Les élections législatives du 17 novembre prochain sont une occasion sérieuse pour qu’un débat entre candidats se tienne. Un débat entre têtes de liste aux élections législatives est essentiel pour permettre aux électeurs d’effectuer un choix raisonné. Un tel débat permettra à coup sûr de voir exposer des visions et des projets de société différents, il sera l’occasion également que nos politiques se confrontent par des arguments. Il est devenu ringard dans l’espace public sénégalais que nos hommes politiques s’affrontent par communiqués et conférences de presse interposés, s’ils ne se livrent pas à de vulgaires accusations mutuelles sur les réseaux sociaux. Les invectives, les procès d’intention et tous les chahuts doivent laisser place à des conversations entre adultes concourant à des suffrages pour identifier celui qui se décarcasse le mieux ou ayant la vision la plus cohérente avec les aspirations de la majorité.

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Nous soutenions, dans ces colonnes en mars dernier, qu’avec la Présidentielle, le Sénégal avait une opportunité inouïe d’élever le débat public. Avec une scène publique beaucoup trop «marquée par des querelles de borne-fontaine et des empoignades de chiffonniers», il était possible, sous la supervision du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra) et une collaboration sincère entre les médias, qu’un débat impartial se tienne.

A cette période, les contraintes évoquées ont pu être nombreuses, notamment les délais rapprochés du scrutin ou encore l’opposition manifeste de certains candidats à un tel exercice. Un débat ne se tiendra malheureusement pas, alors que pour les élections législatives de 2022, un débat avait pu opposer dans le département de Ziguinchor, les têtes de liste de Benno bokk yaakaar, Victorine Ndeye, et de Yewwi askan wi, Guy Marius Sagna. Il ne manque donc pas d’exemples pour qu’une confrontation raisonnée d’arguments et d’idées soit offerte aux Sénégalais.

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Avec ces élections législatives inédites qui s’annoncent avec de belles têtes d’affiche sur les listes nationales, en attendant leur confirmation par le Conseil constitutionnel, de Amadou Ba à Barthélemy Dias, en passant par Macky Sall, Ousmane Sonko ou Thierno Alassane Sall, l’occasion ne peut être ratée dans la construction du modèle démocratique sénégalais que le pas ne soit franchi cette fois. Il y a toute une marge de manœuvre pour qu’un débat sérieux ou plusieurs confrontations entre porteurs de projet pour le bien-être du Sénégal et de ses populations puissent se produire. De ces joutes oratoires et cette guerre civilisée d’arguments, l’espoir nourri est que le Peuple appelé aux urnes puisse se faire sa propre idée sur la réalité des promesses qui lui sont vendues. Les six mois du pouvoir Pastef, avec l’impossibilité à ce jour de communiquer un document rigoureux et concret sur leur vision pour un Sénégal, suffit à ce qu’aucun politicien dans ce pays ne soit plus cru au mot tant qu’il n’apportera pas du factuel à toutes les idées professées

Alioune Tine de la Société civile trouve qu’il y a du bien dans le débat entre nos acteurs politiques. «Il faut offrir un plateau de rêve qui va s’avérer une véritable révolution médiatique, politique et démocratique : un grand débat télévisé entre Sonko, Macky, Barth’ et Amadou Ba, organisé en collaboration avec le Cnra», soutient M. Tine. Il faudrait que cet exercice soit rendu possible pour une amélioration qualitative du débat public, mais il faudrait pousser la proposition en y ajoutant du fact-checking rigoureux, qui aidera, à l’issue du débat, à vérifier les déclarations, arguments et propos défendus par les candidats respectifs. Ce travail de déconstruction du discours sera nécessaire pour peu que nos acteurs politiques soient sincères avec leur volonté de contribuer à l’éveil des populations. Des acteurs politiques qui n’ont rien contre la reddition des comptes, le contrôle raisonné de la vie publique et un assainissement de la sphère politique ne s’opposeraient guère à toute logique de rendre leur discours clair et surtout attaquer tout argument fallacieux ne visant qu’à duper les populations.

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Il est certain que plusieurs lecteurs ou observateurs me reprocheront une naïveté niaise pour penser que nos personnalités politiques s’ouvriront à cette forme d’exercice. Les adeptes des dictées préparées ne seront pas à mille lieues d’un tel plateau, mais il ne coûte rien d’essayer. Ousmane Sonko et Aminata Touré, qui sont désormais du même bord politique, n’avaient de cesse de faire dans la surenchère lors des élections législatives de 2022, pour s’éviter une confrontation avec des conditionnalités que rien n’expliquait. Espérons cette fois qu’aucun candidat ne cherchera des faux-fuyants pour éviter de prendre part à un débat.

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Ce débat, s’il est matérialisé, sera une sacrée avancée pour le modèle démocratique sénégalais. Il sera la parfaite occasion pour nous faire une idée de la maîtrise des dossiers par ceux qui aspirent à nous diriger, tout en étant un révélateur des impostures. Les tempéraments face à l’adversité pourront être observés. Tout ça, c’est beaucoup de transparence, diront certains. Comme nous sommes par excellence dans le pays des ambiguïtés et des non-dits, le défi de voir un tel débat se produire sera énorme. Toutefois, il sera une chance pour éviter à l’avenir que les positions sérieuses soient pourvues par des gens impréparés à la tâche.

Ps : les usagers de l’autoroute de l’Avenir comme moi ne peuvent que s’indigner sur le placement politique ridicule, jouant dans la propagande, que certains agents effectuent au niveau des postes de péage. Comme pour les semaines qui précédaient la Présidentielle de 2024, ce sont des bracelets en plastique et lumineux au couleur du parti au pouvoir qui sont arborés sur le bras gauche et exposés à tout usager. L’agressivité de ces bras enguirlandés aurait été juste débile et risible si la manifestation de l’appartenance politique ne se faisait dans un lieu de travail, recevant tout public. Quand le zèle, l’irréverence et le sectarisme primaire sont aux commandes, il faudra faire avec toutes les pratiques qui révulsent. Pauvre Sénégal.
Par Serigne Saliou DIAGNE
saliou.diagne@lequotidien.sn