Ces derniers temps, nos gouvernants semblent procéder par des tests pour évaluer le degré de résistance du Peuple à l’arbitraire. Il faut qu’ils sachent que la réaction d’un Peuple, c’est comme du jus de tamarin ; le sucre le rend agréable, mais gare à celui qui le boit avec de la poudre de piment. Evitons de fabriquer dans ce pays un «roi», une République est plus adaptée à notre Peuple qu’un royaume. Refusons que l’autoritarisme genre Mobutu ou, plus récent, Yahya Jammeh s’installe chez nous.
Notre Peuple n’est pas une marionnette, les changements de régime en 2000 et en 2012 en sont de parfaites illustrations. Il sait désormais la valeur de la carte d’électeur, il n’est pas amnésique. Mon Peuple sait qu’il est seul détendeur de sa souveraineté, malgré les tentatives souvent honteuses de le préparer à accepter, de gré ou de force, la volonté électoraliste du prince.
Cette situation de confusion et de complots politiques contre tout adversaire politique potentiel, qui dure depuis cinq ans, doit cesser. Cela n’est ni dans l’intérêt du prince ni dans celui de la tranquillité du pays. Il doit lui-même s’ériger contre cet état de fait eu égard aux discours qu’il servait aux populations il y a juste quelques années.
Ce n’est pas seulement l’affaire des partis politique, mais du Peuple dans son ensemble, qui s’est battu farouchement pour faire entendre raison au prédécesseur de l’actuel occupant du Palais qui devait refuser de prêter le flanc, ou d’avoir «peur» d’aller aux élections législatives prochaines avec des adversaires crédibles, non fabriqués pour la circonstance. Leur jeter l’anathème, c’est tout juste différer le problème. Les dossiers judiciaires, qu’ils concernent des membres du camp du prince ou de celui de l’opposition, doivent être traités de façon juste, sans partialité, avec éthique et équité.
Ces remous politico-judiciaires, à quelques encablures du mois juillet 2017, sont louches, très louches, d’autant que les dossiers soulevés semblent ne s’intéresser qu’à ceux-là qui refusent d’être des rossignols dans la cour du prince ; ceux-là qu’on taxe d’opposants, de contrepouvoirs, de téméraires, de récalcitrants ou d’oiseaux de mauvaise augure. Il faut aider le prince en lui disant que le Sénégal ne pourrait plus souffrir une régression démocratique planifiée par une caste d’individus qui ont complètement perdu la tête. Ils ne pensent qu’à leur panse, leur poste et plan de carrière.
Méditons cette parole de William Shakespeare : «Un feu léger est vite étouffé : si vous le laissez faire, des rivières ne sauraient l’éteindre.» Par conséquent, cessons de jouer avec le feu, car «à force de jouer avec, on finit par sentir le fagot».
Nous nous étions battus avec un bilan de douze vies humaines perdues dans le combat pour recréer, au lendemain des élections de 2012, un enthousiasme populaire portant à la tête de notre pays un leader charismatique capable de trouver le juste milieu entre le consensus et la rigueur.
Parce que nous avions besoin d’une équipe en mesure de nous retrouver notre Etat perdu à cause de l’inculture, en matière de gouvernance responsable du défunt régime, à un moment critique de notre évolution démocratique. Parce que nous avions besoin de compter sur une bonne Assemblée nationale qui remplit sa véritable mission de représentant du Peuple. Parce que nous avions besoin d’une diplomatie non plus hésitante et hasardeuse, mais organisée et méthodique. Parce que nous avions besoin d’une jeunesse ragaillardie, instruite, formée et employée dans les secteurs vitaux de notre économie, loin des bagarres de rue pour le compte de politiciens égoïstes et véreux, loin des agressions tenues comme moyens de subsistance. Parce que nous avions besoin d’une Constitution sérieuse, d’infrastructures prioritaires et non populistes. Parce que nous avions besoin de jouir d’une justice à vitesse unique pour faire reculer les tares nées de l’impunité, du népotisme et de la corruption etc.
Aujourd’hui, le monde rural, le milieu urbain, les citoyens de manière générale, autant ils saluent certains projets très audacieux du régime, autant ils ont tiré un enseignement des effets d’annonce dans d’autres domaines vitaux et des promesses non tenues. Il ne faudrait pas que le prince accepte de fermer ses yeux sur la confiscation des libertés de marcher, les tentatives de museler la presse ou de la corrompre, la banalisation de la liberté d’opinion, la promptitude à camoufler les dossiers d’enquête concernant des scandales financiers présumés, touchant des membres de son camp, les accointances suspectes avec une certaine oligarchie coutumière d’un certain comportement d’accaparement exécrable digne des pires parasites etc.
Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Le Peuple sénégalais n’aime pas l’injustice, il abhorre de la même manière l’arrogance ; surtout lorsqu’elle vient de véritables parvenus dont le seul mérite est d’être proches du prince, bien positionnés dans sa famille biologique, dans sa liste d’amis et de responsables politiques.
En lieu et place d’un soutien à notre jeunesse pour l’aider à trouver son épanouissement et s’intégrer dans l’élan de démocratisation et de développement de son pays, voilà que des marchands d’illusion, d’authentiques adeptes du gangstérisme d’Etat choisissent de les utiliser pour semer la pagaille dans l’arène politique. Ils se battent souvent entre eux, insouciants, inconscients pour le partage de miettes au moment où leurs mentors s’accaparent de la mie du gâteau national.
Nous demandons à notre jeunesse de se ressaisir et de refuser qu’ils dilapident ses ressources et la laissent dans la dèche, avec l’insulte qui consiste à faire d’elle le bras armé de leur médiocrité. Pour ce faire, elle doit s’inscrire sur les listes électorales et bien choisir demain ses députés (bien que le mode de scrutin ne soit pas des meilleurs) et son président de la République (le moment venu).
C’est le même appel que nous lançons aux intellectuels qui ont la manie de prolonger à coup de mensonges savants, dans les studios de radios, de télévisions et dans tout l’espace médiatique et publique les dérives et délires d’une certaine gentry politique. A ces derniers, nous demandons d’être honnêtes avec eux-mêmes pour s’honorer, honorer leur famille et leur Nation.
Accompagner un leader politique pour un intellectuel digne de ce nom doit signifier, entre autres assertions, lui servir de force de propositions pouvant rendre la vie de ses populations meilleure. Autrement, il devient simplement un vulgaire larbin.
Nous le disons parce que nous sommes à quelques mois des élections législatives. Une lourde responsabilité attend le Peuple entier ; celui de faire mieux que lors des joutes électorales passées. Pour ce faire, nous implorons la clairvoyance du régime pour qu’aucun candidat ne soit écarté sur la base de prétextes fallacieux et antidémocratiques. Les états-majors politiques en lice, le ministère de l’Intérieur, les organes de contrôle des élections, les observateurs, la société civile, la presse, les citoyens que nous sommes, avons tous la responsabilité de veiller à ce que la transparence soit au rendez-vous. J’invite mon Peuple à rester vigilant. Il y va de son intérêt afin que nous puissions avoir des élections apaisées, un vote crédible.
«La ruse du renard ou la force du lion» ; cette leçon historique et tristement célèbre de Machiavel est devenue obsolète auprès des honnêtes citoyens sénégalais depuis belle lurette.
Tafsir Ndické DIEYE
Poète – Romancier – Chroniqueur