également, on pourrait se demander si c’est vraiment une urgence ou une solution. Un tel gouvernement où siégeaient des politiques (excepté l’Apr) serait contreproductif pour la démocratie et constituerait une perche pour l’Apr afin de sauter le temps et de revenir au pouvoir. Si, en revanche, ce gouvernement d’union nationale devait inclure l’Apt, ce serait une belle messe de requiem pour la reddition des comptes. Un Pm technocrate et des politiques issus d’horizons divers, c’est beau en théorie, mais dans la pratique, sa réussite est problématique. La logique conseillerait plutôt un Pm politique, bénéficiant de la confiance sans ambivalence du Pr et des technocrates dans les ministères-clés pour un rebaising de nos finances, et de notre économie de façon plus générale.
Dans sa communication, CYS a évoqué Alioune Tine dont on connaît la posture à propos de l’éligibilité de Sonko. Or, si jamais une telle éligibilité devrait être acquise sur l’autel d’une compromission, devinez quel gain les autres parties prenantes pourraient en tirer. Les propos de CYS durant cette émission sont enchevêtrés comme une anagramme, mais dans le fond, il y a une trame immuable que la suite des évènements nous révélera. Ce qui est sûr, c’est que cette sortie précipitée n’est pas fortuite. Parlant du voyage «mystérieux» de Sonko par jet privé, il a ironisé en disant : non Sonko ne peut pas faire ça, ces méthodes de Karim Wade ! Sonko a effectivement toujours critiqué les choix et comportements dispendieux de nos dirigeants, mais il n’était pas le plus virulent (il n’en a d’ailleurs jamais parlé) à l’époque où ce scandale du jet privé de Karim a éclaté. Allez donc savoir quelle est la motivation de cette réminiscence sous forme de «concordisme» égalisateur !
La péroraison de cet entretien est absolument sublime du point de vue message ! CYS improvise un storytelling à la fois lyrique, pittoresque et mystique. Comme un prêtre délivrant une homélie, l’air grave, CYS fait un appel aux chancelleries et aux partenaires du Sénégal : il ne faut pas tourner le dos au Sénégal, continuez de croire à notre pays, à son génie national. Si seulement Diomaye pouvait nous faire un discours pareil !
Alassane K. KITANE

