Régler le problème des ego, les ambitions démesurées et la confiance entre les acteurs : Voici quelques écueils posés à la nouvelle coalition constituée de Taxawu senegaal, Pastef, le Pur et le Pds dont la posture trouble pourrait décider de l’avenir de ce regroupement.

Par Souleymane THIAM

L’opposition sénégalaise se cherche. Au-delà de la symbolique, la nouvelle coalition annoncée entre Pastef, Pds, Taxawu senegaal et Pur devra régler le problème des ego qui a fait sombrer électoralement l’opposition lors des Législatives de 2017. Il est vrai que pour les Locales, la question de la tête de liste se posera moins qu’à l’élection des députés. Mais certains leaders vont-ils taire leurs ambitions au nom de l’unité de l’opposition ? Cette coalition va-t-elle savoir gérer les frustrés nés des investitures ? Va-t-elle s’ouvrir au Congrès de la renaissance démocratique (Crd) ou à la coalition Jotna ? Voilà autant de questions qui se présentent comme défis pour cette alliance en gestation déjà impressionnante, médiatiquement parlant… En attendant les urnes. Ces tentatives d’unification de l’opposition ne sont pas nouvelles. A la veille des Législatives du 30 juillet 2017, les adversaires de la majorité avaient monté cette idée. Pds, Rewmi, Aj, Grand parti, Bess du ñakk, Bokk gis gis, Fsd/Bj, Taxawu Dakar, Tekki, Ldr/Yeesal et tutti quanti décident d’aller en union.

Reniements
L’idée était séduisante, mais rattrapée par la realpolitik. Les ambitions démesurées des uns, d’une part, et les ego, d’autre part, éclatent cette coalition en 3 pôles. Le Pds, ex-parti au pouvoir, ne peut concevoir que Khalifa Sall, en prison depuis mars 2017, soit choisi par certains comme tête de liste nationale. Idrissa Seck, Malick Gakou, Bamba Dièye et Mansour Sy Djamil votent le maire de Dakar d’alors tandis que Tekki, Bokk gis gis choisissent la liste du Pds conduite par Oumar Sarr. Il se susurre que lors des négociations, Idrissa Seck aurait balancé un sourire narquois quand il a appris que Oumar Sarr, secrétaire général adjoint du Pds à l’époque, était candidat pour être tête de liste nationale. Finalement, Me Abdoulaye Wade va quitter Versailles pour diriger la Coalition gagnante/Wattu senegaal tandis que Modou Diagne Fada va créer Manko yeesal.
Manko taxawu senegaal de Khalifa fut la première victime de ce divorce. En misant sur Dakar, Khalifa Sall a perdu le département pour un écart de 2 000 voix : Bby de Amadou Ba avait raflé les 7 députés devant la tête de liste de Mts Bamba Fall. Avec plus de 55 mille voix, le Pds pouvait faire basculer largement le score en faveur de Barthélemy Dias et Cie. D’ailleurs, Bamba Fall l’a regretté au lendemain de ces élections au domicile de Wade. Au même moment, Ousmane Sonko et Abdoul Mbaye n’avaient jamais cherché à se regrouper avec les «politiciens professionnels», selon les termes de l’ancien Premier ministre. «Ce sont des coalitions où on finit par se chamailler pour pouvoir placer des militants. C’est sans doute pour cela que les gens pensent que nous aurons des résultats médiocres. Nous n’allons pas fonctionner comme les coalitions politiciennes», déclarait le leader de l’Act. Mais les scores des uns et des autres ont pu amener certains acteurs politiques à la raison.

Crise de confiance entre acteurs
Abdoul Mbaye et sa coalition n’ont pas eu de député tandis que Ousmane Sonko de la coalition Ndawi askan wi, avec ses 37 mille voix, doit son siège au «plus fort reste». S’il a été la révélation du scrutin du 24 février 2019 avec ses 15%, Sonko sait que pour ces élections locales, au système à majorité relative, une coalition avec des partis du «système» va améliorer les chances des candidats de la majorité. Le leader de Pastef semble apprendre du scénario de 2017, époque à laquelle il prenait ses distances avec Manko comme coalition électorale, front dont son parti était membre. Il déclarait : «Ce qui est sûr, c’est qu’il y a des gens qui ne pourront pas aller ensemble parce que ce sont des alliances contre nature. Et à chaque fois, on nous sort là même rengaine. Oui, il faut sauver le pays, la situation est grave. Donc, tout le monde n’a qu’à faire abstraction de certaines choses. Et après, vous ne savez même pas qui fait quoi, qui discute avec le Président Sall le soir.»
Au demeurant, il y a ce problème de confiance. Et la posture du Pds interroge. Oumar Sarr conduisait la délégation du Pds lors des rencontres de l’opposition. Aujourd’hui, il siège dans le gouvernement. De plus, le Pds n’a pas encore officiellement marqué sa participation à cette coalition. Déjà, sa position de ne soutenir aucun candidat lors de la Présidentielle de 2019 est perçue dans certains cercles de l’opposition comme une entente entre Macky et Wade. Il faudra régler ces écueils pour pérenniser cette coalition jusqu’aux élections locales. Sans quoi, les mêmes causes vont certainement produire les mêmes effets.
Stagiaire